Les Maldives

Christian Lemoine

Le parc s'immole en végétations rabougries. Quêteur fondamental, l'automne explore dans les allées crissantes s'il s'y peut dissimuler les runes de sa splendeur. Herbes d'un jaune craquant. Arbres aux feuilles ignées avant que de dorer. Pourtant, des cris d'enfants, des jeux, des appels. Le parc bientôt va s'éteindre. Foulées sans le secours des nappes exsangues, les gazons n'entrevoient plus le sombre vague à l'âme des caves. Un corps brisé, cassant comme tige desséchée, glisserait sa peau racornie dans la dépouille des pelouses sans en ruiner l'harmonie éplorée. Mal des saisons erratiques : mal des étés trop enfiévrés ; mal des printemps déboussolés. Mal des hivers décharnés. Mal des automnes excités de toutes les ardeurs. Plus bas, vers le midi, des continents mouvants se ruent, avec l'insensible persévérance des compressions sismiques, à l'assaut des grèves vulnérables, et tout sable convoque en son écoulement le lent effondrement de la dune, soudain accéléré en avalanche cristalline. Plus loin, dans les turbidités liquoreuses du septentrion, des vaisseaux amples et butés dérivent au hasard des fjords et des abers. On en devine, au milieu des élongations du brouillard, les ombres puissantes qui montent leur crescendo menaçant. Et toute glace livrée au sel conspire en son noyau le plus pur l'intempérance des océans. Ailleurs, sous les ailes inassouvies des aurores d'orient, une orogénie sous-marine invente des massifs exubérants qui corrompent des courants et les migrations pélagiques. Et toute marée médite au secret de ses remous la débauche des ensevelissements. Quand l'occident, au dernier feu du jour, déplore en une mélancolie égotique l'extinction, seconde après seconde, du soleil, comme s'il en devait venir enfin à fuir vers l'infini. Et chaque étincelle, imbue de ses nitescences, orchestre en son ballet de particules la déflagration des fissions indomptables. Il en va des saisons comme des métropoles, elles s'épuisent dans le maintien en survie des organismes dépéris.
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