Les oiseaux tout gris.

chachalou

Histoire pour enfants et adultes


Les deux petits oiseaux.


Par une belle après-midi d'octobre, alors que le Soleil brûlait très fort, deux oiseaux se lamentaient sur leur sort. Ils étaient là à attendre, je ne sais qui, je ne sais quoi, en se demandant sans cesse si la vie en valait la peine. Ils avaient sur leur tête des plumes vertes et hautes qui leur donnaient des allures de Junkie et pouvaient même, sans dire d'aller chez le coiffeur, se faire beau tout au long de l'année. Cela ne suffisait pas à rendre heureux ces deux oiseaux, qui dans le calme des événements, n'avaient qu'une seule idée en tête, ne rien faire. Ils excellaient en la matière, passaient leur temps à flâner de partout et sans le moindre objectif et se demandaient toujours pourquoi ils ne pouvaient pas changer de camouflage comme leurs chers amis, les caméléons.

Ces derniers habitaient d'ailleurs non loin de là, dans un gros arbre bien dodu, à l'hôtel des fourmis. Il y en avait un millier et une centaine solitaire hébergées dans ce gros arbre très cossu. Les fourmis étaient accueillantes. Elles avaient de gros abdomens et des petites pinces sur le devant de leur tête pour attraper leurs ennemis numéro un, les termites. Les termites quand à elle ne vivaient pas très loin de là, dans un champ ensoleillé les trois quart de l'année. Le champ était en friche et personne, ici comme ailleurs, ne savaient s'il serait un jour correctement entretenu. C'était la jungle à quelques kilomètres et l'aéroport pas très loin, avec une piste noire immense pour permettre aux avions et hélicoptères d'atterrir.

Nos deux compères les oiseaux, eux, se contentaient simplement de scruter l'horizon en quête de nouvelles proies. Mais cette idée-là ne les quittaient pas. Comment acquérir le talent de changer d'apparence ou de couleurs en un claquement de doigts ? Obsédés par cette quête, ils en venaient même à oublier leur repas. De stratégies en stratégies, de plans en plans et d'échecs en échecs, ils en vinrent à conclure qu'il serait compliqué pour eux de mener à terme ce si beau projet. L'oiseau le plus téméraire décida donc d'aller rendre visite au grand-père caméléon. Le vieux pépé était assis dans son fauteuil, dans sa maison et regardait savamment deux larves éclore dans leur petit cocon de soie. Il prit son air sérieux et s'approcha de son interlocuteur.

- Que fais-tu ici, mon cher ami. Ce n'est pas un endroit pour les gens comme toi.

L'oiseau se percha sur ses deux petites pattes et déploya ses ailes.

- Mes ailes sont noires et mon pelage est tout gris. Je n'ai qu'une houppette sur la tête qui soit colorée. Mon colocataire et moi-même sommes curieux de savoir comment vous imiter et changer ainsi de couleur au grès de nos envies.

Le caméléon parût surprit et expliqua au petit oiseau.

- Mon cher ami, moi-même je m'y perds. Je ne sais pas me reconnaître dans une flaque d'eau, je ne me rappelle même plus de mon prénom ni de mon âge à force de changer d'apparence et de couleurs. Je n'ai qu'un seul conseil : reste comme tu es et ne change pas ton destin.

Fort déçu, l'oiseau piailla quelques mots de mécontentements. Il s'exprima pourtant, toujours aussi motivé et pas prêt de changer ses plans :

- Ne comprends-tu pas ? Le prix que je devrai payer pour obtenir la beauté de ton corps m'importe peu. Ce que je désire plus que tout, c'est de te ressembler. Tu es mon modèle suprême de beauté et rien ne m'empêchera de réaliser mon rêve. C'est bien trop monotone de n'être que noir et gris. Je veux du changement et de la gaieté.

Le caméléon s'approcha d'un joli meuble en bois et devint tout marron. Il se contenta de tirer la langue par deux ou trois fois avant de se poster devant son nouvel ami.

- Devant toi, devant un arbre ou devant un animal plus sombre, je ne ressemble plus à rien. Tu ne réglera pas ton problème en me ressemblant. Ce camouflage est ma survie et sans cela, je ne suis plus rien. Je suis un caméléon mort. Alors que toi, regarde-toi. Tu as des ailes pour t'envoler où tu veux et un bec pour déchiqueter tes proies. Tu peux admirer ce monde vu du ciel tandis que je suis prisonnier sur cette maudite terre. Faisons un marché. J'accepte un échange.

L'oiseau tout contente accepta et rentra à son domicile sans se poser plus de questions. Cet accord tout récent le rendait heureux et il en oublia presque consciemment d'informer son colocataire de branche.

- Où étais-tu passé ? Lui demanda son ami.

- Je faisais une ronde. Les insectes quartiers nord ne sont pas encore sortis aujourd'hui. Ils ne tarderont pas à se pointer et il sera alors l'heure de manger. Et toi, qu'as-tu fais ?

- Je n'ai fais que t'attendre.

Quelques semaines plus tard, l'oiseau le plus âgé et son nouvel ami le caméléon se rendirent chez la sorcière la plus célèbre du village. Elle dit aux deux concernés :

- Pour échanger vos corps, il faut vous dévorez mutuellement. Chacun renaîtra ainsi dans la peau qui lui conviendra le mieux. C'est l'ordre naturel des choses et seule la nature peut vous apporter ce que vous cherchez réellement.

Obsédés par leur envies respectives, l'un d'avoir un plumage colorés et l'autre, d'avoir des ailes pour survoler la jungle, les deux amis se dévorèrent sans plus attendre. Le caméléon lança sa lange collante et captura le volatile, qui lui, se contenta de picorer quelques grains d'insectes encore frais dans la bouche du caméléon. Le caméléon se tourna ensuite vers la sorcière et lui reprocha froidement :

- Vous avez menti. Je suis encore un caméléon, malgré le fait que je viens de dévorer mon nouvel ami. Maintenant, il va me manquer et ni son souhait, ni le mien, n'ont été exaucés.

- Mais ne saviez-vous pas mon cher ami qu'un oiseau ne pourrait vous dévorer. Vous êtes bien trop gros pour lui et bien peu sage, par la même occasion. Maintenant, si vous voulez toujours avoir de grandes ailes, il vous faut convaincre un aigle.

Le caméléon pouffa de rire et s'en alla sans dire plus de mots. La sorcière avait peut-être raison et dans le fond, il voulait tant déployer ses ailes pour dominer les cimes et observer le monde à sa façon. Il était si impatient, qu'il oublia quelques précieux détails. Il alla trouver l'aigle le plus proche et marcha même durant de très longues journées, se nourrissant essentiellement de tout petits insectes et par petites quantités. Il faudrait qu'il est l'air malade et affaiblit pour ne pas donner appétit à son nouveau partenaire. Le marché ne tiendrait pas s'il était trop en forme. Il monta ainsi dans le nid le plus haut, au sommet d'une grande colline et salua son interlocuteur.

- Je viens te proposer un marché, changer ton apparence avec la mienne. Tu auras une belle peau multicolore et pleins d'écailles brillantes, ainsi qu'une langue immense qui te permettra de regarder le soleil tout en mangeant.

- Parfait, dit l'aigle. Comment fait-t-on pour arriver à cette fin ?

- Pour cela, argumenta le vieux caméléon, il faut que nous nous dévorions mutuellement jusqu'à la mort. Laisse-moi commencer pour m'assurer de ta bonne foie. Si tu me dévorai avant, et bien... Tu ne deviendrais pas ce beau et fort caméléon que je suis.

L'aigle déploya ses ailes et protégea le caméléon des vents.

- Je suis repu, dit-il. Il faudra attendre demain matin. En attendant, reste donc un peu pour le repas du soir. J'ai bien des provisions.

Le caméléon très confiant s'installa dans le nid en compagnie des autres membres de la famille et se sentit tout petit. Il avait très peur mais n'en disait rien, en pensant qu'il pourrait patienter jusqu'au lendemain matin. Il ferma donc ses yeux dans la nuit avancée et se fit manger tout cru par le papa aigle et la maman aigle. Les deux rapaces distribuèrent les portions aux enfants et les prévinrent très sagement.

- Nos enfants, vous faites parties de la plus belle des espèces. À l'avenir, il ne faudra jamais accepter de telles propositions. Vous êtes beaux avec vos grandes ailes, avec vos gros becs et avec vos petites serres qui n'ont pas encore poussé. Votre apparence est la raison de votre survie. Vous êtes nés ainsi et vous mourrez ainsi. Mangez donc et régalez vous.

Les enfants aigles se pressèrent au repas et dégustèrent le caméléon grillé. Ils trouvèrent le petit déjeuné très appétissant et demandèrent soudain à leur parents :

- Quand est-ce que nous en remangerons ?

- C'est un plat de chef, répondit le papa. Il est réservé aux grandes occasions.

- Qu'est-ce qu'une grande occasion ?

- Les imbéciles sont bien rares dans notre monde, mon petit. 


  • j'ai lu rapidement ; tres chouette ! N'ayant pas assez de temps (suis sur le festival en Grangeons la musique) je vous assure de revenir (semaine prochaine) musarder dans votre forêt !

    · Il y a presque 6 ans ·
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    Gabriel Meunier

    • Bonjour, merci beaucoup ! Je vous attends de pieds fermes alors . Bonne journée !

      · Il y a presque 6 ans ·
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      chachalou

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