Les poissons

Chalut à tous, ces quelques lignes pour vous filer un texte, où si vous voulez vous lancer, pourrez y pêcher sans gaule ni hameçon, au fil du récit les poissons visibles pour certains et cachés pour d'autres.

Alors sortez vos nasses, moulinets et bouchons, en espérant que la marée soit belle pour vous !

Les vieux loups de mer de Saint-Pierre, pipe en ébonite au bec, assis au bord du môle étanche, dos aux rades, où le mur règne et le mot rue a disparu, ont élu sans faire un pli Napoléon Huchon, surnommé l'empereur rouge, une personne pas très vive ; cependant un excellent choix cet ancien grenadier de Brème né dans le Perche, beau, droit, devenu maire lent, muet s'il le faut telle une carpe, mais rarement à l'arrêt au volant de son tacot sans turbo, loin de l'exocet.

Il est marrant à l'Hippocampe, au bar accoudé de ce motel carrelé, avalant deux brochettes au goût jonglant entre la terrine de chapon aux girolles et le concombre, son en-cas bio préféré, puis un marbré arrosé de Lanson. Il trouve toujours le ton ad hoc pour remettre au pas les truands locaux et quand voyant anguille sous roche, il torpille dans l'ombre des lanternes éteintes en terrasse, ce casse de tablettes dorées et de coffre rempli de carats sains, imaginé par une bande de requins et d'aigrefins, rois du billard et de la quinte flush en toc, comprenant Rouget le maquereau dit « grand gueule » et ses séides : Silure Chevesne le barbeau dit « beau gueux » et Marlin Guppy un ancien clown dit « l'enchanteur du bocal oz ».

Quand expira Anna dans la Sarre, il se remaria à Bamako chez Lorette par amour des beaux yeux vairons de Julienne Meunier, une vieille pilote de ligne reconvertie en bouvière, maigre comme une limande, rousse être aussi un peu barbue, élevant avec ses chats des gorets, des veaux, des mulets, des zèbres et des bardots, mais roulant en vespa reflétant sa modestie.

Hier le maire lut dans la salle Ernest Hurjon, pleine comme une boîte de sardines un discours de deux pages hautes en couleurs évoquant à la Ferrat bien sûr la pêche qu'il finit avec  «  N'est-ce pas don du ciel de vivre ici sous cette lune, gardons nôtre le sol de ce lieu pas laid riche des cendres de nos aînés et le beau port d'où poussé par les vents d'Oise l'on fugue us urbaines vers le Labrador et dans ce cas pelant, loin de ses champs aux épis moches comme en pays de Gobi qu'Attila pilla sans baliste ! ». « Et sommons au congrès que l'industrie des conserves Bondelle devenue en s'étiolant proie, puis détruite à coup de sabres renaisse » gronde un nez perlant, celui de Colin Chinchard.