Les sens

Anne Sophie De Bassoff

extrait du jardin. Je n'en suis pas l'auteur, je suis la dessinatrice du projet. L'auteur est Ben Parva (http://cdmu27.wixsite.com/cdmu )
On ne voit pas qu'avec les yeux ; on ne touche pas qu'avec les mains.
Il est même douteux que cinq sens suffisent à tout ressentir.
S'il se trouve dans de bonnes dispositions, une visite au jardin, quelle que soit l'heure ou la saison, force la sensibilité du promeneur, délire ses centres réceptifs, exalte son cœur et fouette son âme. J'aime ces moments de furie sensorielle dans le cadre réconfortant de mon abri.
Le jardin, argile et chair, sève et sang. Bois tendu vers des cieux sans issue, nerfs à fleur de peau fiévreuse. Les parfums giflent les souvenirs, caressent l'instant. La rose qui charme et qui déchire. La main tendue vers ce qui s'échappe ; cueille le coquelicot et il en meurt – c'est sa fragilité
qui en fait la beauté, désirable et intouchable, torture pour l'âme éprise.
Tout concourt à l'instant, tout se ligue contre moi, force le désir. Le jardin n'est pas la somme de ses éléments, mais ce que chacun d'eux provoque simultanément en moi. C'est ce qui m'appelle et s'offre, ce qui m'appelle et se refuse, ce qui m'appelle et se défend. La rose qui charme et qui
déchire. C'est ce qui cède enfin et s'abandonne. Le regard de l'oiseau qui renonce à s'enfuir. Le fruit qui se laisse cueillir. C'est enfin ce qui étreint et apaise – hors du temps, hébété, un sentiment de plénitude. Sur le chemin du repos, la tension se relâche et c'est simplement le bien-être – il est
même douteux que cinq sens suffisent à le ressentir, mais il n'est plus lieu de s'en inquiéter.    


                                                                                      Ben Parva




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