L'estomac dans l'étalon.

Marcel Alalof

                                         

 

 

Je sors du restaurant pakistanais,au décor monumental,où l'apéritif et le digestif sont offerts, pour faire oublier l'indigence des repas.On dirait des restes de plusieurs plats resservis aux clients qui suivent.Il est bondé…

Je vois sur le trottoir d'en face une jeune femme distinguée,grande,mais sa démarche laisse deviner qu'elle porte des talons trop hauts.Elle est jolie,marche vite,le front plissé vers l'avant,comme le pare-choc d'une voiture américaine.Je l'appelle par son prénom,une fois,deux fois,elle va disparaître derrière un camion.Non.Elle m'a reconnu.Nous nous embrassons.Nous ne nous sommes pas vus depuis près d'un an.Elle me dit »Ca y est ! »,comme si nous nous étions quittés la veille.Je réponds : »Quoi ? » »Nous passons la semaine prochaine devant le Juge,pour le divorce.Mais,il y a des problèmes pour le partage  des biens ! »Je lui suggère de tout laisser et de partir.Elle a une moue et un mouvement du corps pour exprimer qu'elle n'est pas d'accord.Et puis,au revoir.Tout s'est passé très vite.Je rejoins mes compagnons de table.L'un,puis lautre,disent : »Tu aurais pu me présenter ! »

Vingt minutes après ce repas qui pèse,je consulte mon mail.J'ai reçu un message de mon seul client qui m'informe que la société s'est restructurée et qu'elle n'a plus besoin de mes services.Pointe d'anxiété ou blessure d'amour propre,puis,la vie continue.Je ferme mon téléphone.sors du café.Il pleut.Mais,j'ai ma casquette.

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