Lettre 3

Pauline Bouyssonnie

28/02/22

Coucou, j'espère que tu vas bien. Aujourd'hui, je me suis dit que pour m'occuper, je penserai à toi. En écrivant, je bois un thé bien chaud, assise en terrasse au soleil. Les étudiantes assises à côté de moi m'ont donné une feuille pour écrire. Comme d'habitude j'observe beaucoup les gens. A côté de moi, un homme veut mettre ses lunettes de soleil mais arrête son geste à mi-chemin. Il en est à sa troisième tentative, et préfère les poser sur la table. Il est avec une femme dont je ne peux pas voir le visage. Si c'était le cas, j'aurais des centaines de choses à te raconter. 

Ah tiens , il a enfin mis ses lunettes, ce dossier est clos.

Tu ne le sais pas encore mais l'autre jour, j'ai pris le bus de 18H10. Il y avait trop de monde mais j'ai réussi à trouver une place. Puis un homme est monté. Il avait une raquette de tennis dans le dos. Je ne pouvais pas la louper puisqu'elle se collait à mon visage avec force à chaque coup de frein. Agacée, je lui ai demandé de la poser à côté de moi. Il a accepté et soulagée, j'ai remis mes écouteurs. Tu sais, il ne se passe pas un jour sans que j'écoute de la musique. Je n'y peux rien, elle me berce. 

Bref, les gens descendaient du bus et la place dos à moi était de nouveau libre. L'homme à la raquette l'a prise. Je fixais la vitre quand tout à coup, j'ai senti une autre peau toucher ma nuque.  Surprise, je me retournais, les écouteurs enlevés. C'était l'homme qui, assis, consultait la frise des arrêts suivants, le nez en l'air et le bras posé sur le siège.

Il sentait la transpiration mais il avait l'air gentil. Il a vu mon air surpris et insistant mais a tout de même demandé si j'aimais le tennis. J'ai dit non. Il m'a ensuite demandé si j'avais un copain et j'ai dit oui. Il a sourit et a voulu savoir si mon copain était pénible. Je lui ai dit que pour l'instant non. Mais qu'on ne savait jamais à quel moment la relation devenait chiante. J'ai tout de même appris qu'il avait  26 ans  et dit  que j'en avais 30.

On est descendu au même arrêt, "comme par hasard!" me diras-tu . Il m'a dit " à bientôt sur une autre ligne" et j'ai répondu " Bonne soirée."

Alors voilà, je ne t'écris pas un grand texte travaillé comme d'habitude. Tout simplement parce que ces derniers jours n'ont pas le même parfum. Je suis un peu inquiète quand même. Je ne souhaite pas mettre ici mon avis sur la politique actuelle. Ni m'épancher sur ma vie personnelle.  Pour autant, en repensant à l'homme du bus, je sens une pression sur ma nuque identique au geste. Je me rends compte l'avoir trouvé profondément agréable. Finalement, en le racontant, je peux dire que ses questions étaient drôles. Et savoir que je ne le reverrais plus,  amusant.   Je souhaite finir cette lettre là-dessus, en disant que le plus important c'est donc ce geste, ce moment de quelques minutes sans déconvenue. Et tu sais ô combien je les trouve importants tout au long de la vie. 

Je t'embrasse.

F.



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