L'existence hasardeuse

compteclos

Il était 23H06. Un message apparu sur mon téléphone.
«  Bonsoir, désolée d'envoyer un message aussi tard, c'est la serveuse du Bb'S. Tu as laissé ton numéro sur la commande pour Aurél, le serveur qui vous a servi toute la soirée, seulement, moi, j'tai remarqué avec tes grands yeux gris et ton carré plongeant qui me faisait plonger dans ton si beau sourire. »

 

Interloquée, je répondis ;

« Mais qui es-tu ? »

«  Moi ? J'me prénomme Elodie, 22 ans, serveuse au Bb'S. J'suis assez banale comme nana mais toi t'as l'air d'être sacrément extraordinaire. »

Je n'avais connu que des hommes pathétiques au lit, n'avais jamais senti la douceur d'une femme sur mes reins, alors, pourquoi ne pas tenter l'aventure ?

«  Dis, Elodie, tu veux sortir avec moi ?

La réponse fut positive. Un rendez-vous, fixé. Et nos lèvres, embrassées.

 

Mon téléphone vibra. Elodie venait de m'envoyer un message. Je sortis les yeux de mon écran télévisé et me pencha vers mon petit objet électronique. Elodie n'était qu'une inconnue à qui je faisais une confiance aveugle. Une inconnue qui était ma petite amie. Une petite amie avec qui je me trimballais fièrement dans la rue, main dans la main, bravant la pudeur des homophobes et des partisans d'extrême droite.

Elodie était cette inconnue aux airs révoltés qui savait m'apaiser lorsqu'il le fallait et me faire balancer des casseroles par la fenêtre quand le besoin se faisait ressentir.

Alors, le sourire en étoiles et la bouche en ecchymose, j'avançais fièrement, bras dessus, bras ballant contre son existence qui m'apportait bien plus que de m'envoyer en l'air avec Brad Pitt.

Elle avait cette pureté insignifiante qui me rendait extatique devant chacun de ses rictus.

Elle avait cette singularité que peu avaient en se trimballant avec des Stan Smith aux pieds.

« Ça te dis qu'on se revoit ? »

Je ne connaissais Elodie que depuis une semaine. Mais, nous étions sorties ensemble assez rapidement. Tous mes ami(e)s étaient en couple, alors, pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pas tenter ma chance auprès de cette jolie rousse ?

Elodie, je lui faisais une confiance aveugle, peut-être à cause de ses yeux verts qui laissaient transparaître tout ce que j'avais besoin de savoir, peut-être parce que c'était ma première copine, peut-être parce que je découvrais l'homosexualité dans sa plus belle hécatombe.

La vérité c'est que, lorsque j'étais avec elle, des bataillons acharnés se précipitaient sur mon âme et la fureur de mon passé se déferlait dans nos baisers si farouches, qui ne faisaient pas mouche. Combien d'Hommes jalousaient notre relation si peu hasardeuse qui, pourtant, l'était à la quintessence de l'humanité. Nous avions touché du doigt ce que peu avaient effleuré.

Peut-être était-ce notre singularité ou bien notre envie de conquérir le monde sans armes. Seule, la force de notre amour pouvait dévaster des continents entiers.

Et je disais cela au bout d'une semaine seulement.. Et dans 10 ans ? Aurions-nous fait renaître des dinosaures par la force de nos esprits détraqués ? La révolution ce sera-t-elle déclenchée à nouveau sans espoir grandissant et sans armes brandit par des voyous mal vus ?

 

Je répondis donc à Elodie ;

«  Passe chez moi ce soir, je veux qu'on fasse exploser les étoiles qui scintillent dans tes narines lorsque tu saignes du nez. »

C'était notre manière à nous de communiquer. La poésie vulgaire était notre manière d'introspection de l'autre. La bizarrerie et la rêverie faisaient aussi parti de ce que nous étions et ce que nous serons, toujours.

Elodie sonna. Elle habitait à deux rues de chez moi. Ses talons sourds résonnaient dans mes escaliers et l'impatience de ses jambes claquaient dans ma tête. Elle me rendait folle. Folle d'elle (et de ses jambes, avant même que je ne les touche).

Je lui ouvris, l'attrapa par les hanches et l'embrassa fougueusement (faisant claquer ma porte par la même occasion, réveillant la mamie du dessus qui fit claquer sa canne sur son sol ce qui fit trembler mon plafond).

«  Alors, comment était cette soirée ? »

«  Nulle, fade, plate. Plateau télé et torture d'ennui. » Répondis-je en baissant la tête.

«  Et maintenant ? » demanda-t-elle en me regardant dans les yeux.

« Maintenant, c'est un arc-en-ciel qui suinte de mes aisselles. »

Elle ria aux éclats et je pus apercevoir ses dents d'une blancheur rayonnante qui illumina ma pièce obscure. Enfin obscure… Tamisée, pour plus de sensualité !

J'avais envie d'elle, envie de la posséder. Peut-être était-ce trop. Sans doute, n'était-elle pas une fille facile. Sans doute, n'étais-je qu'une pauvre hétéro avide de nouvelles sensations corporelles et cognitives. Peut-être recherchais-je en elle ce ne que je n'avais jamais connu en lien maternel. Peu m'importais. Je la désirais, je la voulais contre moi, nos corps se chevauchant dans la fièvre et dans l'irrationnelle déraison que nous offre l'amour Passion.

Consumer sans limite, aimer sans tactique, sans technique de manipulation de l'autre, aimer dans la simplicité, aimer dans la véracité de l'autre.

On avait choisi de se donner l'une à l'autre, sans préavis, sans échec, sans assurance et sans regrets.

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