Libres et humains

Jade Dorcier

Le monde était gris, le monde était sale, le monde était moche. Pour éviter la folie de la cupidité, les hommes s'étaient enfermés dans un autre monde fou : L'interdiction de toute humanité. Interdis de chanter, de danser, de peindre, de rêver, de pleurer, de crier, de rire ou encore de courir, de désirer et même, dit d'une façon plus subtile, d'aimer. La vie était morne, monotone, réglée comme du papier à musique. Tout le monde se ressemblait, portait les mêmes habits, faisait la même taille, avait le même nom. Tout le monde était mis sur un pied de totale égalité et devait souffrir en silence. Le nombre de suicides n'avait jamais été aussi élevé et trouver un corps écrasé sur un trottoir était devenu quelque chose d'anodin, comme un oiseau qui traverse le ciel éternellement gris. Dans ce monde sans musique, il existait encore des gens dont on n'avait pas réussi à enlever la soif de liberté. Personne ne savait où ils se cachaient, mais ils faisaient tout pour transgresser les lois, semer le trouble parmi une population insensible, redonner des couleurs et des émotions à une société qui en était dépourvue. Ils agissaient la nuit pour ne pas se faire prendre et le lendemain, on retrouvait quelque part sur un mur, une voiture, un trottoir ou bien une fenêtre, une magnifique image pleine de couleurs accompagnée d'une phrase qui enflammait les cœurs de quelques-uns. C'était grâce à eux que j'avais pu tenir jusque là. Grâce à eux que j'avais pu survivre, jour après jour, et pu trouver le courage d'affronter chaque journée. Un jour, j'en eu marre de me battre. J'étais alors sortie de chez moi une nuit, malgré le couvre-feu, dans l'espoir d'en trouver un qui m'accepte dans leur troupe. Ce fut le cas, et ce soir, j'allais accomplir ma première œuvre. Mes cheveux bruns emmêlés étaient attachés en une queue de cheval, je portais un ancien pantalon militaire noir, de grosses bottes toutes aussi noires et un débardeur qui m'arrivait au-dessus du nombril. Le noir c'était pour être discret, mais j'étais couverte de poudre colorée de la tête aux pieds. Du jaune, du bleu, du vert, du rouge, du marron, du rose, j'avais été bombardée de toutes les couleurs possibles et inimaginables comme le voulait la coutume. Ensuite on m'avait remis une sorte de gantelet adhésif relié par deux câbles à des capteurs derrière ma nuque. C'était ce qui nous permettait de créer n'importe où en ville. Je posai ma main gauche, celle qui portait le gantelet, la main du cœur aussi, sur le mur et me concentrai. J'imaginais une image, rajoutant un à un tous les petits détails et une fois mon œuvre mentale finie, je posai mes lèvres contre le béton et articulai silencieusement : « Le bonheur se trouve dans chacun de nous ». J'attendis quelques secondes, ouvris les yeux et fis quelques pas en arrière pour contempler le résultat. Ça avait marché et le final était magnifique. Un garçon d'à peu près mon âge, posa une main sur mon épaule et m'adressa un sourire complice. « Très beau travail  pour une première fois ! » Je lui rendis son sourire. Il me fit un clin d'œil et nous partîmes en courant à travers les toits de la ville endormie. La lune était pleine et le ciel était dégagé, parsemé d'une myriade d'étoiles. Le spectacle était magnifique. Je mis à penser qu'il fallait être fou pour ce priver de tant de beauté. J'agrandis mes foulées et sentis le vent frais jouer avec mes cheveux. On allait tout changer, on allait libérer les gens de ces interdictions inhumaines, j'en étais certaine.

  • Magnifique Jade. Tu as toujours de bonnes idées! Mais pour continuer, comme moi, c'est pas trop ça! X)
    Le seul truc, mis à part les descriptions parfaites, c'est que tu dois rallonger le ressenti des gens, laisse la folie de ton cœur prendre vie sur le papier, ça peut paraître un peu strict sinon.
    Mais là comme c'est un texte sur l'interdiction, ton texte est parfait! <3 :)

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    oriana

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