L'ignorance

Christian Lemoine

Chaque soir, caveau, pierre tombale, lourdeur du sépulcre devant lequel roule la pierre d'une éternité bégayante. Chaque soir, au seuil, sur le pas de la nuit outrée dans sa chair, chaque soir les scellés sur la porte blindée. Ce poids écrasant entre les vivants et les morts, mais comment savoir encore de quel monde on est ? quand la scansion du temps ne connaît de rengaine que le fracas des secondes brisées dans un crâne bafoué. Quand l'attention extrême accordée par le bourreau n'est qu'une ignorance, chaque soir accrue, par quoi le corps lui-même est torturé. Chaque soir, cellule, cachot, porte de geôle cadenassée de l'intérieur, et bourreau et supplicié ont même couche. Car dans l'absolue terreur de son abandon, le supplicié porte son bourreau au cœur même de ses entrailles, dans l'exact milieu de son âme. Chaque soir, recommencer la lutte contre le bourreau absent, être sûr de la défaite à venir. Car il y aura demain, il y aura le jour. Le réveil du tourmenteur avec celui du tourmenté. L'un à l'autre liés en une osmose délétère, mais celle-là jamais ne trouve son achèvement. Chaque soir, le sinistre cliquetis de la clef. Comme une mâchoire de fer sur la blessure à vif. L'enfermement dans la crypte anonyme intense, aussi vide que grandiose entonnoir, mais jamais la conscience anéantie. Sans issue, sans secours.

Il dit ; « Tu ne sais pas !.. »

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