L'intranquille

My Martin

« Vous ne pouvez pas être un créateur et être salué par le public de ce titre. […] Il faut choisir entre faire de l’art et être tenu pour un artiste. L’un exclut l’autre. »

    J'ai beau être parvenu à brilloter avec mes brimborions

    qui pourtant ne doivent pas valoir un trio de brévicaudes

    mangeables et j'ai beau être aussi battologue que possible

    on me prend volontiers pour un bachacon.


Gaston Chaissac,

né le 13 août 1910 à Avallon (Yonne)

et mort le 7 novembre 1964 à La Roche-sur-Yon (Vendée),

peintre et poète. Correspondances, textes et poèmes, publiés à La NRF Nouvelle Revue française et dans Les Cahiers de la Pléiade.


Taiseux, graphomane, bouffeur de curé, “peintre de village”, théoricien du "style rustique moderne."

« Je resterai sans doute pour beaucoup une énigme. »


Charles Soubeyran, écrivain. "Les révoltés du merveilleux". Gaston Chaissac fait partie des Irréguliers. Les Irréguliers, « insoucieux du qu'en-dira-t-on, choisissent leurs matériaux sans référence aux canons esthétiques de leur époque, construisent leurs œuvres en totale liberté ».

Loin de toute correction esthétique, marginaux individualistes, représentants inconscients d'un véritable art populaire. Leurs œuvres déroutantes, faites de singularité et d'étrangeté, sont fatalement vouées à disparaître.


Gaston, lettre à Pierre Carbonel (1925-2011 - Art Brut). « Vous ne pouvez pas être un créateur et être salué par le public de ce titre. […] Il faut choisir entre faire de l'art et être tenu pour un artiste. L'un exclut l'autre. »


*


13 août 1910 à Avallon (Yonne). Gaston naît dans l'Yonne de parents corréziens. Son père Jean Chaissac est cordonnier. Sa mère Claudine née Breuil, fille de marchands ambulants. Quatre enfants : René, né en 1899. Georgette, la sœur-bien-aimée, en 1900. Roger en 1908, Gaston, en 1910.

Père buveur. Brutal. Il revient de la guerre et abandonne femme et enfants, part fonder une autre famille. La honte.

René s'engage dans la Marine. Syphilis, complications nerveuses. Il est interné à Rodez, soigné par le docteur Gaston Ferdières. Il meurt en 1941. Le docteur Ferdières prendra en charge l'écrivain Antonin Artaud, du 11 février 1943 au 25 mai 1946 -58 électrochocs.


Gaston est hanté par la peur de devenir fou, lui aussi.

Gaston demeure avec sa mère, qui le chouchoute et reprend la cordonnerie.


1923. Scolarité « courte et chétive ». Il est maladif, quitte l'école à 13 ans. Apprentissage : marmiton, quincaillier, bourrelier -il aime travailler le cuir, les colliers difficiles à façonner, se passionne pour les chevaux.


Il observe les cours de dessin que sa sœur prend auprès d'Hélène Guinepied -dite Helguy- ,  château de Saint-Moré. Sa méthode le fascine.  


 « Je me souviens encore de la première leçon de dessin que donna Mademoiselle Guinepied à ma grande sœur et au cours de laquelle la gomme fut prohibée car on devait faire bien du premier coup, […] elle était pour un autre enseignement et en attendait avec foi miracle ».


Gaston reconnaît Hélène Guinepied, comme son « instigatrice de l'Art Brut, que j'ai préféré baptiser peinture rustique moderne »

Le cerné noir à l'encre de Chine est le pilier de son vocabulaire, qu'il partage avec Jean Dubuffet -coïncidence, il suit des cours donnés par Hélène Guinepied, lors de ses vacances à Saint-Moré en 1919.

1920. La Méthode Helguy. L'art et l'enfant. Le dessin libre à grande échelle exécuté au pinceau, par la méthode naturelle autodidacte

fait l'objet de nombreuses publications, expositions, conférences, en France et à L'étranger entre 1920 et 1935.  Le pédagogue Suisse Adolphe Ferrière (1879-1960), fondateur de l'éducation nouvelle, juge « très intéressante » la Méthode Helguy.

Roger Lallemand   1900-1989, instituteur proche de Célestin Freinet (1896-1966), s'y intéresse dès 1924. De nombreux instituteurs la pratiquent avec leurs élèves entre 1920 et 1935. Hélène Guinepied l'enseigne à Paris durant de longues années.

Il en parle plus tard dans ses correspondances, notamment avec Jean Dubuffet et Luc Benoist -écrivain, historien d'art.


En 1926, la famille Chaissac s'installe à Villapourçon (Nièvre).


1931. Claudine, la mère de Gaston meurt. Il a 21 ans. Sa sœur se marie et quitte la maison familiale. Gaston est désemparé.


Pendant cinq ans, Gaston est hébergé chez sa sœur aînée Georgette, postière à Villapourçon. Elle fréquente des cercles théosophiques, l'initie à l'ésotérisme -druidisme, magnétisme, pendules, ... Gaston trouve dans la création, une raison d'être.

Il est une charge pour sa sœur.


1936. Il va chez son frère Roger, brigadier de police à Paris.

Roger ouvre à Gaston une cordonnerie, rue Mouffetard. Échec.  Gaston se rêve journaliste. Écrivain. Il souffre d'hypertension -alors pas de médicament-, extrême fatigue.


*


1937. Annie Raison-Chaissac, la fille de Gaston, agricultrice à Maillé. « Papa a été amené à faire ce travail de proche en proche, en douceur, comme une évidence. A partir du moment où il a rencontré Otto Freundlich -1878-1943-, il a compris qu'il pouvait organiser sa vie autour de quelque chose qu'il aimerait. »

Il s'épanouit dans l'atelier artistique des voisins du dessous, rue Henri-Barbusse.

Otto Freundlich, artiste allemand réputé, peintre et sculpteur. « Il l'a encouragé à peindre et lui a conseillé d'être un précurseur, plutôt qu'un imitateur. »


« Chez Otto et Jeanne Kosnick-Kloss -peintre 1892-Paris, 1966-, il y avait de la lumière toute la nuit ! C'étaient des artistes et mon père s'est réfugié là-bas. Otto vivait dans un dénuement total. Mon père a vu quelqu'un qui vivait dans la misère, mais qui réalisait des choses extraordinaires. »

Otto Freundlich est un des peintres fondateurs de l'abstraction et du constructivisme. Il côtoie Pablo Picasso, Georges Braque, Guillaume Apollinaire… La majeure partie de son travail est détruite par les Nazis, « art dégénéré ».

Otto et Jeanne motivent et guident les premiers pas du jeune Gaston (27 ans) dans l'expression artistique. Ils forment une académie -Le Mur-, incitent à l'exploration de techniques artisanales -vitrail, mosaïque, broderie.

Ils le forment, le conseillent, l'emmènent au Louvre, dans les galeries, lui offrent des livres. Ils lui présentent le peintre Albert Gleizes, le critique Jean Paulhan, Aimé Maeght -il créera sa fondation à Saint-Paul de Vence en 1964. Jean Dubuffet -amitié complexe, correspondance assidue.

Jeanne réalise des compositions abstraites, à partir de tissus qu'elle assemble et brode. Ils influencent Gaston –les futures hachures des dessins.


Otto initie le jeune homme à la découpe du verre -technique que Freundlich utilise pour la réalisation de vitraux-, à l'origine du cerne noir qui entoure les motifs colorés.

Jusqu'à sa mort, Otto aide et conseille Gaston.

Déporté par le Convoi N° 502, en date du 4 mars 1943, Otto Freundlich est assassiné, à son arrivée le 9 mars 1943 en Pologne occupée, au camp d'extermination de Sobibor (Lublin-Maïdanek).


Encres abstraites, essais post-cubistes, recherches sur le cloisonné, figures faussement enfantines, couleurs franches.


1937. Gaston a 27 ans. Un dessin au crayon de couleur. Les formes molles s'emboîtent, telles les pièces d'un puzzle. Presque un crayonnage d'enfant, automatique et naïf. La gouache est une mini forme circulaire rouge, avec deux yeux ronds, encerclée d'un trait noir. Elle se propage. Ses avatars se retrouvent dans les pièces du coloriste.

Annie, fille de Gaston. "Dès ses débuts, il met en place son vocabulaire, empreint d'un souci de simplicité et d'attrait pour le dérisoire, le minuscule."


1938. Malade, sans le sou, il trouve refuge à l'hospice des indigents de Nanterre.

Annie. « Pour dormir, il n'enlevait que son pantalon. Quand il retirait ses chaussures, il les mettait autour de son cou pour qu'on ne les lui vole pas. Les billets de banque, il les épinglait à l'intérieur de sa chemise. Pour moi, Papa est un nomade. Quelqu'un qui ne s'est jamais posé nulle part. »


Sa première exposition personnelle -discrète- a lieu à Paris, galerie Gerbo, en décembre 1938. Organisée par Jeanne Kosnick-Kloss. Otto, Jeanne et Gaston encadrent eux-mêmes les œuvres, dans des cadres donnés par Jeanne Bucher.


De 1939 à 1942. Tuberculose. Gaston achève de guérir au sanatorium de la cité-sanitaire de Clairvivre en Dordogne. Il devient chef d'atelier de la cordonnerie.

À Noël 1940, il rencontre au sanatorium sa future épouse, institutrice, originaire de Vendée (Vix), Camille, fille du facteur Louis Guibert. Camille est passionnée par l'art et la culture. Ils se marient à la fin de l'année et Camille accouche trois jours plus tard de leur unique enfant, Annie.


*


En 1943, Gaston (33 ans) présente sa deuxième exposition à Paris, à la Maison des intellectuels. Le poète et romancier Raymond Queneau, amené par Jeanne Kosnick-Kloss -veuve de Freundlich- l'apprécie. L'exposition est signalée -avec enthousiasme- à l'écrivain Jean Paulhan.


1943-1948 (5 ans). En 1943, l'épouse de Gaston, institutrice, est nommée à Boulogne en Vendée. Le couple s'y installe pour cinq ans. Gaston, désormais débarrassé du souci de sa subsistance, se consacre entièrement à ses activités artistiques.

Il trouve sur place la matière de ses œuvres. « Il n'y a qu'à ramasser ». Un cueilleur.

Des pierres, morceaux de bois, pièces de tôle, il utilise la peinture pour vélo du mécanicien d'en face. Il reproduit la figure humaine. Pour dessiner une tête, il utilise la forme d'un hachoir.

Le matériau, la spontanéité, la trouvaille. L'art des villages, contre l'art des préfectures.

Gaston peint sa gouttière et le tableau de l'école. Parfois, sa femme lui achète du matériel dans une librairie de la Roche-sur-Yon. Aussi Jean Dubuffet, lui envoie des colis depuis Paris.


1946. Gaston (36 ans) se consacre à ce qu'il appelle « ses recherches – « sans gestes théâtraux ni mise en scène phénoménale. »


Salué par ses pairs dès 1947. Sa reconnaissance auprès du public est bien plus tardive.


*


1948-1961 (13 ans). En 1948, sa femme est nommée dans la commune voisine, Sainte-Florence-de-l'Oie. L'Oie est une ancienne commune.

Commune nouvelle d'Essarts en Bocage. Le couple y demeure treize ans.

1952. Gaston (42 ans) peint quatre personnages dans les latrines de la cour -classées à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1998. Dans cette école primaire publique, il rajoute quatre élèves à sa femme institutrice.

Il profite de la chaleur du poêle dans la salle de classe.

(Vendée) Religion catholique, art académique. Gaston est rejeté par les habitants de sa commune qui le prennent pour un sorcier ou un fou.

Il grimpe dans un arbre, saute, pour surprendre les passants. Il égaye les rues de Sainte-Florence, dessine à la craie autour des bouses de vache.


Gaston écrit des lettres. Il raconte la vie de la commune, cite des noms, lieux, gens.


Se libérer des influences, des références. L'environnement est source d'inspiration, matière première. Il donne une seconde vie à ce qui l'entoure, peint sur les objets qui composent son quotidien ; vieux meubles, casseroles, tuyaux cabossés, coquilles d'huîtres.


Gaston est taiseux. Il se lève le matin, déjeune, écrit. A tout le monde.

 « Écrivain et chroniqueur avant tout, et fidèle à ce que je vois de ma fenêtre. »

Infatigable râleur, moraliste ironique, provocateur impénitent.

Il est autant écrivain que peintre. "Il a écrit 4 à 5 lettres par jour en vingt ans, ce qui fait 36 000 courriers, et il en a reçu 3 000 à 4 000, en retour."

Échange de lettres entre le peintre et le critique d'art Anatole Jakovsky, engagé dans la défense de l'art naïf.

Annie. "La peinture est comme une illustration, un objet de séduction par rapport à l'écriture, son vrai goût est l'écriture. Il bouillonne."


Il écrit et se plaint à des gens célèbres. Jean Dubuffet, Jean Paulhan, Raymond Queneau, André Breton. Mademoiselle Mousset, Louis Batiot le maire de Sainte-Florence

l'abbé Bernard Coutant  Saint-Jean-de-Liversay, 1920-Saintes, 2008 -il écrit un article sur Gaston dans la revue Le Phare

son ami Émile Guériteau, au percepteur, au sous-préfet, aux membres de l'administration française.

des inconnus. Il tire leur nom au hasard, dans l'annuaire du téléphone.


Écriture tremblante. Support variable : feuilles de cahier d'écolier, bouts de papier récupérés. L'écriture suit la découpe.

Une boîte de sucre en morceaux en papier bleu dépliée : lettre envoyée à Émile Guériteau, natif de Sainte-Florence.


Mai 1946. Les amis du poète anarchiste Antonin Artaud songent pour sa convalescence, au domicile de Gaston.


Discussions passionnées sur la pédagogie, Gaston est ami avec l'employé de la mairie voisine -il souffre de tuberculose-, il dessine le soir sur un coin de la table où ils dînent, de pommes de terre cuites à l'eau sans sel -Gaston lutte contre son hypertension.

Le curé de la paroisse entretient l'hostilité des villageois.


10 octobre 1953. Gaston (43 ans) se plaint par courrier à André Costa, sous-préfet de Fontenay-le-Comte, d'être insulté par « des élèves de pédagogues qui prêchent d'exemple l'irrespect des lois françaises ». Il signe : « Gaston Chaissac l'hérésiologue ».

Les élèves sont ceux du curé, ceux de l'enseignement catholique. Les gamins lui lancent des pierres.

En juillet 1945, les lois de Vichy sont abrogées, dont celle du 2 novembre 1941, qui octroie à l'enseignement libre, d'importantes subventions. L'Ouest -la Vendée catholique- s'enflamme. Certaines municipalités financent illégalement l'école libre au bord de l'asphyxie, des maires démissionnent, des parents d'élèves refusent de payer l'impôt.

Les Chaissac emménagent à Sainte-Florence en 1948, dans cette ambiance de contestation. Camille est l'institutrice de la laïque, Gaston le « fabricant de laissés-pour-compte ».

Le personnage ventripotent et chapeauté peint sur la plaque d'ardoise de l'urinoir, ressemble au curé de la paroisse. Ainsi les rares gamins de l'école publique compissent régulièrement le curé. Bomber le ventre, viser la bouche.

Gaston se venge des humiliations, quolibets, méchancetés, mesquineries.


Annie. « Au fond, il s'en foutait. Peut-être même que ça l'arrangeait. Il n'aimait pas parler aux gens et le peu qu'il disait, c'était souvent pour provoquer, des phrases brèves et ironiques. »


Gaston est fragile, maladif, intelligent, introverti, timide, caractériel. Intranquille.


Années difficiles pour le peintre. Sa créativité s'en ressent. Dans les années 1956-1958, il ne peint presque pas. Il souhaite être reconnu mais refuse de jouer le jeu du parisianisme.


Peint en 1948, le « Dandy de muraille sur fond bleu » fait partie d'une collection de personnages composés d'objets du quotidien.

 Cernes noirs, couleurs vives. Les ciseaux, forment les pieds et les jambes du Dandy. Le personnage est mélancolique, malgré les couleurs franches et affirmées.

Chapeau melon, canne. Une référence à Benjamin Péret, le poète surréaliste ? Il rend visite à Gaston à la fin des années 1940 ou 1950 et traite Gaston de "Dandy populaire".


"Dandy", étymologie incertaine :

   du français dandin -sot, niais-

   de dandiprat -nain, pièce de menue monnaie-

   de dandelion -dent-de-lion, pissenlit-

   du verbe to dandle -se dandiner-

   du prénom Andrew.


1949. Gaston (39 ans) entreprend des tableaux de grand format, qu'il signe « Chaissac le fumiste »


*


Gaston fait appel à une imagerie naïve / populaire. Une étape, avant une expression figurative et abstraite plus transgressive.

"Cher Dubuffet, […] dans ma nouvelle série de dessins je m'inspire d'objets et j'ai obtenu : Mr Ciseaux, Mme Cruche… "

Pour Dubuffet, Chaissac, art "naïf". Infantilité assumée, l'œuvre d'un adulte. Recherche d'une forme de joliesse. En écho, les codes de l'art des pays de l'Est, de la Croatie, de l'ex-Yougoslavie. Gaston a un bagage culturel, des liens avec la vie parisienne. Il est « trop informé de ce que font les artistes professionnels ».

Pas "homme du commun créateur" ; Dubuffet se ravise, "excommunie" Gaston -qui se sent proche de l'Art Brut, sans s'en réclamer.

Dubuffet a enrôlé Gaston dans l'Art Brut, l'a pillé, plagié, puis renié, relégué dans ses collections annexes.


Gaëlle Rageot-Deshayes. « L'Art Brut est l'art qui ignore son nom, mais Chaissac sait très bien qu'il fait de l'art ! Il n'a juste pas d'idées préconçues, il ne prépare pas son travail avant de commencer. Souvent le matériau avec ses imperfections, ses caractéristiques, engagent la création. »

Depuis son premier dessin, sorte de matrice cellulaire, l'ensemble du travail de Gaston se déploie par contagion, mimétisme artistique, et devient une œuvre originale qui ne cesse de croître au gré des découvertes.


Gaston cherche. Il n'est pas un artiste dégagé de toute contrainte culturelle - (?) les autodidactes, les malades mentaux.


*


1949. « En 1949, mon père (39 ans) a décidé de ne plus faire l'amour avec ma mère. Ça ne l'intéressait pas. Il pensait que ça nuisait à sa créativité. Mais il a en même temps donné sa liberté sexuelle à ma mère – qui ne s'est pas privée… »


1951. Son écriture impressionne les littérateurs parisiens – il édite son premier livre, "Hippobosque au bocage", chez Gallimard en 1951.

« En présentant ces quelques poèmes Hippoboscaliens au public il n'est peut-être pas de trop que celui-ci soit prévenu qu'ils sont d'un homme qui obéit aux épluchures et qui est culotté à la hussarde en velours côtelé.

Leur auteur peint des tableaux qui représentent à la fois des empreintes d'épluchures (ce qui le fait leur obéir) et des portraits.

Ces poèmes se défendront tout seuls s'ils le peuvent et si le lecteur rigole de moi parce que je les ai écrits, je m'en réjouirai car lorsqu'on rit de quelqu'un, c'est bien qu'on ne lui veut pas de mal. »


Après l'envoi d'un texte en 1954, la NRF publie régulièrement de 1957 à 1960 ses « Chroniques de l'Oie », articles humoristiques, entrecoupés de réflexions poétiques.

Méprisé par ses voisins, reconnu par ses pairs.

Annie. « On l'a classé comme fou, comme naïf... »


1952. Moustache, air pensif. Casquette plate, visière en V inversé. Sabots. Vélo. Photographié par Robert Doisneau.


Années 1950, mots et dessins s'entrelacent.

Les collages, avec des bribes de journaux ou de paquets de cigarettes.

Les papiers peints recouverts d'aplats de couleurs.

Gaston peint des pierres, bouteilles, assiettes, valises, couvercles.


1954. Environnement "rétrograde et goguenard".


1955. Gaston (45 ans) réalise ses premiers Totems.

À partir de bois de récupération, personnages longilignes et colorés. Vif intérêt des galeristes.


Ainsi, Totem double face (1961). Couleurs vives, formes biscornues. Réalisé à partir de photographies de la galeriste Iris Clert (Paris), qui commande un portrait au peintre en 1961.

Centre Pompidou. Le Totem mesure 1,87 mètre. « L'œuvre se présente comme un puzzle monumental avec des aplats de couleurs cernés de noir. Ce Totem unique donne à voir deux portraits, recto-verso. L'une des faces présente une silhouette féminine distordue. L'autre représente la galeriste Iris Clert déguisée et masquée, sous les traits d'un Napoléon devenu pantin. »


Annie. "Papa a été au rendez-vous avec sa clientèle dans les années 1950, ça lui a pris deux années et après il en a eu marre. Lui-même, par dérision, disait qu'il construisait ses tableaux comme on charge une brouette de fumier."


1959. Le Loup-cervier, encre de Chine sur papier.


*


Rentrée scolaire 1961-1964 (3 ans). Fermeture de l'école de Sainte-Florence. Le couple s'installe à Vix, 32 rue de la Guilletrie. Camille exerce sa profession à L'Île-d'Elle.


Maison. Louis-Ferdinand Céline correspond avec Gaston, lui offre un rosier pour son jardin. Vaste atelier de peinture, verrière zénithale. Une demande de Gaston, Jean Dubuffet finance la construction ; Gaston n'y travaille jamais.

Annie. « Papa écrivait le matin. L'après-­midi, il peignait. Le soir, il dessinait sur un coin de table. Il faisait tout ça dans la maison. Il était inimaginable pour lui que sa pratique artistique soit physiquement séparée de sa vie quotidienne. »


Face à l'atelier désert, une remise conserve l'harmonium dont joue Gaston -improvisations. Offert par Jean Dubuffet. Gaston joue de l'accordéon diatonique et occasionnellement, de la vielle.

Gaston fascine, son regard en impose. Ses dessins de peintre de village épatent les artistes peintres de la capitale.


Gaston. « Ici, un homme debout est déjà un relief. »

Gaston passe les trois dernières années de sa vie à Vix, près de Fontenay-le-Comte. Village de la famille de Camille. Le début de la notoriété. Consécration internationale en 1964, année de sa mort.

1960 (Gaston, 50 ans). Première de cinq expositions à la galerie Enzo Pagani, à Milan.

1961. Il reçoit la visite d'Iris Clert. Elle lui organise une exposition personnelle dans sa galerie parisienne, rue du Faubourg-Saint-Honoré, en 1962 -galerie d'Yves Klein et des Nouveaux Réalistes.

Le collectionneur américain Morton G. Neumann lui achète des œuvres. Milliardaire, commerce de cosmétiques par correspondance.


Gaston passe du dans les marais -une hutte située sur la levée, près du Grand Sablon.

Il produit des Totems, peints sur des planches brutes de sciage, données par la menuiserie Vinçonneau voisine -30 rue des Rivaux.

Il réalise des collages à partir de papiers peints que lui donne André Deffe, droguiste et artisan peintre -60 rue Georges Clemenceau.

Buvards, pastels, échantillons de tapisserie (papiers).

Il envoie de nombreuses lettres, chacune est une œuvre d'art.


Gaston est marqué par la maladie ; hypertension, tuberculose, asthme.


7 novembre 1964. Miné par l'anxiété, les difficultés matérielles et les ennuis de santé, Gaston (54 ans) meurt d'une hémiplégie / embolie pulmonaire, à l'hôpital de La Roche-sur-Yon.


11 novembre 1964, obsèques civiles. Iris Clert, célèbre galeriste parisienne, vient en Rolls-Royce. Des galeristes italiens.


Tombe au cimetière de Vix. Pierre tombale en marbre noir


Gaston Chaissac

Artiste peintre


Avallon   1910

Vix          1964


*


Mort le 7 novembre 1964 à La Roche-sur-Yon. Après sa mort, Gaston est intégré dans l'histoire de l'art moderne.

Des artistes -Georg Baselitz ou Robert Combas- revendiquent son influence directe.


1964. Gaston connaît le succès, exposé à l'étranger : l'année de sa mort, ses œuvres sont présentées à la Gallery 12, Minneapolis, Minnesota. A New York, à la galerie Cordier-Ekstrom, 978 Madison Avenue.


1973, soit près de dix ans après sa mort, le MNAM -Musée National d'Art Moderne, avenue du Président-Wilson, Paris 16e- organise une première exposition de ses œuvres. Gaston est reconnu en France, comme un artiste à part entière.


2000. Timbre illustré par le collage « Le visage rouge. »


Sa fille, Annie Raison-Chaissac -agricultrice en Vendée-, œuvre pour la reconnaissance de l'œuvre de son père. Sa petite-fille, Nadia Raison, sociologue, prend la relève.


La famille Chaissac donne des œuvres -ou dépôts pour 10 ans- de Gaston, au MASC Musée de l'Abbaye Sainte-Croix, aux Sables d'Olonne. Le musée organise des expositions et développe la notoriété de l'artiste.

Annie. « Mon but, sortir Papa du mépris dans lequel on l'enferme. Il construit quelque chose d'original, mais on l'a classé comme fou, comme naïf, comme Art Brut, alors que son travail est unique. »

" Papa ne laisse pas de trace, il est furtif. Il occupe des endroits mineurs, des coins de table. Un recyclage permanent. "

"Sans avoir l'air d'y toucher, cette œuvre vous imprègne bien plus qu'on ne l'imagine"


*


Gaston. « J'ai parfois, comme les petits oiseaux, des frayeurs inexplicables. »


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  • Il faut choisir entre faire de l'art et être tenu pour un artiste. L'un exclut l'autre. »... faut pas généraliser un Rembrandt a fait de l'art en étant reconnu comme artiste à part entière...

    · Il y a plus de 2 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

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