Liqueur

franekbalboa

Assis en cette froide nuit, fenêtre ouverte, le silence est bien là. Tout comme cette solitude qui me tenaille, la fraicheur vient me saisir, d'un léger courant d'air, glacé.

Mon corps est chaud, mis à part la couche externe de ma peau. Le souffle gelé du léger vent l'a bien refroidie. Je savoure ce moment, seul en compagnie de mes questions. Je les entends tout comme l'eau, un bruissement, un frémissement, ce doux bruit vient se heurter avec fracas à certaines criantes réponses, des mots que j'ai effleurés, des évidences que j'avais ignorées. J'entends le silence, m'envahissant comme une liqueur, porté par ces curieux remous qui le verseront de temps à autre. Le calme est tel que je peux sentir chacun des battements de mon corps, mon coeur en chef d'orchestre. Je peux sentir chacun des mouvements, ce frisson parcourant mon échine, cet incontrôlable tremblement de mes mains, cette affreuse sensation présente dans mes jambes, le motif de mes tatouages, chacun des aspects physiques ou mentaux se décrochent comme pour former un éventail de moi-même. Je me surprends à savourer la chance que j'ai, je peux écouter cette enveloppe et cette âme. Je peux apprivoiser, peut-être, mon ignorance, peut-être puis-je la nourrir de savoir... Où peut-être attend-elle de la paix, un moment sans entrée d'information, sans interactions, un moment léger où elle pourra ranger ce bric-à-brac qui tinte dans ma tête. 

Le bruit d'une voiture dérapant tue ce silence, puis un deux-tons, des girophares viennent définitivement clore ce court chapitre. Impossible de pouvoir s'offrir un autre instant. Un homme crie, une femme aussi, un chien aboie, un bébé pleure, au loin j'arrive malgré le fracas ambiant à distinguer le murmure du fleuve glissant dans son lit. Il est bientôt une heure du matin, je me glisse dans le mien...

Et j'attends de retrouver cette sensation, cette impression si forte de se décomposer, comme on découpe un livre en chapitre, comme si je m'extrayais de mon propre corps et que je le regardais en arbitre...

La nuit sera sans doute blanche... Peu importe si j'arrive à m'évader... Si la liqueur du silence parvient à m'enivrer...

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