L'océan et la mare

Colette Bonnet Seigue

Fable

Sous l'effet d'un vent mauvais,

Une vague effarouchée

S'écrasa sur la plage.

Se croyant en voyage,

S'étala à côté

D'une mare paniquée.

 

-Eh là ! S'écria la petite,

Tu me prends pour un' stalactite

Pour t'empaler sur mes attraits

A grand' trombes salées !!

 

-Pff ! Répliqua la ruée

A coups de postillons salés.

Je déborde sur tes principes

Y a pas photo, je te nippe,

Tu es un point, une fourmi

Dans mon horizon paradis.

J'ai des fonds marins précipices

Et leurs profondeurs aux abysses !

Ma force est impénétrable

Et mes courants sont indomptables !

A entrechats thérapeutiques,

Mes algues bleues océaniques

Ont des bienfaits iodés

Pour entremets gourmets.

Ma faune est riche

Ma flore biche.

Or, ses couleurs en esquisses

Ornent  mes dessous d'artifices,

De coraux chatoyants parés.

Dans mes creux où, murènes cachées,

Sortent sur mon onde calme

Les baigneurs et leurs palmes

Rompent mon charme naturel.

Les limandes se font la belle

En bancs serrés pas de panique,

Une photo sur voltaïque

Postérise tous mes attraits.

Je suis fière de mes années

Depuis l'ère des grands glaciers !

Touchée, coulée pour ma grossesse,

Je suis remparts et forteresse

Toi t'es un point,

C'est ton destin

De stagner dans le coin d'un pré

Comm' un minus bol, asséchée.

Ne vois-tu pas qu'on t'abandonne

Quand le soleil brûle en crémone.

Tu as la peau sur tes vieilles eaux

Evaporées ou sans niveau !

Ton lit à sec,  ou à zéro !

 

-Teu ! Teu ! Teu ! s'écria la mare,

J'en ai marre de ce tintamarre !

Tu connais rien à mes bienfaits

En eau de sel privilégiée !

Je donne à boire aux éléphants,

En oasis pour les gourmands !

On n' peut pas boire à ta source,

Tu as  tant de  sel en ta bourse

Tu ne peux abreuver la Terre.

Je sers de puits pour les parterres

Le blé fécond là, sous mon eau

Offre ses grains sous les drapeaux !

Et puis chez moi, ça crapaudine

Des cris, des chants en sourdine !

Ça grouille de vie essentielle

Ecosystème  à tire-d'aile :

Têtards pour les martinets

Moustiques frais à régaler

Libellules ou araignées

Aux griffes de leurs  toiles tissées.

 

La mer se retira calmée

Par le souffle, enfin apaisée.

Mais avant de se retirer

D'un sort d'écume envoyé

A la mare ébouriffée

Répondit d'un ton railleur :

-La plus grande, c'est moi pour l'heure !

La mare avec humilité

Lui tint un langage musclé :

-J'en conviens, tu es la plus forte

Mais goutte d'eau fait grand'rivière,

Nous somm'toutes deux premières

Mêlons donc nos ondes à la Terre

Ensemble pour la rendre fière.

 

 

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