Loyale

Christian Lemoine

Elle est dans la touffeur des ombres, silhouette de vertige, absorbée dans des chatoiements mordorés d'automne qui n'en finit pas. Dans ce rameau brûlant du rouge de ses feuilles cherchant l'éclat d'un rayon peu à peu étranglé de nuages, lourds, monotones, à la limite de l'indécence. Encore, dans l'éclosion intense d'un allegro répété jusqu'à l'ivresse, jusqu'à l'absurde. Mais plus encore dans le largo, l'ample souffle monté des flots à l'assaut des coques, assiégeant les falaises affamées, à la conquête des rochers meurtris.

Elle est dans le souvenir de l'écume oubliée en frange de dentelles sur la danse valse des algues. Même ces algues : celles qui s'amoncellent en lent étouffement. La fumée diffuse de son corps sublimé glisse derrière les palissades, dans les jardins délaissés aux folies des herbes en saison grise. Sa forme devinée sur le grain des façades s'amuse aux éclaboussures mouvantes des taches de soleil. Puis s'évanouit dans l'obscurité d'une nuée trop opaque.

Elle circule, présence silencieuse, au milieu du crépitement craquant des notes jonchant le sol, tombées de la mélodie entêtante. Le lent crescendo, dans la touffeur des ombres, qui emporte le cœur au bord d'une extase nauséeuse, un envol d'ailes feutrées, avant que l'esprit ne le rappelle à l'ordre du présent rugueux. Dans l'ivresse des rocs meurtris, entêtée, obstinée. Dans l'écrasement des marbres. Dans la terreur essentielle, précipitée depuis l'inconfort de l'espace buté.

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