LR 232

Christian Lemoine

Village au fond de la vallée. Fontaine, crapaud, cruche, tard, boire

Entre molles collines et bois étendus aux murmures inquiétants, le modeste domaine se calfeutre dans les ombres bleutées. C'est un profond tènement, à peine deviné des voyageurs aventuriers ou des coureurs de fortune, quelques courts hectares à l'écart des grandes voies. Ce paysage de forêts et de vals abrite de longues chaînes d'étangs et de lacs, parfois reliés entre eux par des canaux étroits aux rives tout juste marquées entre les plaines et les prés. Souvent abreuvé de crachins monotones, la paysage fond, on le voit qui se trouble et se mouille, comme un tableau qui s'emboit retouche après retouche, jusqu'à ce que les couleurs se mélangent et s'écroulent en une pluie moirée qui apporte artifice à la réalité noyée. Parfois on y vit un cavalier perdu, tel celui qui crut chevaucher vers son avenir et sa gloire, prêt à lutter contre les hordes de barbares, les vagues hirsutes d'envahisseurs, mais dut se battre pied à pied pour avancer sur un chemin médiocre à podzol cendreux et glaise collante. Il ne trouva pour son armure que rouille et acier grippé, et pour son âme la victoire contre l'assaut des tentations de l'abandon.

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