LSD

Alexis Venifleis

I – Château de Vincennes 

" C'est quoi ce bordel avec l'amour.

Comment ça se fait qu'on devient dingue à ce point? "

Les poupées Russes

L’HSBC se démocratise, les avions ne volent plus vraiment, le climat ne cesse de se bouleverser, les adolescentes ne refusent plus les sucettes, les mamelons redessinés deviennent pratique courante, mais l’amour, lui, ne change pas. Il fout toujours le camp. Cela dit avant sa fugue furtive, il prend le temps de vous baiser jusqu’à la moelle osseuse, de sucer les moindres parcelles de votre cœur, de sodomiser vos neurones pour finalement leur cracher dessus. Pire, il vous encule jusqu'à vous faire chialer, vous nique l’estomac jusqu’à vous ouvrir les veines. Les cœurs de pierre s’envolent en purée d’artichauts, des reins solides, il n’en reste que de la bouillabaisse de mouilles…

De la gaieté au cynisme il n’y a qu’un pas, et l’amour est la passerelle la plus courte qui permet de franchir cette étape. Une fois révolue, la saveur du monde s’évapore. Du mouton, on n’en retire que le gras, des bolides, que la pollution, des sexagénaires dépendantes au collagène, que des rides apparentes. On a beau relativiser, la mode des divorces, la tendance au libertinage vous ramènent en enfer.

L’enfer ce n’est pas les autres, ce sont les femmes, et j’emmerde Jean Paul Sartre, tout comme j’emmerde la pseudo néo aristocratie du XVI qui vit autour de moeurs à en dégurgiter le bon sens. J'emmerde aussi les prolétaires dont l'ambition n'est qu'un héritage appauvri qui se perpétue de génération en génération. J'emmerde tous ces sédentaires qui n'ont qu'une vision restreinte et limitée de notre planète. J'emmerde également ces putains d'hédonistes transits qui n'ont pas assimilé que voyager ne donne aucun sens concret à leur existence. J'emmerde la raclure du 93 dont le vocabulaire entier n'excède pas 300 mots, avec pour termes fétiches « wesh, gros » et autres « si si ». J’emmerde toutes ces têtes de pamplemousses qui s’approprient le 13eme et le ternissent avec des histoires à vous foutre la chair de poule. J’emmerde le soûlard du coin qui noie tout ses soucis dans un verre de rhum parce qu’il n’assume pas d’être le plus mauvais père du quartier. J’emmerde les 15% d’obèses de France qui sustentent le succès de nos MC Donald pendant que 800 millions de gosses souffrent de la famine. J’emmerde ces nordistes au français inaudible, consanguins quand ils ne sont pas pédophiles. J’emmerde les politiciens créateurs de rêves illusoires qui aggravent la fracture sociale. J’emmerde nos jeunes diplômés de grandes écoles, à l’intelligence factice, jouissant d’un égo surdimensionné construit autour de jugements aussi sectaires que succincts. J’emmerde ces lolitas de 15 ans décorées de mascara, fond de teint et compagnie qui jouent (bien) les pétasses aux Planches parce que c’est le seul club qui accepte les ados bourrées d’acné. J’emmerde tous ces « geeks de l’informatique » qui passent leurs temps à exhiber leur bite parce qu’elle parait toujours plus grosse à la webcam. J’emmerde les dits « émos et gothiques », suppôts de Satan qui permettent à tous ces suicidaires de retrouver une seconde vie endiablée… Et puis si vous ne vous reconnaissez pas dans tous ces stéréotypes, ne vous en faites pas, je vous emmerde aussi.

Oh non, ne m’insultez pas, adressez vous plutôt à l’amour. Il vous ruine au moins deux fois par an si vous n’oubliez pas la saint Valentin. Gonfle votre budget essence si votre dulcinée ne vit pas à vos cotés. Vous fait manquer votre soirée multiplex au dépens d’un opéra. Tout prend rapidement l’ampleur et vous perdez votre contrôle. Cela devient encore plus inquiétant lorsque l’on cesse de consulter son forfait téléphonique, que l’on insère sa Visa Gold sans prêter gare à l’addition, et que l’on préfère la vue du ciel étoilé à un bon postérieur rebondi. A ce moment précis, messieurs, vous êtes dans la mouise. Vous voilà embarqués dans ce vol fatal qui prend rarement fin à la bonne escale et ce, peu importe la compagnie empruntée. Mon dernier billet était chez Air France, Première classe, vue sur le balcon, plein tarif. Le haut de gamme, coupe de champagne et caviar, all inclusive. Seulement, la douloureuse a été cinglante et salée, il fallait s’y attendre.

Elle s’appelait Scarlett, et je l’emmerde tout autant que vous, nul n’est, en cette matière, exclusif. Voyages de luxe, épopées de merde. C’est cher payé les 4 mois. La prochaine fois je prendrai un low-cost, moins cher, plus rentable. Oscar Wilde dit d’un cynique qu’il est le seul à connaître le prix de tout et la valeur de rien, réflexion faite, c’est bien le seul qui m’emmerde…

Ce voyage épique au pays de l’amour m’a complètement chamboulé. Ca y’est, je parle comme un romantique, il ne manque plus que l’arrivée de Dorothée et Barbie et bienvenue dans l'univers des Bisousnours. Pourvu que Dorothée n’ait pas atteint la ménopause parce que rentrer ma bite dans du plastique, autant vous dire que c’est mission impossible.

Cigarette à la main, je me remets dans le bain, et dresse une liste de choses à faire : se réabonner à Canal plus, remplacement imminent de Femme Actuelle par Entrevue, planifier un barbecue avec les photos de Scarlett, écrire 1000 fois je ne tomberai plus amoureux.

2h57 je commence mon bouquin, abattu ulcéré d’où mon inspiration, mais pas mort. Ce qui ne tue pas, rend plus fort disait Nietzsche, oui mais moi j’ai été enculé. Même tarif : je l’emmerde.

Le cynisme est le venin des exclus de l’amour. Ne me remerciez pas moi, remerciez l’amour…

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