Lundi

Coralie

Le narrateur de ce chapitre est Tiffanie.

J'étais là depuis un bon quart d'heure, du moins je crois; l'ennui m'avait fait perdre la notion du temps. J'écoutais d'une oreille distraite la conversation entre Achille, Mohamed et John. En fait, c'est plutôt Achille et Mohamed qui parlaient; John ne parlait jamais vraiment. En effet, John était de ceux qui regarde le monde bouger d'un oeil que l'on aurait pu qualifier de passif.
Je n'entendais que vaguement le son de leur voix; si je comprenais bien, ils parlaient de sarbacane.
Je soupirai longuement, lasse. Noémie et Alexandre avaient désertés l'école tandis que Valentin et Manuel n'étaient pas encore arrivés, ce qui était d'ailleurs tout à fait normal; le cours ne commençait que dans environ 10 minutes.
Je pensai, égoïstement, qu'on resterait tous ensembles, groupés, comme nous l'avions toujours été.
Avec Manuel, Noémie, Achille, Valentin et John, on se connaissait depuis le lycée. Nous étions une bande. Un peu comme le groupe des 5 mais avec une personne en plus. Nous avions fais toutes les bêtises possibles et imaginables ensembles. Nous nous en étions sortis pour la plupart ensemble. Nous étions inséparables. Puis arriva le moment où nous entrâmes au lycée.
Nous y avions rencontré Alexandre et Mohamed. Noémie, qui était alors ma meilleure amie, me confia qu'elle était attirée par Alexandre. La vérité, c'est que Noémie était une adolescente comme les autres; superficielle et égoïste. Elle voulait sortir avec Alexandre pour trois raisons.
La première était qu'il était beau, présentable.
La deuxième était qu'il savait réfléchir et qu'il était ambitieux et visait haut.
La dernière était qu'elle voulait faire souffrir Manuel.
En effet, elle savait qu'il l'aimait et ce depuis un moment déjà, mais elle n'en avait rien à faire. L'avoir à ses pieds tout en le rejetant la satisfaisait; il n'était pour elle qu'une vulgaire distraction.
Lecteur, je n'ai jamais apprécié Noémie. Elle était de ces personnes qui simulaient absolument tout ce qu'elle montrait. Pour elle, la vie n'était qu'un jeu et les personnes qui l'entouraient, ses pions.
Son désennui favori était de faire preuve de bonté auprès de personnes que tous le monde rejetait. Ainsi, c'est une fois leur confiance acquise qu'elle les faisait tomber de haut, de très haut.
Le premier exemple qui me vient en tête est Ashley Mittgale. Elle ne resta qu'une année dans notre collège. Le professeur nous dit qu'elle avait dû quitter le collège pour des raisons personnelles, alors que l'on était à quelques mois du brevet. La vérité, tous ou presque la connaissait. Du moins, ils pensaient la connaître.
Ashley était arrivé en début de 3e dans notre établissement. Elle avait dû déménager et par conséquent changer d'école à cause de la mutation de l'un de ses parents si je me souviens bien. Elle avait eu du mal à s'intégrer, malgré toute la bonne fois dont avaient fait preuve la plupart d'entre nous; la pauvre avait été doté d'une timidité maladive. Elle était mignonne et plutôt douée pour ce qui concernait les matières scientifiques. Les garçons l'observaient avec ce qu'ils appelaient "la discrétion du mâle", ce qui consistait à la relooker dès qu'elle avait le dos tourné. Les filles, elles, étaient plutôt partagées; certaines la jalousaient, d'autres la plaignaient de se retrouver seule, sans pour autant essayer d'agir pour y remédier.
Noémie faisait partie de ses deux groupes à la fois. Alors, un jour, alors qu'elle s'ennuyait, elle décida d'aller lui parler. Elles sympathisèrent. Ashley était d'une sagesse et d'une bonté sans limite et je la plaignais car je savais pertinemment le sort que lui réservait Noémie. Cette dernière était jalouse de l'attention que les garçons portaient pour la nouvelle.
Elles passèrent de plus en plus de temps ensembles. De son côté, Ashley aimait bien passer du temps avec la personne que convoitait Noémie à l'époque; elle le trouvait agréable de compagnie. Je crois qu'il s'appelait Théo-quelque-chose. Cela donna un prétexte à Noémie pour attaquer celle qui était devenue malgré elle sa proie.
Un beau matin, dans la cours de récréation, pendant l'une de nos pauses que nous estimions trop peu nombreuses à l'époque, Noémie se mit à vociférer des insultes envers la pauvre Ashley. Elle clamait qu'elle tournait autour de ce Théo pour la simple raison que Noémie lui avait confié les sentiments qu'elle entretenait pour lui. Ashley ne répondait pas, son visage était noyé de larmes; elle commençait à entrevoir la face caché de celle qu'elle avait cru être son amie.
Noémie, prise dans son élan, criait maintenant haut et fort qu'elle avait couché avec ledit Théo. Elle lançait ces accusations avec une telle rage et un tel entrain que n'importe qui y aurait cru.
Seulement, gardons à l'esprit qu'elle est une très bonne actrice.
On pouvait désormais voir un véritable troupeau autour des deux filles. Théo, qui était présent, ne disait rien, ne prenant même pas la peine de défendre sa dignité ou celle d'Ashley; je soupçonnais Noémie de l'avoir acheté d'une quelconque façon.
Les professeurs ne tardèrent pas à faire leur apparition et à séparer les personnes qui s'étaient accumulés au centre de la cours. Ashley courut aux toilettes avant qu'un professeur ou un surveillant ne la remarque et Noémie, fière d'elle, m'entraîna avec elle sur un banc dans un coin.
Les jours qui suivirent, Ashley ne vînt pas en cours.
Quand elle recommença à venir, ce sont des inscriptions abominables inscrites sur son bureau et le mépris de ses camarades qu'elle découvrit.
Elle ne le supporta pas longtemps et c'est ainsi qu'elle changea d'école. Noémie, elle, savourait son triomphe en silence; elle avait d'ailleurs réussi à sortir avec Théo.
Pourquoi trainais-je avec Noémie ? Ne dit-on pas qu'il faut être encore plus proche de ses ennemis que de ses amis ?
De plus, avec Noémie, il en tenait presque de la survie dans le milieu scolaire que de bien s'entendre avec elle.
Donc, en entrant au lycée, Noémie tenta de se rapprocher d'Alexandre tandis qu'Achille commença à traîner avec Mohamed, se découvrant des centres d'intérêts communs.
Quant à moi, je ne pouvais que contempler les dégâts que causait Noémie, à commencer par avec Manuel.
C'est d'ailleurs lui qui me sortit de ma léthargie pour me dire que le cours allait bientôt commencer.
La journée passa lentement, tandis que je ressassai nos aventures passées, comme pour être sûre que je n'avais rien oublié.

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