Mains

Jo Becker

Ces mots sont venus un jour de confinement, suite à une intervention que j'ai dû faire dans un EHPAD

A ces mains potelées, maladroites, hésitantes,

Dans mes bras, protégées, que je couvais, patiente,

Ces mains que j'ai guidées pour les faire grandir,

Souvent égratignées, guéries d'un seul sourire,

Ces mains devenues grandes qu'il faut laisser partir,

Cette muette demande,  pensez à revenir !


A toutes ces mains amies qui jalonnent une vie,

Celles perdues, envolées, au loin éparpillées,

Les fidèles, sur lesquelles on peut toujours compter,

Les nouvelles, attirantes, promesses émerveillées.

A toutes ces mains pressantes qui me guident pour danser,

A celles avec lesquelles j'aime jouer au volley.


A ces mains désirantes qui me font chavirer,

Qui transforment en amante mon corps qui s'y complaît,

A ces mains qui voulaient et que j'ai rejetées,

A celles que j'ai frôlées et qui m'ont esquivées,

Celles qu'il faut oublier mais qui me manquent tant,

A celles que je voudrais enlacer pour longtemps.


A ces mains vieillissantes aux nôtres accrochées,

Déformées et tremblantes, de tâches parsemées,

Perspective angoissante d'une vie périmée,

A toutes ces mains, enfin, que je ne peux plus serrer,

 Un danger si soudain qu'il ne faut pas braver,

Je veux leur dire au moins, ô mains, vous me manquez !

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