Malin et Bouledogue

peterpanpan

Chapitre I

L'odeur des frites calmait les nerfs de Bouledogue. On l'avait appelé comme ça à cause des plis derrière sa nuque. 

- " Hé Malin ! Ravise un peu ça ! 3,50€ l'américain ! " 

Malin donnait toujours l'impression de préparer une arnaque, peut-être à cause de sa grande taille et de son allure efflanquée.

- Ah ouais ça vaut l'coup  répondit Malin. Ils mettent les frites avec ?

- Bah oui qu'ils mettent des frites sinon ça s'appellerait pas un américain ! T'es con des fois.

- Ah ouais, pas bête. Tu prends quoi comme sauce ?

- Moi Mayonnaise... 

- J'crois que j'vais prendre Samouraï.

Quelqu'un faisait claquer une grande pelle à frites sur le bord de la friteuse. Quand elles furent bien égouttées, les frites rejoignirent d'autres frites dans le compartiment du dessus. 

- Bonjour,

- Ouais heu, deux américains, mayo et samouraï,

- Sept euros s'il vous plait.

Bouledogue sortit un billet de dix euros de son blouson en cuir et le tendit au caissier, qui encaissa et rendit la monnaie.

 - Merci gros

- Vas-y t'inquiètes, t'façon tu m'as dit q'tu m'payais un oinj' après, ça va bien passer ?

- Ouais t'inquiètes Bouli. C'était le diminutif de Bouledogue.

Ils s'installèrent sur une table pas loin. 

- T'as vu il parait qu'ils ont assassiné la vieille au troisième.

- Ouais c'est des malades ces gars-là. Il parait que c'est à cause de Dragibus qu'a été raconté des conneries comme quoi elle planquait un magot sous son lit. Dragibus même si ça lui arrive de dire des trucs vrais il est tout le temps pété, j'comprends pas ce qui leur a pris.

- Et toi tu les connais les gars au fait ?

- Vite fait, une fois j'avais été chercher de la beuh chez Julien et ils étaient là. Mais sans plus. Ils avaient pas des gueules de tueurs. J'crois qu'ils repeignaient des maisons au black.

- Putain c'est chaud les histoires ces temps-ci au quartier...

- J'sais pas, les gens deviennent fou, c'est à cause de la mondialisation, y'a trop de complots, tout le monde veut baiser tout le monde.

- Pis y'a la pollution aussi, t'as pas remarqué qu'il y a de plus en plus de gens qui toussent ? Si ça se trouve ils mettent un truc dans l'air.

- Il se passe des trucs qu'on peut même pas avoir idée, c'est pour ça j'crois le mieux, c'est de même pas y penser.

Un serveur amena les deux plateaux.

- Ça va c'est bien vi-sser !

- Ouais puis les frites elles sont pas trop molles, d'ailleurs va même pas chez Chouly, y'a Bobo qu'est tombé malade l'aut' coup.

- Chouly c'est un crasseux c'est normal, j'comprends même pas qu'les gens aillent là-bas.

- C'est parce qu'y'a trop d'histoires, on sait plus s'qui est vrai ou pas.

- J'avoue si on écoutait tout on f'rait plus rien...

Il y avait peu de monde dans la friterie, ce qui faisait qu'on pouvait entendre la conversation sans l'écouter. D'ailleurs, les deux amis parlaient un peu plus fort que nécessaire pour être sûrs de se faire entendre.

- Et pour revenir à la vieille... au final, il paraît que les mecs sont partis sans rien prendre, sous le lit y'avait rien, mais elle avait planqué toutes ses économies dans le tiroir de sa commode. Ils ont commencé à paniquer quand ils ont entendu qu'on montait.

- Ah les cons ! 

- Ouais, mais en même temps tuer une vieille ça se fait pas.

- J'avoue. Quand j'y pense de toute façon y'a pas beaucoup de gens nets. Regarde Mohammed le pauvre, il est devenu cinglé après qu'on lui a refilé du mauvais matos.

- Ouais il croyait qu'il y avait un esprit chez lui. Un jour il a même mis un verre de lait sur sa commode exprès avant de dormir, et quand il s'est réveillé le verre était vide.

- Le gars, tout calme en plus. Impossible de deviner qu'il allait cramer son appart'. 

- T'y crois toi, à son histoire d'esprit ? Imagine c'est vrai ?

- Nan, c'est un délire, j'te dis. J'crois qu'il est devenu ouf à force de fumer tout seul chez lui.

- C'est malheureux quand même.

Ils avaient fini leurs américains. Il était plus de 22 heures et Malin roulait un joint en marchant. Malin était recourbé sur lui-même, cachant un peu ce qu'il était en train de faire, tandis que Bouledogue avançait en balançant les bras et en regardant tous ceux qui passaient sur le trottoir d'en face. Ils rejoignaient le quartier.

- Au fait ça dit quoi le taf ?

- Bah toujours rien. L'autre pute elle a voulu me faire passer une formation, nique sa mère sa formation ! J'suis pas à l'école moi.

- T'façon ça sert à rien, tu trouves pas de taf avec ça, le seul truc c'est le piston.

- Grave, même pour être caissier si tu connais personne t'es baisé, genre maintenant même pour ça faut un diplôme !

- C'est à cause de la division du travail, ils sont partis trop loin dans leur délire

- Nique sa mère frère, on va la faire nous-même la caillasse.

En effet, Malin et Bouledogue prévoyaient d'entreprendre une plantation de cannabis à domicile. Ils s'étaient renseignés sur Internet, pour une petite serre, des lampes et des graines. 




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