Maman redevient femme

Eric Descamps

Maman redevient femme

Je n'ai plus sommeil, mais je suis si bien aux portes de l'éveil...

Je suis bien au chaud, j'ai dormi comme un bébé; tiens à propos comment va mon bébé à moi? Il est trop tôt pour qu'il soit réveillé, mais j'irais volontiers voir comme il dort bien.

D'ailleurs j'y vais.

Je reviens aussitôt car j'ai pris froid.

Il dort, et moi je m'assoupis avec plaisir.

J'étais bien, je suis encore mieux, j'ai le plus beau bébé du monde et il fait un beau dodo. Est-ce possible? Je sens les mains de mon homme qui me caressent le dos. J'ai dû le réveiller en allant voir notre fils.

J'aime bien ses mains. Peut-être un peu plus qu'avant, d'ailleurs. En tout cas cela fait quelque temps que je n'avais pas senti ses mains comme je les sens ce matin. Elles sont chaudes, elles viennent doucement sur mes reins, au début de mes fesses, s'attardent et remontent. Lentement.

Que fait mon homme à présent? J'ai un peu perdu le fil, ses caresses m'ont laissée comme endormie, mais j'ai pensé en même temps. C'est gai d'être à l'aube. Tant de gens dorment encore, et nous sommes juste assez conscients pour jouir de la quiétude de l'instant. C'est d'ailleurs au petit matin que nous nous sommes donnés l'un à l'autre quelque neuf mois avant l'arrivée de notre fils. Quelle histoire! Où donc est mon homme? Mais oui, ce sont ses lèvres qui butinent mes reins maintenant.

Et dire qu'il y a quatre ans que nous nous sommes offerts pour la première fois.

Mais c'est qu'il s'applique, mon coquin... Entreprenant mais ni trop ni trop peu juste comme il faut. Cela me rappelle notre petit appartement. La première fois qu'il m'a réveillée ainsi, je venais de lui donner la clé. Je dormais, il s'est glissé dans mon petit dodo, je l'ai découvert à mon réveil, moi la belle Petite Sirène échouée sur les draps.

Nous étions amants depuis peu. C'est à la fois si lointain, si proche. Je t'avais dans la peau mon homme et toi aussi tu m'avais dans la peau et même plus que cela. Nous nous retrouvions comme si tu venais de sortir de prison. Tiens? la belle métaphore... Et si je remonte dans le temps encore, j'ai encore la sensation de tes mains la première fois qu'elles se sont posées sur mon dos, au sauna.

Entre-temps nous avons partagé des moments bien intimes avant notre première fois mais le sommeil et tes caresses m'égarent et je ne sais plus où j'en suis.

C'est juste là où elles sont maintenant. Merci ma peau merci mon dos je me souviens de tout et tes caresses sont toujours aussi douces. Je me délecte et je me laisse faire. Tu veux quoi mon homme? Moi en tout cas je suis bien.

Où es-tu passé? Je me suis endormie encore ou j'ai rêvé je ne sais pas mais te revoici. Tu me murmures quelque chose à l'oreille. Je fais oui de la tête tout doucement, mais je n'ai pas tout compris, tant pis je suis trop bien je suis à toi ne me déçois pas.

Ne la déçois pas. C'est ce qu'un homme que j'admirais t'a dit un jour en parlant de moi, et tu le lui as promis.

Et mon bébé qui dort paisiblement.

Que de chemin parcouru depuis le début de notre histoire mon homme qui m'a faite maman je suis petite maman la plus jolie du monde me dis-tu. Qui se fait délicatement parfumer car je sens tes mains qui laissent sur ma peau un délicieux parfum de noix de coco cette huile que tu es allé chercher au même endroit en cette veille de premier mai deux mille un nous payions encore en francs belges à ce moment mais je pense que je m'égare encore dans des pensées ensommeillées mon homme tu me couvres de ton corps et je me sens protégée tu m'enveloppes de douceur et je sens ta chaleur.

Et notre bébé grandit tout doucement dans son lit comme dans notre vie que je l'aime mon beau bébé ma revanche celui qui recevra tout l'amour qui me manque.

Quant à toi mon homme tu l'as bien deviné depuis le temps mon grand homme qui m'apporte assistance et protection je te veux mari et père et tu me donneras tout l'amour que je veux il y a quatre ans tu ne soupçonnais pas à quel point tu pourrais encore aimer, n'est-ce-pas?

Non et pourtant tu en es capable comme tu es capable de bien d'autres choses encore, grand homme qui partage mes jours et mes nuits, ah, enfin je te sens à nouveau, je me réveille un peu, tu es toujours là à me couvrir de baisers, sais-tu au moins qu'il te faudra sept vies pour que je sois rassasiée de ton amour et de ta tendresse?

Pour l'heure tu me donnes tous les doux frissons que je veux, il semble même que tu t'amuses à deviner où et quand me faire plaisir. C'est bon d'être comprise. Tu insistes doucement et je m'offre, tu verras un jour je t'offrirai aussi ces moments et tu n'imagines pas encore à quel point c'est généreux et c'est bon. J'ai envie de toi très fort et à la fois si doucement. Je ne sais pas encore te le dire, mais me faire comprendre, ça oui je sais le faire. Mon homme je t'aime très fort mais si tu continues ainsi tout mon corps va se consumer une maman réduite en cendres c'est pas une vraie maman s'il te plaît aime moi maintenant libère-moi du désir que tu as patiemment fait grandir comme le tien.

Et notre petit bébé qui va bientôt se réveiller.

Attends encore un peu mon petit garçon, maman doit monter à papa de quel bois se chauffe une Petite Sirène.

 

 

(c) Atine Nenaud, dépôt légal, 2011, tous droits réservés.

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