Marché du jour

Colette Bonnet Seigue

 

Sur une invitation de Lilas : « C'était au marché, en l'an de grâce 1717, à Paris. Tous les maraîchers déclamaient un poème agrume pour attirer les chalands. Poème de l'artichaut, pour l'un, du poireau ou de la ciboulette, pour l'autre. Un matin, se présenta un marchand de… (à vous de décider) qui n'avait aucun poème à réciter et conséquemment peu de clients. Alors il improvisa…



Oyez ! Preux damoiseaux !

Et gentes damoiselles!

Tout près des artichauts,

J'ai dans mon escarcelle

Que rires octroyés

Qui émanent en chœur

Autour de ma chariote

Percevez ce bonheur

Au doux chant des carottes !


Des rires à deux sous,

Pas chérots pour la bourse !

Mandez-moi sans courroux

Sinon, je vous rembourse !

Approchez-donc un peu!

J'ai un rire aux éclats

Qui vous rendra heureux

Sans désidérata !


Et pour vous, chevalier,

J'ai un rire sous cape,

Quand brandille l'épée

Avant qu'elle ne frappe.

A moins que vous n'osiez

Ce rire franc-tireur

Qui conduit le guerrier

Tout au champ du vainqueur.


Regardez gentes dames,

C'est à mourir de rire,

Celui-ci il se pâme

Pour tromper un désir !

Y a un rire amoureux

Pour vous jeune puceau,

Mi transit, mi peureux,

Toujours prêt à l'assaut !


Osez le mot pour rire

Au pire ou au meilleur.

Pour le cœur qu'il chavire,

C'est un grand orateur !

Vous, qui n'osez jamais,

Qui vous pincez les lèvres,

A gorge déployée

C'est un rire d'orfèvre !


Et ce rire spartiate,

Un rire sans vergogne,

Qui rentre ses pénates

Dans le rire d'Hermione.

Le cœur me rit pour vous

En offrande à ce jour!

Osez donc, servez-vous

Aux éclats de velours !


Mandez-moi belle dame

Ce rire inédit

Pour répondre à la flamme

D'un amour impuni.

Osez ! Mais osez donc !

Ces sourires aux anges,

Votre âme en pâmoison

Leur rendra leurs louanges.


J'ai des rires-ripaille,

Arôme Chambertin

Pour un' côte de maille

Trinquant au pieux destin !

Désolée Cunégonde,

J'ai vendu tous mes rires

Aux légumes en ronde

Ecoute leurs soupirs !


Soyez remerciés,

Mon sourire en dit long !

Ma chariote est vidée

De toute sa moisson.



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