Matin, brouillard

Christian Lemoine

Au plus près des maisons, l'opacité des sons occulte la profondeur de champ. L'arbre déraciné, absorbé dans la contemplation de l'ogive inversée qui fomente la révulsion des stèles, l'arbre déraciné n'entrevoit plus les lignes fracassées des écorces fendues, tragiques dans l'épaisseur de l'immobile. Contre les tympans, assourdis de clarté cotonneuse, bat en douceur le rythme intérieur, sans autre relief pour circonvenir l'espace. Redire la redondance commune, réitérer les suppliques oblatives, ranimer l'impertinence étriquée d'ex-voto béats. Retrouver le pouls de l'essentiel. Contre les tympans vibre cette pulsation subreptice, à peine si l'on en décèle les stigmates. Un bourdonnement feutré, le souffle époumoné d'un râle continu, le frôlement sans visage d'une respiration suspendue. Au plus près des maisons, c'est une blancheur dense, tenace et obstinée. Elle boit toute largeur saisonnale. D'automne ou de printemps, vespérale ou d'aurore, ce crépuscule lumineux absout toute faillite en dévorant les ombres. Illusion virginale, qui recréerait dans l'effacement des distances la pureté de l'aube primordiale.

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