Maud

J'ai rencontré une SDF, il y a quelques mois de cela. Maud qu'elle s'appelle. En passant, j'adore ce prénom. Elle est assez petite de taille, mince, les cheveux longs et un sourire qui a ravivé mes blessures. Cette femme-là m'en a apprit des choses. Elle se postait, tous les jours, devant Paul, une boulangerie qui jouxtait la gare Saint-Jean. Alors, tous les jours, je la voyais. Sourire et rire avec le beau monde qui passait. Offrant un sourire d'une parfaite dentition à celui qui voulait bien lui donner une petite pièce.

J'ai donné 50 € à Maud. Puis, je me suis assise à côté d'elle. Deux fumeuses créant leur monde entre deux bouffées de blonde. De tous les SDF que j'ai connu, cette femme-là, m'a marqué. À ce moment-là, elle avait mon âge. Elle venait de Nantes. Rejetée par sa mère et son beau-père violent, elle s'était faite virer de chez elle. Elle s'était retrouvée à Bordeaux et son copain en prison pour une infraction qui, à mon goût, ne méritait pas la prison. Trêve de "blablatage" à ce sujet.

Maud m'a raconté qu'il lui était arrivé de dormir dans des squats. Des squats puant la pisse, la drogue et le sperme. Que quelques cuillères, quelques seringues, quelques mégots, quelques capotes et autres objets sympas à voir traînaient sur le sol. À plusieurs reprises, nous avons eu, toutes les deux, respectivement, les larmes aux yeux. Elle, racontant son histoire, moi, émue par tant de malheureuses aventures.

J'aurai voulu lui dire " Viens, chez moi. Tu seras bien, je te le promets."

Mais jamais mon ex petit ami n'a eu vent de cette histoire. S'il avait su que j'avais parlé à une autre personne, s'il avait su que j'avais préféré donner 50 € à une âme en détresse plutôt que pour sa came, des cris stridents se seraient fait entendre.

Alors, je n'ai rien dis, mais j'attendais Maud, le soir.

Puis un soir, elle n'est plus jamais revenue. Ou c'est moi, qui ne suis plus allée à la gare.

Maud avait trouvé du travail, seulement, il lui fallait le permis de conduire. Je n'ai jamais eu assez les moyens de donner 50 € à tous les SDF. Mon compte banque est actuellement en train de faire la tête, il l'a toujours plus ou moins fait de toute façon. Mais elle, elle en avait besoin. Bien plus que moi. Il lui manquait quelques billets encore, pour payer son permis.

Aujourd'hui, j'espère seulement qu'elle a réussi ce qu'elle souhaitait faire, qu'elle vit comme elle le veut, qu'elle est épanouie et heureuse.

Sa condition m'a touché, comme celles de centaines d'hommes et femmes dans le besoin.

Vous savez, ces personnes assises le long des rues que vous daignez à peine regarder. Ces personnes, la main tendue, le regard dans l'ecuelle, attendant que vous remplissiez leur gamelle.

Vous savez, ces personnes trouvant refuge dans l'alcool car elles n'ont plus que ça pour "survivre".

Je les admire ces personnes-là. Si vous saviez à quel point elles me touchent, à quel point elles me font haïr notre société, à quel point j'ai envie de me battre pour leur venir en aide, pour les soutenir, pour les voir sourire dans leur propre habitation.

Profitez de votre condition. Même si vous n'êtes pas heureux, même si la maladie ronge vos os, même si plus rien ne va.. Dîtes-vous une chose, une seule chose ; vous avez un toit sur la tête et de la nourriture dans vos assiettes. Vous pouvez vivre sans survivre.

Je suis de tout coeur avec chaque humain peuplant cette petite planète, depuis toujours.

Mais je ne serai jamais compatissantes avec ceux qui vivent sur le dos des autres. Ceux qui rabaissent pour vaincre. Ceux qui donnent des coups pour se sentir supérieurs. Ceux qui amassent sans donner. Ceux qui étalent leur richesse aux yeux des gens dans le besoin.

Je suis humaine. Mais, vous l'êtes aussi.