Me taire?

Je fais partie de ces gens que les autres passent leur temps à essayer de faire taire.

"Tais toi"! Une des premières phrases que je dus entendre de la bouche maternelle, laquelle s'accompagnait parfois d'un "ou je t'étrangle" et d'une gifle lestement souffletée, ce qui fait réfléchir. Parler ou... mourir? De 3 à 6 ans, je n'ai plus ouvert la bouche. Trop risqué. Je parlais avec les yeux. Ça parle très bien aussi le regard.

D'autres argumentent en chuchotant "il ne faut pas le dire...tu comprends...c'est pas notre affaire..."

Les ancêtres argumentent d'un dicton: "toute vérité n'est pas bonne à dire".

Les profs autrefois: "Divina bavarde tout le temps et perturbe ses camarades". "Le Club de Femmes monté par Divina est désormais interdit dans l'établissement. Divina doit présenter ses excuses au professeur d'histoire car elle a appris à sa fille mineure comment se procurer légalement une contraception."

D'autres optent pour l'évitement "ça ne pourrait pas attendre plus tard?"; "on peut en reparler un autre jour?"

Quelques uns essayent franchement "je t'interdis de parler de ..."

Et à bientôt 54 ans, ça continue! Il ne faut pas dire des tas de choses à des tas de gens dans X circonstances de la vie, tourner sa langue dans sa bouche pour ne pas froisser, déranger, remettre en question, surtout il convient d'éviter de dire la vérité.

Même pour des broutilles comme "si vous continuez à avancer, vous allez arracher le porche avec votre camion", "je ne veux pas que vous fassiez des trous dans la mosaïque que je me suis fait ch...à poser même si vous la trouver moche", "le blanc n'est pas une couleur", "les chemises sont plus froissées après le repassage qu'au sortir du sèche-linge", 

et des choses plus sérieuses:

"je ne comprends pas pourquoi elle se marie et pleure comme si on l'emmenait à l'abattoir",

"pourquoi a-t-elle fait tatouer une tête de mort géante sur son pied?",

"puisque les élèves de la classe ont un niveau si hétérogène qui semble si insupportable, que suggérez-vous? Qu'on les noie?",

"êtes-vous au courant des conditions d'avortement de votre fille de 15 ans préalable à son internement?",

"comment vos enfants financent-ils la drogue qu'ils consomment?",

"pourquoi pratiquer des FIV sur des femmes qui ne veulent pas d'enfants?",

"cette enfant se scarifie dans les WC de la cour et prête son cutter à d'autres, elle passe des WE seule chez elle sans rien à manger",

"je crois en Dieu et prie très souvent",

"vous pensez reconnaitre votre enfant un jour?",

"je ne suis pas d'accord avec ce sermon intégriste alors je m'en vais",

"pourquoi avez-vous donné double dose de neuroleptiques à votre mari?",

"pourquoi avez-vous fait médecine si vous ne supportez pas de toucher un patient?"...

Mais tais toi bonté divine! Ferme - la! Tu le fais exprès ou quoi? Tu vas encore t'attirer des ennuis!

Pensée pour Cyrulnik qui sauf erreur de ma part a écrit un ouvrage "T'es toi quand tu parles".