Mémoires, pages 46 à 48 / 312

Dominique Capo

Mémoires personnelles

Ma grand-mère est une nostalgique de ses « Années Africaines ». Autant, j'ai l'impression que mon grand-père a souffert de son retour en France, mais a à peu près fini par réussir à tourner la page, autant ma grand-mère ne l'a pas réellement accepté. C'est pour cette raison – entre autres – qu'elle ne s'est pas véritablement attaché à notre domicile familial du Doubs. C'est pour ça que, parfois, telle une provocation ou une pique destinée à ma mère ou à ses petits-enfants, elle explique « qu'elle a l'intention de vendre cette habitation pour aller s'installer au Soleil. ».

Bien sûr, elle n'entreprendra pas une telle démarche. Elle sait combien ma mère, moi ou ma sœur y tenons. Malgré tout, ce sont des réflexions qui me blessent. Car c'est dans le cimetière du village ou est cette demeure que sont enterrés mes arrière grands-parents maternels ; c'est à dire les propres parents de ma grand-mère. C'est là qu'est inhumé mon grand-père ; son mari. Et, surtout, c'est là que repose mon benjamin, décédé après son accident de voiture le 25 Juillet 1998 ; soit une dizaine de jours après que la France ait remportée la coupe du monde de Football. J'aurai l'occasion d'y revenir en détails dans un prochain chapitre.


En tout état de cause, pour ma part, c'est dans le Doubs que j'ai vécu mes heures les plus heureuses. C'est là que nous nous retrouvions tous pour Noël. Mes arrière grands-parents maternels, mes grandes-parents maternels, mes grands-parents paternels, ou mes parents, étaient présents. J'en garde, évidemment, une vision floue et vague dans mon esprit. Heureusement que les films super-8 de mon grand-père, il y a quelques années, m'ont ravivé maintes réminiscences. Car, fervent admirateur de tout ce qui avait trait aux caméras et autres caméscopes, il s'amusait souvent à nous filmer. Ses premières pellicules remontent aux années soixante, lorsque lui, ma grand-mère et ma mère – alors encore jeune fille – étaient exilés à Dakar. Les plus proches évoquent leurs ultimes tribulations en Extrême-orient.

Celles que je me mémorise davantage, ce sont celles du début des années soixante-dix. Nous étions tous regroupés autour du sapin de Noël, que ce soit dans la salle à manger coté rue, ou dans le petit salon coté prairie. Dehors, le sol était couvert de neige. Les arbres étaient figés par le givre. Et des dizaines de paquets jonchaient le plancher à nos pieds. Je me remémore confusément un château fort et des soldats de plomb, une moto électrique, une grande grue, un robot d'environ un mètre de haut à l'effigie de Goldorak, un autre aux traits de D2-R2, l'un des héros de la saga de la Guerre des Étoiles. Comme je l'ai déjà spécifié précédemment, nous avons été extrêmement gâtés par mes grands-parents. Ils ont toujours fait tout leur possible afin de voir nos visages s'illuminer de bonheur.

Dans un autre registre, et sans faire appel aux films amateur de mon grand-père, quelques situations ont laissé en moi une trace indélébile :

Je sais aujourd'hui que mes arrière grands-parents sont issus de la région lyonnaise. Mais moi, je les ai toujours connu vivant dans le Doubs. Je suppose qu'ils ont dû y émigrer après que mon arrière grand-père ait abandonné la direction l'usine de plexiglas qu'il a dirigé à Montreuil ; et avant cela dans le département du Rhône. Ils habitaient et entretenaient l'ensemble de la résidence. Car celle-ci était divisée en deux : le coté rue était réservé à mes grands-parents maternels. Le coté jardin était dévolu à mes arrière grands-parents. Ce dernier a d'ailleurs été entièrement rénové après leur mort. Ses deux composants étaient séparés par un immense couloir qui longe l'ensemble du bâtiment. Quant à l'étage, puisque ces appartements se situaient uniquement au rez-de-chaussée, il était totalement vide. C'était une sorte de grange à l'intérieur de laquelle s'entassaient le bois pour l'Hiver, des ustensiles de jardinage, une vieille auto poussiéreuses des années 1950. Nous y montions rarement parce que, si ce n'est des armoires renfermant de vieux livres d'OSS 117, du SAS, des costumes de carnaval, des poupées de porcelaine ou des jeux de société périmés, il n'y avait rien. Et, en plus, c'était un endroit qui n'était pas chauffé. Dès lors, autant en Été, s'y diffusait une chaleur insupportable, autant en Hiver, s'y propageait un froid glacial.


A suivre...

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