Minée de l'intérieur

Mal de ventre.

Coeur en miettes.

Des déchets sur le bas côté. Plein. Comme abandonnés. Comme largués par un véhicule trop lourd ou un individu trop con.

Au volant de sa voiture, elle constatait les dégâts. A ses pieds, elles constatait les dégâts. Comme d'habitude, elle savait que dans 10, 15, 20 ans, tout le monde finirait par s'en mordre les doigts.

L'impuissance.

Ce sentiment d'impuissance la submergeait.

Coupable.

Elle se sentait coupable.

Coupable de ne pas pouvoir sauver le monde.

Coupable de ne pas avoir été interprète pour faire passer des messages de paix et d'amour universels au coeur de grandes institutions internationales...

Loin de tout. Vivre en ermite. S'éloigner. Vaquer à ses petites occupations. Suivre son train-train. Prendre du recul. Ne pas s'informer. Être en grève du reste du monde. Ne pas vouloir savoir les atrocités. Se voiler la face. Se cacher les yeux. Comme devant un film d'horreur.

Et que pouvait-elle faire sinon ?

Elle n'avait que 10 doigts, ne disposait que de 24 heures par jour pour s'épanouir du mieux qu'elle pouvait.

Personne ne pouvait être heureux à sa place. Alors, une seule envie, un seul objectif : kiffer même les plus petits plaisirs du quotidien. Adorer sentir la pluie tomber sur son visage, ses pieds s'enraciner dans le sol, entendre le chant des oiseaux, le rire des enfants, et celui des grands. Ecouter les souvenirs de ses proches, capter des bribes de conversation, critiquer les gens de la table d'à côté au resto, mettre les mains dans la farine pour pétrir une pâte à tarte ou une pâte à pain, poser son regard sur des objets qu'elle affectionnait... Des choses désuètes mais tellement bonnes à savourer !

Elle avait aussi chevillé au corps une envie de réussir ce qu'elle avait entrepris par la force des choses. Entreprendre, c'est en fait le début de quelque chose qui ne se termine jamais vraiment.

Entreprendre, pour elle, c'était vivre, c'était se relier aux autres, c'était s'amuser, s'épanouir, s'exalter, s'enthousiasmer, chuter, tomber, se faire mal, parfois très mal, et rebondir, revenir sur le devant de la scène avec des béquilles et malgré tout, une voie lactée gravée dans le fond des rétines !

Tout pouvait s'arrêter. La vie, sa vie, finirait d'ailleurs par s'arrêter un jour... Alors, elle voulait profiter, se laisser porter vers son destin, vers sa réussite, vers des choix compliqués, vers des nouveaux sentiers, vers des expériences, vers des humains... Et diffuser de l'amour, de la paix, de la gratitude, de l'envie, de la folie, des sourires.