Mireille

vividecateri

 

C'était il y a quelques mois, j'avais réussi à obtenir un rendez-vous avec l'agent de Giorgio Clonessi pour mon client, le célèbre scénariste anglo-russe Edward Astroviov dont je suis l'agent artistique, depuis plusieurs années.

Je devais lui présenter un scénario élaboré par Edward.

Le rendez-vous, était à son domicile, à Washington DC.

J'avais tout organisé pour faciliter la vie de Sa Majesté. Congélateur rempli de petits plats préparés. Armoire à provision et frigo bourrés à bloc.

Tout était méticuleusement étudié pour que mes horaires correspondent avec les avions que je devais prendre. Je n'avais qu'un petit bagage.

De Nice, j'étais arrivée à Orly à l'heure. La navette m'avait amenée pile à Roissy et c'est là que j'avais appris qu'une grève de 12 heures avait débuté chez "Aires Francia"

Mécontente, j'avais dû retarder mon rendez-vous avec l'agent, qui heureusement avait été compréhensif et mon vol fut réservé pour le lendemain. J'avais aussi, prévenu sa Majesté…

Qui m'avait souhaité goguenard:

-  Bon amusement dans "Paris by night"!

Le filou! Comme si je trouvais ce contretemps plaisant !

Il fallait que je trouve un logement, je n'avais pas du tout, envie de dormir à l'aéroport.

J'avais donc demandé à un chauffeur de taxi, de m'emmener vers un hôtel confortable, mais pas trop éloigné afin qu'il puisse me reprendre le lendemain et me ramener à Charles-De-Gaule, tout en évitant les embouteillages.

Ce jeune-homme, très aimable et poli, me conseilla un petit hôtel tenu par sa tante.

- Il n'y a pas beaucoup de chambres, mais elles sont propres, calmes et très confortables.

- Pourquoi pas. Lui répondis-je, c'est une bonne idée, je déteste les grands hôtels.

- Vous verrez. C'est très charmant et la décoration est surprenante. Ma tante pourra vous préparer un petit en-cas pour ce soir et demain je viendrai vous chercher après votre petit déjeuner. Il tapa un numéro sur son mobile et dit:

- Je vais l'appeler, pour la prévenir.

Il lui expliquât ma situation, elle répondit, sans doute, qu'elle était d'accord, car il sortit de sa voiture et m'ouvrit la portière arrière. Il attrapa ma petite valise et la posa sur le siège avant.

- Très bien, vous êtes prête? Bien installée? Mettez votre ceinture. On décolle!

Je me souviens avoir éclaté de rire, sympa le taximan!

- Vous ne mettez pas votre compteur?

- Non, je rentre chez moi, je termine ma journée, avec cette grève cela va être infernal, et je n'ai plus envie de travailler. J'habite chez ma tante. Je serai donc à votre disposition immédiate, demain matin.

- D'accord, je vous remercie, j'ai beaucoup de chance, de vous avoir rencontré!

Après une petite demi-heure de route, nous sommes arrivés, devant un petit hôtel que je qualifierais de particulier…

Avant de franchir la porte, dans cette rue calme, je ressentis comme une atmosphère, assez étrange, mais pas désagréable…

L'ombre ciselée d'un grand lilas ornait en faux-semblant les deux étages de la façade.

Et, je n'étais pas au bout de mon étonnement.

Mon chauffeur prit mon petit bagage et m'ouvrit galamment la porte.

Je pénétrais alors dans, tenez vous bien…Dans un temple dédié à l'amour et à la femme.

Un canapé, des bergères en velours bleu-roi. Des petites tables rondes, des revues de mode, des bonbonnières, des napperons crochetés, des bouquets de fleurs en soie. Aux murs des gravures reproduisant les roses de Redouté.

Cette pièce ressemblait à un boudoir tendance…érotique.

Tout respirait la femme, la coquetterie, chichis et compagnie.

Au fond, un paravent chinois camouflait en partie, un bureau d'accueil Napoléon trois.

Mais, le plus étonnant, c'étaient les mosaïques de faïence rouge rendant hommage à la beauté féminine, curieusement associées à des…poules

Au-dessus des portes, de belles Odalisques, alanguies, voisinaient avec des dessins mythologiques mettant en scène des jeunes femmes dénudées au fessier bien rebondi…

J'étais abasourdie devant ce décorum et… sur le cul…aussi, moins rebondi…

Une femme blonde, oxygénée, tenant un éventail, souriante, un bandeau dans les cheveux, un sein dénudé??? S'approchât…accueillante, les bras tendus.

Je dois vous avouer que je ne savais pas quoi faire, m'enfuir ou rester, j'étais très intriguée et aussi, trop curieuse.

En mon for intérieur, j'avais envie de réciter la célèbre tirade de Molière dans Tartuffe…

"Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées. Et cela fait venir de coupables pensées"

Mais je m'abstins.

Mon chauffeur prit délicatement mon bras et fit les présentations.

- Madame Louise de Vermeil, ma tante, propriétaire des lieux.

- Madame?

- Vivi…de Nice.

- Soyez la bienvenue, chère amie. Vous êtes charmante! Avez-vous toujours l'intention de passer la nuit dans mon établissement?

Je ne savais pas ce qui me poussait, mais je répondis positivement.

- Très bien! Je suis, alors, toute à votre service. Vous êtes et serez ma seule cliente, mon neveu va vous faire visiter les lieux.

Prenez votre temps, toutes nos chambres sont à votre disposition.

Installez-vous dans celle que vous préférerez. Le diner sera servi à 20 heures, vous aimez le champagne?

 - Absolument!

- Alors! Ce sera champagne à tous les plats! C'est mon anniversaire aujourd'hui, je comptais le fêter seule, vous savez à mon âge… Mais ce petit coquin en a décidé autrement.

Le jeune "coquin" avait, sur ses lèvres, un très joli sourire…Il était trop mignon…

Je revins à la réalité, cela allait me coûter "bonbon" cette histoire… Il fallait que je sache où j'allais, où j'étais tombée…surtout pour ma carte bleue, elle allait chauffer.

- Cela me semble parfait, si vous pouvez m'indiquer votre tarif, je réglerai ma nuit et le dîner!

- Ma chère il n'en est pas question! Mon neveu m'a expliqué votre problème. Il vous a amenée vers moi, mon hôtel est fermé, le lundi.

 Vous êtes une agréable surprise!  Considérez-vous comme mon invitée.

- Je suis confuse, laissez-moi au moins vous aider…

- Ta Ta Ta!  Il n'en est pas question, filez et choisissez bien votre chambre! C'est important, une bonne nuit!

C'est ici que mon aventure extraordinaire commence, je vais vous la raconter au présent.

Me voilà à l'étage, à la suite du neveu. Dans le premier couloir, la décoration est exceptionnelle, un véritable jeu de miroirs, d'ambiances…parfumées.

Partout, de la moquette très épaisse…Rendant nos mouvements silencieux.

Une lumière tamisée.

Il m'ouvre les portes une à une et s'efface afin que je puisse les examiner.

On passe d'une chambre nippone à une chambre indienne ou d'une chambre mauresque à une chinoise et une égyptienne.

Je ne sais pas si c'est mon imagination, mais à chaque fois qu'il ouvre une porte et qu'il la referme, il y a un petit bruit… Du genre "Viviiiiiii" "Viviiiiii"…

 Bizarre…

On traverse un petit salon Louis XV et un autre corridor oriental.

Il ouvre une autre porte sur une chambre médiévale, un autre de style Louis XVI avec au mur des médaillons imités de Boucher; Vénus et Cupidon, Héraclès et Omphale, Pan et Syrinx…

Et toujours ce même bruissement… "Viviiiii, Viviiiiiiiii"

- Je n'ai jamais vu cela de ma vie! Sauf peut-être au cinéma. On dirait le décor d'un…

- D'un bordel? Me demande, le neveu en souriant.

- Et bien… Oui!  C'est surprenant!

- Vous n'avez pas encore tout vu, me dit le jeune homme. Nous continuons?

- Puisque j'y suis…

- Vous avez trouvé, votre préférence?

- Je vous le dirai quand nous aurons terminé la visite.

Il ouvre une autre porte, cette fois, pas de "Viviiiiii" Ouf, je commençais par me demander si j'avais des hallucinations!

Je découvre une chambre transformée en intérieur de wagon-lit. Les banquettes de ce wagon étonnamment bien reconstitué sont recouvertes de dentelles blanches.

- Une réplique parfaite de l'un des compartiments de l'Orient-Express "Le train légendaire". En face, une autre réplique. Il ouvre la porte… "Viviiii"…

Et voilà que ce bruit recommence! C'est une cabine de transatlantique qui imite l'ambiance des croisières de luxe, sur un pont supérieur. Sur le mur un horizon bleu est peint. Il y a des chaises longues, des bouées de sauvetages, des mouettes…

Il va vers une autre porte

- Non! Ne l'ouvrez pas?

- Pourquoi?

- Je n'aime pas le crissement que l'on entend, quand on ouvre les portes.

- Quel crissement? Ces portes s'ouvrent silencieusement, c'est un hôtel!

- Ah bon! C'est curieux, j'entends comme un grincement…

- Cela, vient peut-être de la cuisine.

- Peut-être, je vous demande pardon, je vous ai interrompu. Continuez.

- C'est la chambre du Corsaire, regardez!

Il ouvre la porte, pas de bruit…

- Vous y dormirez dans la cabine du capitaine, dans ce grand lit sculpté, mais il ne faut pas souffrir du mal de mer, car il est muni d'une structure à bascule qui reproduit le mouvement des vagues.

D'un geste, il montre un autre endroit.

- Là bas, au fond du couloir il y a la chambre blanche, on y pénètre à genoux par une toute petite porte et on se retrouve dans un igloo entourés de peaux de bêtes, de cubes de verre imitant la glace et d'accessoires comme un canoë et des pagaies.

- Brrr! Très peu pour moi.

- Alors, vous n'aimerez pas la chambre de torture du Moyen-âge"décorée" avec ses carcans, ses chaînes et ses fouets…Ni la sacristie et ses bondieuseries?

- Encore moins, merci!

- Alors la visite est terminée! Où dois-je déposer votre bagage?

- Dans le compartiment de l'Orient-Express.

- Très bon choix! Dit-il en déposant ma valise dans la chambre.

- Rassurez-moi, cet hôtel… n'est pas un bordel?

- Mais non, Il a été conçu par ma tante en souvenir d'une aïeule qui tenait un établissement de ce genre dans les années 1900…Elle a dépensé une fortune dans la récupération du mobilier des maisons closes. Elle y reçoit des voyageurs friands de l'histoire des bordels d'antan. Ou des couples, des cinq à sept, mais c'est secret…Si nous allions la retrouver?

- Je vous rejoindrai dans quelques minutes, je vais me refaire une beauté.

- Vous n'en avez pas besoin…dit-il, en me regardant…De pied en cap…

Décidément ce jeune-homme est trop séduisant…

J'entre dans la chambre et je passe dans la petite salle de bain.

Soudain, une voix étrange, m'appelle…

- Viviiiiiiii Viviiiiiiiii…

Je retourne dans la chambre…Je cherche.

- Oui? Qui êtes vous où êtes vous?

- Je suis, l'âme de la chambre, regardez vers le tableau…

La voix paraît sortir de la bouche d'une jolie rousse, en déshabillé vaporeux. Elle semble attendre "la clientèle" dans une pose alanguie.

Je connais cette peinture, c'est une toile de Toulouse-Lautrec.

- Bonjour, vous me reconnaissez?

Je deviens dingue…

- Oui je crois. Vous êtes Mireille, un grand amour du peintre.

- Vous connaissez mon histoire?

- Pas du tout.

- Lorsque Henri a été enfermé chez les frappés à Neuilly…Il venait de peindre mon portrait au salon de la rue des Moulins. Il voulait m'épouser, je n'étais pas contre, mais on m'a exilée dans un bordel en Amérique Latine.

Je suis morte de chagrin…

Je m'assois sur le lit. Je ne sais quoi dire…C'est trop triste!

- Mon âme, hante cette chambre pour l'éternité. C'est dans ce lit, que nous avons fait l'amour, pour la dernière fois. Mon cher Henri et moi…Il m'aimait, il aimait tellement les femmes. Pauvre Henri…Dans ce wagon-lit, nous nous sommes inventés, des voyages merveilleux...

Et tout à coup: La cabine est secouée…par un système, que je suppose mécanique. Le train est en marche. J'entends le bruit des rails, le sifflement, je peux même observer le paysage!

Ce n'est pas un paysage naturel!

Nous traversons, toutes les chambres de l'hôtel.

J'y vois des femmes dénudées qui, selon les thèmes, y reproduisent des scènes érotiques…Je vois une nonne affolée, une soubrette sans culotte, des officiers de marine en goguette, des femmes sans voiles, couchées pêle-mêle dans des poses sensuelles, des danses du ventre s'ébauchent.

Les corps se meuvent langoureusement...

Des jeunes filles chantent des couplets vaguement scabreux…

Juste à côté de moi, sur la dentelle blanche d'un couvre-lit, trône une superbe Vénus noire.

Je tends le bras vers elle…

Quand soudain, des coups à la porte et une voix qui m'appelle, une voix qui vient de très loin…

- Vivi, Vivi!

Vous venez prendre l'apéritif? Le dîner sera bientôt servi.

Tante Louise nous attend!

Voilà, mon histoire, je vous laisse imaginer la suite.

J'ai passé une bonne soirée et une nuit très agréable…

Le lendemain, je m'envolais pour Washington DC…

Si un jour, pour n'importe quelle raison, un joli taximan vous conseille un hôtel…

Acceptez…

Vous ne le regretterez pas…

  • t'es trop forte vivi j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire, super idée

    · Il y a environ 9 ans ·
    P 20140419 154141 1 smalllll2

    Christophe Paris

    • Mais euh... je suis toute petite et toute mince... Mince alors.... LOL merci!!! Kissous

      · Il y a environ 9 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

    • arrête j'ai mal aux zigo et matiques

      · Il y a environ 9 ans ·
      P 20140419 154141 1 smalllll2

      Christophe Paris

  • Hi hi ! J'ai vu de la lumière, je suis entré ! Pour moi, ce sera la chambre Louis XVI. Veuillez me faire porter un verre de vodka (pour AVANT) et un thé de Ceylan (pour APRES).

    · Il y a environ 9 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Très bien Majesté! Kissous et merci de me relire....

      · Il y a environ 9 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

  • Quel beau voyage mi rail et mireille pour Toulouse. Bravo

    · Il y a environ 9 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

    • Ah! J'adore ton humour ! Merci!!!! kissous

      · Il y a environ 9 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

  • Oui comme dit Stéf, quelle imagination.... avec ta pointe d'humour coquine. Bp de passions là dedans... Je garde cependant une p'tite pensée de compassion pour la pauvre Mireille... Kikiss

    · Il y a environ 9 ans ·
    Ange

    Apolline

    • Toi je te reconnais bien là!!! Kissous merci de me lire

      · Il y a environ 9 ans ·
      One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

      vividecateri

Signaler ce texte