Mon amant ?

bartleby

Je ne sais comment nommer cet homme. Il l'est, assurément, comme je suis femme qu'il a conquise en une nuit.

La première fois, je ne m'attendais pas à le trouver dans mon appartement, alors que je rentrai chez moi, épuisée par une journée de travail assommante. Il y avait de la lumière dans ma petite chambre, je l'avais vue sous la porte, mais je n'y avais pas porté attention, pensant ne pas l'avoir éteinte en partant le matin. Je tournai la clé, ouvris la porte. Elle frappa de plein fouet un objet qui la bloquait partiellement. Cela me parut étrange, moi qui ai si peu de meubles et d'objets dans mon studio. Je passai, plutôt difficilement pour entrer. C'est alors que je vis un tabouret de bar dans mon minuscule couloir servant d'entrée. Sur l'assise, il y avait un bandeau de velours rouge.

J'aurais pu crier immédiatement que quelqu'un était chez moi, mais je ne parvins pas à sortir le moindre mot. Je n'avais pas peur, non, mais j'étais curieuse. Je laissai glisser mon sac à main de mon épaule jusqu'au sol et me servis du petit dossier de tabouret pour y déposer doucement ma veste. Le bandeau était là et ne demandait qu'à être saisi. Ce jour là, ce n'était pas mon anniversaire, pourtant un « jeu-ne-sais quoi » me tenta. Oubliant et refusant toute crainte, je mis le bandeau devant mes yeux. Le nouai. Le nouai ! Pourquoi ?!? Je n'avais pas envie d'entendre un ignoble « Surpriiise ! », mais voici ce qui arriva, lorsque que je m'approchai à tâtons.

Une main toucha la mienne. Je sursautai tout de même. Il y avait bien quelqu'un assis sur mon lit. Ce fut une caresse qui descendit jusqu'au bout de mes ongles. Mais elle ne m'entraîna pas. J'ôtai alors rapidement le bandeau, je voulais comprendre. Mais la lumière n'était plus. A priori, cette personne ne désirait pas être vue.

Puis le grincement de mon lit. Ce quelqu'un s'allongeait. Dans la pénombre, mes yeux s'habituèrent peu à peu à distinguer quelques formes. Je m'approchai, puis m'agenouillai. Du plat de la main, je voulais découvrir ce corps. Des cheveux étaient coupés courts, le visage avait tout de celui d'un homme, une barbe taillée de la veille sur ses joues, piquait. Ses bras étaient apparemment croisés derrière sa tête. Plus bas, aucune poitrine de femme, mais une chemise ouverte. Mes doigts tremblèrent un instant à sentir une peau si douce, un parfum masculin. « Il faut s'enhardir, profiter… » me dis-je, alors. Vu qu'il ne bronchait pas, je descendis entre ses jambes. Je savais qu'il ne dormait pas, vue sa respiration irrégulière. Son sexe, sous un short, ne bandait en aucune façon. Il ne disait toujours rien et je me demandai, alors, pourquoi il était là, couché sans ouvrir la bouche.

L'envie de l'approcher me tenta immédiatement. Ce que je fis en venant m'allonger de l'autre côté du lit. Les mains croisées sous sa tête, j'avais le sentiment qu'il attendait. M'attendait. Je devais faire quoi ? Eh bien… Ce que mon envie m'ordonna. Je déboutonnai lentement ma chemise. Je le sentis à cet instant se tourner vers moi. Que pouvait-il bien voir de ma peau qui se dénudait petit à petit ?

- « Allume la lumière, si tu le désires. Puis allume-moi… ». Ce qu'il ne tenta même pas de faire.

- « Retire ma culotte, tu auras ce que tu voudras… ». Je murmurai ces mots pour qu'il vienne à moi. Cependant, je restai un moment interdite. En fait, il ne voulait absolument rien, n'avait rien proposé, ni exigé. Je me rendis compte qu'en fait, je me montais la tête, seule, depuis qu'il s'était tourné pour me… Mais enfin parvenait-il à me voir ?

Ma culotte était maintenant humide. Du bout du doigt, je touchai l'intérieur de mes lèvres pour juger de mon excitation. Je n'en pouvais plus, alors je chevauchai immédiatement son corps, j'avais faim désormais, de lui. De qui ?

- « S'il te plaît, fais-moi plaisir, ôte-là. Viens vers moi, qui que tu sois, caresse-moi et pénètre-moi ! ». Surprise, soudainement, je le sentis brutalement arracher le slip fin en dentelle qui protégeait mes fesses. Il leva le haut de son corps pour défaire mon soutien-gorge, tout aussi vite. J'avais le souffle coupé. Puis, doucement d'abord et de plus en plus fort, il massa de sa main l'intérieur de mes cuisses. Elle était chaude, si chaude ! Puis, ses doigts se crispèrent. Il entra en moi avec chacun d'entre eux, à leur rythme. Ma respiration prenait le ton de sa petite composition. J'ondulais sans vraiment me rendre compte. Il semblait très bien savoir ce qu'il faisait, connaissait des gestes et positions qui me donnaient le meilleur des plaisirs. Était-ce un ancien amant ? C'était comme si j'avais déjà touché ce corps. Il ne me semblait pas inconnu. Je pensais à quelqu'un en particulier, mais son tempérament semblait différent de cet autre homme. Lui était plus direct, se mouvait en gestes amples et sûrs, mais il restait silencieux, n'attendait rien d'autre de l'excitation d'une femme. Mains croisé sous sa tête, toujours.

- « Embrasse-moi… ». Alors il offrait sa bouche.

- « Fais-moi l'amour, maintenant… ». Alors il entrait en vous, ne tenant plus son érection qu'il frustrait, attendant votre mot « Maintenant ».

Notre étreinte avait duré le temps d'une nuit éphémère. Mon plaisir avait été fort, marquant, mais surtout, je n'arrivais pas à comprendre comment il avait fait pour entrer chez moi. Je n'avais qu'une envie, après cette nuit. Le revoir.

« Je ne t'imposerai qu'une dernière rencontre et je te laisserai partir, qui que tu puisses être ». J'avais laissé ce carton en évidence sur le rebord de ma fenêtre, seul endroit par lequel il avait été en mesure de pénétrer chez moi, forcément (non?).

 

De longs mois étaient passés, je n'attendais plus. A la longue, je m'étais dit que cette étonnante rencontre ne pouvait qu'être unique et avec du recul, plutôt drôle et originale. Cela s'était passé, tant mieux. Il ne reviendrait plus. Et puis…

 

Hier, alors que je sombrais petit à petit dans les bras de Morphée, une silhouette massive se colla à mon dos. Je ne rêvais pas. Contre toute attente, il était réapparu. La température de son corps avait ce je ne sais quoi de tiède. Il ne transpirait pas, et sa peau dégageait une douceur irréelle, malgré la chaleur de cette nuit. Je le reconnus immédiatement à sa façon de rester immobile, alerte et paradoxalement l'air décontracté. Je me tournai alors lentement et murmurai, comme la dernière fois :

- « Embrasse-moi… ». Je venais alors à lui à sa place. Forcément, il ne bougerait pas, j'en étais certaine. Pourtant, cette fois, toujours dans l'obscurité de la pièce, il tendit sa langue dans ma bouche. Je la cherchai de la mienne, sans vraiment savoir la posséder. Puis, tremblant un peu, il croqua doucement ma lèvre inférieure. Sentiment bizarre. Ses baisers, de plus en plus forts, le faisaient respirer comme… comme si cela… lui plaisait. Peut-être. Ils mouillaient ma peau, de mon cou jusqu'à mon oreille, et soudain, il en happa le lobe. Il me léchait les joues. C'était à la fois tendre et espiègle. Ces chatouilles semblaient l'exciter, car j'entendais maintenant des soupirs d'aise dans ma nuque. Il balaya mes cheveux de sa main, sourit un peu. Et j'entendis sa voix pour la toute première fois. Chantante en début de phrase, monocorde en sa fin. Elle avait un ton moins grave que je ne me l'étais imaginée.

Mais surtout, j'avais le sentiment qu'il avait désormais envie de moi.

- « C'est un lit bien petit, il faudrait de ce fait que nous le partagions différemment… Tu crois pas ? ». Je redevins alors Andromaque pour son plaisir. C'est lui qui chercha à frotter son sexe au mien. L'un se tendit, l'autre s'ouvrit. Du plaisir. Il soupira mon nom.

Moi, je ne connais toujours pas le sien. Véritablement.

  • Très belle petite nouvelle fort bien contée. Je vous souhaite de retrouver cet amant sans nom très vite!

    · Il y a presque 7 ans ·
    Cavalier

    menestrel75

    • Merci Ménestrel, vos encouragements sont toujours les bienvenus

      · Il y a presque 7 ans ·
      49967 4832e34b8ef74d58bc32

      bartleby

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