Mon Grand frère.

chachalou

Tu es parti avant de m'avoir rencontré.

Si tu lis ce texte, mon frère, saches que ce n'est pas prévu. Parce qu'ici, j'ai envie de me lâcher, parler vraiment de notre lien et de mon manque, et pas te faire des belles phrases parce qu'on m'a collé une étiquette sur la tête "femme qui sait écrire et conter des récits d'aventures ou des romans". 

J'ai envie de te dire que t'es parti avant même de m'avoir vue, que tu m'as jugée avant même de m'avoir parlé et qu'en vérité, tu m'as critiqué avant d'entendre le son de ma voix. Ma tête, au final, au départ déjà ne te revenait pas. Cheveux blonds, bouclés, yeux bleus gris clairs et perçants. La tête de ton père, ne le nie pas. Une tête que tout les jours je dois porter. Un caractère héréditaire et merdique, que chaque matin je dois assumer. Une vie pas parfaite et loin de tes Gloires à toi, que sans cesse, je me dois d'honorer.  Alors, oui, tu me manques c'est sûrement la Vérité. Alors, oui, je repasse en boucle tout ce que l'on n'a pas partagé. Et surtout, je revis Ces frayeurs et mes larmes coulent, lorsque dans le soir tard, j'en ai la chaire de poule. 

Cet accident de voiture un soir d'hiver 2014 m'a réveillée en pleine nuit, n'arrivant plus à respirer, à parler, à penser, tremblante et choquée de la tête aux pieds. Un vide qui m'assaille, un Noir mode "monochrome" qui me tient et Ta vie qui ne passait même pas devant toi, à toutes ces périodes de vie, comme le prétendent les "on dit". On dit que l'on revoit son enfance par flashs, son évolution par détresse et les bons moments pour être accueillit au Paradis. J'n'ai rien vu, mec dans cet instant d'horreur où mon inconscient savait que t'étais allongé quasi mort dans un lit d'hôpital. Je n'ai que ressenti des cris gueulés et silencieusement cadenassés au fond d'un être prisonnier et qui définitivement, ne voulait pas crever. C'était l'enfant vivant qui hurlait. L'adolescent vengeur qui s'exprimait. Et l'Adulte raisonné et patient, qui reprenait le dessus. C'était ma chaire, c'était mon sang. C'était ta petite soeur, tout simplement. 

Une petite soeur que tu ne connaissais nul part ailleurs qu'au fond de ton âme. Une gamine dont tu savais l'existence sans dire de te l'avouer. J'étais là dans tes pas, suivant tes routes et tes chemins tracés. J'étais derrière ton corps chaque seconde pour te supporter. Je croyais en cette chose plus forte que tout, en mon coeur qui criait à ta perte et en mes mots de marmots, ceux qui te réclamaient déjà au devant des adultes, affirmant à tous et à toutes que si, tu existais : j'avais un Grand frère. 

Gamine têtue tu sais, je suis et j'ai toujours été. Forte tête et contemplative, passant des heures à regarder les oiseaux voler par la fenêtre et dans ses rêves lorsqu'on lui parle, je ne changerai jamais. Sous mes paupières fermées, gamine d'à peine cinq, six ans, plus tard dix ou douze, mais c'était l'Afrique du Sud que je voyais ou le Mozambique ! Souvent l'île Maé, autour d'un petit gamin que je baptisai de milles noms, milles prénoms mais qui ne changeait jamais, dans le fond. Il était brun, aux yeux verts, avec un caractère de chien et faisait constamment le malin. Toi, mon frère, au commencement de ta carrière. Sous mes paupières, c'était les virages qui me happaient le soir tard, dans des sensations de vitesse, d'intérieur et de bascule. Toi, mon frère. Et tes motos trop chéries. Sous mes paupières, c'était un Génie adorable qui se perdait en pensées tendres pour exaucer l'ensemble de mes voeux. Et sous mes paupières, c'était la joie, loin de mon quotidien et de ma vie à moi. Ma joie qui portait mes rires d'enfants au berceau et même en grandissant. Ma joie qui décuplait mon énergie au commencement et même après. Ma joie à moi c'était ta joie à toi. Mes rires à moi c'étaient tes rires à toi. Ma vie au final, était aussi solidement attachée à la tienne que l'inverse. Et depuis, non, mon frère que j'aime, rien n'a changé...

Je t'ai vu en face et mon coeur à reconnu ton âme. Je t'ai vu en face et mes yeux se sont perdus dans les tiens. Je t'ai approché sans même oser dire un seul mot, ni te toucher, ni te prendre dans mes bras. J'étais apaisée. J'étais complète. J'étais enfin Moi. Moi, aux côtés de mon modèle d'enfance parfait, gamin ambitieux. T'étais ce manque à combler. Tu étais la transparence et la lucidité. Le génie. Le Motard. L'aventurier. Et le frère tant de fois cherché...

Et les années dans l'absence ont passés et les heures en silence ont coulé et les horloges comptent les secondes mieux que nous désormais. Parce que l'on ne pourra jamais rien rattraper. Jamais rien réparer. Jamais remonter le temps et grandir tout deux du même côté de la Mer, dans le même quartier en France, passant aux mêmes endroits et nous tenant la main, comme des frères et soeurs normaux. Le temps est mort mais trop vivant. Il nous a laissé tout deux sur la chaussée pendant qu'il poursuivait son chemin... Alors, dis-moi, honnêtement. 

Pourquoi je suis perdue sans toi et toi, tu ne l'es pas ?


Signaler ce texte