Mon stage de clown

Mon stage de clown

Depuis le temps que j'en rêvais, je m'étais enfin inscrit à ce stage de Clown-thérapie, animé par Julia Von Himmler.

Sur son prospectus, Julia Von Himmler s'appelait : « le Clown Pimprenelle ».

C'était plus rassurant tout de suite...

Parce que le « clown Himmler », ça ne l'aurait pas vraiment fait... 

Le stage se déroulait sur 8 jours, il n'était pas cher, 1792,33 euros, petits-déjeuners inclus. Et en plus, ce qui ne gâchait rien, il se passait dans un magnifique mas provençal rénové aux alentours de St-Pence de Vaul...

J'envoyais le soir même mon inscription.

Je fis un bref calcul, 1792 (laissons tomber les 33 centimes), multiplié par huit, ça faisait, 14336 euros !

Oui, j'ai oublié de vous dire que c'était 1792,33 euros par jour...

C'était dans mes cordes vu que je venais d'hériter d'un riche oncle industriel qui avait fait fortune dans la fabrication de cuillères à soupes pour manchots.

J'arrivais à Saint-Pence de Vaul un lundi matin. Julia Von Himmler m'accueillit en personne à la gare, vêtue de cuissardes noires, d'une courte veste en cuir noir aussi, et elle tenait une cravache à la main.

Je lui demandais : « à quoi ça sert la cravache ? »

« Fou le découvrirez pientôt, suiffez-moi ! » (elle avait un fort accent autrichien).

Je précise que « suiffez-moi » ça veut dire (en autrichien) suivez-moi !

(Je parle couramment l'autrichien ayant fait un séjour au Tyrol en sanatorium lorsque j'avais neuf ans...).

Le centre de clown-thérapie est situé dans un endroit presque idyllique de l'arrière-pays. Je dis presque, parce que de prime abord les miradors et les barbelés qui entourent la villa sont un peu impressionnants...

Le portail aussi, avec ses deux énormes piliers et au-dessus une inscription : «  Etre clown rend libre ! »

J'entrais dans la cour à la suite de Julia Von Himmler... pardon, du clown Pimprenelle...

Il y avait déjà de nombreux participants qui étaient arrivés avant moi à ce stage de clown-thérapie. Mais ils étaient tout tristes, dans leurs pyjamas rayés... On leur avait mis des nez de clowns mais ça ne semblait pas les réjouir... Visiblement ils avaient bien besoin de rigoler un peu tous ces gens...

Je m'apprêtais à saluer la compagnie lorsque Julia m'ordonna d'un ton sec et glaçant : « Déshapiller fou ! » (ça veut dire « déshabiller vous en autrichien, je vais arrêtez de traduire parce que ça va devenir lassant...).

Je demandais à Julia, enfin à Pimprenelle : « Mais pourquoi donc dois-je me déshabiller, et comme ça, devant tout le monde, dans cette cour ? »

«  Pas de question, c'est un ordre, exécution ! »

Je tentais d'opposer de la résistance, mais deux clowns me saisirent et me forcèrent à me dévêtir. L'on me mis de force une tenue rayée et un nez de clown...

Je rejoignis le troupeau résigné des autres clowns qui attendaient dans la cour...

J'étais en train de me demander si je n'avais pas fais une erreur en m'inscrivant à ce stage...

Je ne vais pas tout vous raconter, mais ce fut très intensif...

Vraiment un drôle de cirque!

Le matin nous étions réveillés à six heures, et obligés d'attendre pendant des heures dans la cour, dans un froid glacial.

Ensuite commençait l'entrainement de clown. Toute la matinée on apprenait à lancer des tartes à la crème ou à en recevoir... (mais avec interdiction formelle de lécher la crème...)...

Entre détenus, pardon, entre stagiaires nous nous demandions ce que nous faisions là, on avait rien de fait de mal pourtant...

Durant huit jours ce ne furent que brimades et humiliations.

On nous faisait tomber exprès avec des croches-pieds...

Lorsqu'on voulait s'asseoir, on retirait brusquement nos chaises...

L'on nous aspergeait d'eau froide, nous recevions régulièrement des coups de marteaux en caoutchouc sur la tête...

Parfois, il y avait les enfants de nos gardiens, pardon, de nos animateurs, qui venaient se moquer de nous...

Nos gardiens étaient vétus de blanc et portaient un chapeau plus ou moins conique...

Nous apprîmes très vite que c'étaient des « clowns blancs » et que nous nous étions des « Augustes ».

Nous apprîmes aussi que les clowns blancs étaient une race supérieure aux Augustes et étaient destinés à les dominer. Nous n'étions que des misérables ploucs d'Auguste incultes, souffres-douleurs éternels des clowns blancs...

Nous n'étions là que pour servir nos maîtres et obéir aveuglément aux clowns blancs...

Et Julia Von Himmler pardon, Pimprenelle y veillait férocement, avec sa cravache à la main...

Inutile de vous dire, que très vite nous apprîmes à ruser, à dissimuler, à jouer bien des tours aux clowns blancs et à leur faire un tas de farces qui les faisaient enrager...

Bon, enfin heureusement, nous fumes délivrés au bout de huit jours, les américains ayant débarqués en Provence...

J'aurai préféré que ce soient par les russes (blancs) mais on choisit pas toujours dans la vie...