Monsieur Blanc, Monsieur Noir et le Soleil

Il était une fois deux voisins qui habitaient l'un à côté de l'autre. L'un était tout blanc, il s'appelait monsieur Blanc. L'autre était tout noir, il s'appelait monsieur Noir. Le matin, le soleil était chez monsieur Blanc. Le soir, il était chez monsieur Noir. La nuit, il n'était nulle part.

Un soir, monsieur Blanc dit à monsieur Noir:

- Vous m'avez volé le soleil, cher voisin!

- Mais enfin, cher voisin, répondit monsieur Noir, le soleil est à tout le monde!

- Qu'à cela ne tienne, cher voisin! dit monsieur Blanc.

Le lendemain matin, monsieur Blanc se souvint que quand il était petit, il jouait souvent aux cow-boys. D'un coup de lasso bien ajusté, il attrapa le soleil et il l'attacha à un piquet planté dans son jardin.

- Qu'à cela ne tienne, cher voisin! dit monsieur Noir.

Monsieur Noir se souvint que quand il était petit, il jouait souvent aux indiens. D'un coup de flèche bien ajusté, il trancha la corde qui retenait le soleil prisonnier. Et le soir, le soleil était chez monsieur Noir.

- Qu'à cela ne tienne, cher voisin! dit monsieur Blanc.

Le lendemain matin, monsieur Blanc attacha le soleil avec une grosse chaîne en acier inoxydable à un boulet, lui aussi en acier inoxydable, posé dans son jardin.

- Qu'à cela ne tienne, cher voisin! dit monsieur Noir.

Monsieur Noir installa dans son jardin un gros aimant électrique qui attira chez lui le gros boulet en acier inoxydable. Et le soir, le soleil était chez monsieur Noir.

- Qu'à cela ne tienne, cher voisin! dit monsieur Blanc.

Le lendemain matin, monsieur Noir fut surpris de voir monsieur Blanc construire un mur entre les deux propriétés.

- Que faites-vous donc là, cher voisin? demanda monsieur Noir.

Monsieur Blanc se contenta de sourire, et il se remit au travail. À la fin de la matinée, le mur était si haut, si haut, qu'il coupait la course du soleil. Alors, monsieur Blanc se pencha par dessus le mur et il dit à monsieur Noir:

- Cher voisin, vous apprendrez à vos dépens que le soleil m'appartient, et à moi seul!

Et il posa la dernière brique. Le soleil, prisonnier chez monsieur Blanc, ne pourrait plus jamais aller chez monsieur Noir. Chez monsieur Noir, ce fut la NUIT.

Chez monsieur Blanc, ce fut l'été toute la journée. Allongé dans une chaise longue, monsieur Blanc bronzait à vue d'œil. Le soir, cependant, il eut soif.

- Qu'à cela ne tienne, dit monsieur Blanc, je vais chercher à la maison un jus de citron.

Mais à peine fut-il ressorti de la maison que son jus de citron s'évapora.

- Qu'à cela ne tienne, dit monsieur Blanc, l'eau de mon puits va me rafraîchir le gosier.

Mais à peine en eut-il tiré un seau que l'eau du puits s'évapora. Monsieur Blanc devint cramoisi.

- J'ai chaud! J'ai soif! hurla monsieur Blanc en se roulant par terre.

Heureusement pour lui, les murs ont des oreilles! En effet, de l'autre côté du mur, monsieur Noir avait tout entendu.

- Mon voisin est en danger! se dit monsieur Noir.

Sans perdre une minute, il creusa un tunnel pour aller chez monsieur Blanc. Une fois que ce fut fait, il courut chez lui avec une lampe électrique et il ouvrit le frigidaire. Il mit des glaçons dans les poches de son pantalon, dans les poches de son veston, et même dans son chapeau. Puis il retourna près de monsieur Blanc qui s'était évanoui pour le rafraîchir.

Quand il se réveilla, monsieur Blanc fut surpris de voir monsieur Noir monter le long d'une échelle posée contre le mur et en descendre les bras chargés de briques.

- Que faites-vous donc là, cher voisin? demanda monsieur Blanc.

- Cher voisin, je pense que la leçon vous aura été profitable, et je démolis en ce moment ce mur de la honte qui nous sépare.

- Je pense que vous avez tout à fait raison, cher voisin, mais laissez-moi ajouter ceci: c'est qu'à deux, nous irions plus vite.

Ils travaillèrent tant que le soir, ils eurent fini. Depuis ce jour, plus aucune barrière ne sépare les deux voisins. L'un est chez l'autre, et l'autre est chez l'un. N'était-ce pas là la meilleure façon d'avoir le soleil toute la journée?