Monsieur-tout-le-monde

compteclos

Je m'appelle Richard Durand. Ma vie est la meilleure des routines. Métro, boulot, dodo, me direz-vous. C'est la loi de notre société paraît-il. J'ai toujours gardé, enfoui, mon rêve de gosse. Un tour du monde en voilier. La vie rêvée, n'est-ce pas ? Mais je ne suis que maçon, et que voulez-vous qu'un maçon foute sur un voilier ? Moi qui confond encore ma droite et ma gauche..

Je ne suis qu'un humain ordinaire, un humain de plus ne sachant pas quoi faire de ses dix doigts pour étayer sa vie morose.

Je m'appelle Richard Durand. Je bosse en permanence ( pratiquement) et sur des chantiers de plus en plus éloignés de ma famille J'ai deux enfants. Un garçon et une fille. Le choix du Roi. Mais ils ont tout des traits anodins. Notre famille est une famille-tout-le-monde. Beaucoup s'en contentent. Mais, je rêve d'un ailleurs, d'une vie rythmée par le clapotis des vagues et non plus par la chaleur suffocante du four ou par la lumière du micro-ondes lorsqu'il tourne. Une vie loin des brouettes et des outils de chantier qui cassent mes rêves et le béton. Ma femme s'appelle Isabelle. Mon fils Jean, et ma fille, Camille. Trop de «  normalités » dans cette famille où la vie se laisse couler, paisiblement.

Tous les jours, je me lève pour faire un métier qui me donne des nausées, tous les soirs, je rentre en serrant ma femme contre moi, par habitude. Où est donc passé l'amour ? Où est donc passé la vie ?

Je ne ressens plus rien, le vide, le néant, la certitude que tous les jours se ressemblent et qui rien ne différera de la veille. Et, ces jours monotones me tuent à petit feu. Parfois, quelques dimanches, je vais à la chasse, mais mes prises devenues rancunières ne me faisaient plus aucun effet.


Il est 3 heures du matin. J'ai les yeux grands ouverts mais le regard éteint. Je ne dors pas, je ne dors plus. Foutu insomnies qui saccadent mes nuits blanches. Une idée traversa mon cerveau étroit. Je me lève, impulsivement,me rend dans le garage,machinalement. Mon fusil est là, c'est comme s'il m'appelait. Je le prends, le charge, m'avance sûrement vers la chambre de Jean, ouvre la porte délicatement et tire. Je suis un très bon chasseur, je ne rate jamais ma proie. Je fais de même avec Camille et ma femme, en quelques secondes, car, la rapidité est un de mes principaux atouts. Elles ont à peine eu le temps de se réveiller que leurs âmes étaient déjà parties rejoindre les astres.


Je compris ce que je venais de faire. Cela n'était pas possible.. Je jette un œil sur mon chargeur. Une balle. Il reste une balle. Je pointe l'arme sur ma tempe, les larmes le long des joues.



Je me sens partir.

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