New-York, New-York

Damien Nivelet

https://www.youtube.com/watch?v=EsHSTEQD0Zk

La traversée avait duré un millier d'années, il me semblait. J'étais crachoteux, pustuleux, fiévreux à vrai dire... Malade des remous d'une mer hostile, j'avais passé cette croisière enfermé dans ma cabine... "Dommage", déblatéraient mes compagnons de voyage.
J'avais pourtant prévu cette excursion depuis un certain temps, je l'avais attendue avec une impatience vigoureuse. Mais... Je ne supporte décidément pas ces secousses, ce tangage  qui me font l'effet d'un séisme dans la cervelle... Combien sur l'échelle de Richter? Au moins onze sur dix, au bas mot. C'est dire...
J'étais parti du port du Havre, direction les États-Unis. Traversée de sa seigneurie l'Atlantique sur un paquebot grand luxe. Je venais d'hériter d'un confortable matelas de billets verts suite au décès de ma tante qui, contrairement à moi, avait travaillé pour réussir. J'étais le bon à rien de la famille, le raté, le marginal. J'avais survécu jusque-là en magouillant un peu, jouant beaucoup aux courses et autres loteries. J'aimais beaucoup ma tante qui me traitait avec bienveillance malgré mes défauts rédhibitoires (surtout mon poil dans la main). Je n'imaginais pas être sur son testament, elle n'avait certes pas d'enfant, mais de là à faire de moi son unique héritier, il y avait de la marge... Et pourtant!
Les jaloux ne manquaient pas forcément... Pour les faire baver un peu, je m'étais décidé à partir en voyage... Il y en avait un surtout que je voulais voir enrager, c'était le gigolo de ma tante. Il avait espéré bénéficier du fruit de son "labeur" et c'était moi qui ramassait la mise.
Il m'aurait fait assassiner s'il avait pu, celui-là...
Arrivé tant mal que mal sur le sol américain, je me décidais à profiter, ma nausée disparaissant. La traversée avait été longue. Depuis le temps que je rêvais de voir New-York, ce paradis capitaliste !
Et à moi les ballades sur les grandes artères de la ville, les clubs, les grandes tours. Je prévoyais la totale !
Je remplissais les formulaires d'entrée sur le territoire, dont une déclaration comme quoi je ne projetais pas d'assassiner le président... Quelle drôle d'idée ! Il était déjà en état de mort cérébrale le garçon...
Je me rendais à l'Empire State Building. Que c'était beau ! J'aurais voulu être King Kong pour grimper cet établissement avec dextérité... Mais je dûs me contenter de l'ascenseur... C'était gigantesque. Tout paraissait petit vu d'en haut. Les grosses limousines semblaient être des jouets et les gens des fourmis. Incroyable !
Redescendu, j'étais éberlué par tout ce gigantisme... Trop, peut-être !
J'allais boire un verre dans un bar, juste après. Pour me remettre de mes émotions. Et là... Je vis débarquer une superbe brune, belle, trop belle pour moi. Elle me fît un grand sourire en arrivant. Que je lui rendis bien timidement... J'étais tellement habitué à être un perdant dans le domaine de la séduction que je ne songeais même pas à l'approcher... C'est elle qui fît le premier pas.... Me demandant si je ne voulais pas lui payer un verre. Bafouillant dans mon anglais de base, j'acceptais volontiers la proposition, surpris que j'étais ! Elle s'appellait Amy et travaillait à côté. Elle avait fini sa journée et venait ici pour se détendre. Je lui racontais un peu ma vie. Mon accent frenchie avait l'air de l'amuser. Tant mieux !
Elle aimait le jazz, ça tombait bien, moi aussi ! Nous accrochions sur cette conversation, parlant de musique. Elle s'y connaissait vraiment, plus que moi à vrai dire. Nous parlions de nos musiciens préférés, moi c'était John Coltrane ("my favorite things"), elle plutôt Keith Jarrett.
Par la magie des smartphones, nous nous échangions nos facebook et adresses mail. Nous promettant de rediscuter... Elle devait y aller, je devais me rendre à mon hôtel...
Une rencontre qui changerait peut-être le cours de ma vie... Une histoire possible, comme beaucoup d'autres à New-York...
Je la recontactais le soir même, elle me répondit assez rapidement. I was a very nice guy selon elle. Elle me proposa d'aller dans un club de jazz qu'elle connaissait, rendez-vous vers 20h00. Je pris un taxi pour m'y rendre. Elle m'attendait devant. Elle était souriante, pleine de vie, et m'entraîna dans le club. Un pianiste jouait des airs classiques, mais beaux comme des diamants. Je me laissais griser par la musique et par la beauté d'Amy... Nous rions aux éclats de mon accent à couper au couteau, tout en sirotant quelques verres. Du whisky pour moi, du martini pour elle... Cette femme me plaisait vraiment énormément. Était-elle libre? Nous n'avions pas abordé ce sujet... Sans même poser la question, j'eus une réponse. Elle finit par m'embrasser chastement sur la bouche... J'étais aux anges... I woke up in the city which doesn't sleep....

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