Nobody Knows - Les Beaux Yeux Clos de Sui- Chapitre Dix-huitième

Juliet

-C'est de ton ombre que tu as peur ?

Kisaki a tressauté au son de la voix familière et lorsqu'il s'est retourné, il a vu exactement comme il s'y attendait le visage de Masashi qui l'affublait de ce sourire légèrement moqueur.
-Je n'ai pas peur de mon ombre, a marmonné l'adolescent qui cacha sa honte derrière le masque crispé de la colère.
-Tu n'avais de cesse de regarder tout autour de toi comme si tu t'attendais à ce que quelqu'un te saute dessus.
-Cela fait près d'une heure que j'attends devant votre maison, Monsieur. Comme vos volets sont fermés, je ne savais pas si vous étiez là ou non, j'avais peur que vous dormiez, alors je n'osais pas venir prendre le risque de vous réveiller et aussi, j'avais peur que vous soyez simplement absent, c'est pourquoi je regardais tout autour de moi dans la crainte de vous voir arriver. Si mon ombre, c'est vous, Monsieur, alors oui, j'ai peur de mon ombre.
-Que je ne dorme ? a ri Masashi d'un ton allègre. Il n'est que huit heures du soir, et si tu craignais de me voir, Kisaki, alors pourquoi es-tu venu jusqu'à chez moi ?
-Non, je n'avais pas peur de vous voir.
Masashi avait laissé tomber son insouciance pour retrouver toute sa gravité quand il a vu, dans le regard du garçon, ce qui semblait être le regret et l'angoisse de s'être rendu jusqu'ici.
-Kisaki ?
-J'avais peur que vous, vous me voyiez.

Cette phrase a semblé déstabiliser Masashi qui s'est contenté de river fixement ses yeux sur les volets clos de sa maison, pensif. Kisaki était-il donc pendant une heure entière demeuré immobile au milieu de la rue dans l'espoir de discerner le moindre signe de vie venant de cette maison ? À cette idée, le cœur de Masashi s'est perdu dans le triste mélange de la culpabilité et de l'angoisse, et c'est non sans contrition qu'il a forcé le jeune homme à soutenir son regard en passant sa main sous son menton.
-Ton père va s'inquiéter, Kisaki. Tu devrais rentrer chez toi.
-Ne touchez pas mon visage.

Il l'a repoussé violemment mais il a aussitôt semblé regretter ce geste, craignant peut-être avoir attisé la colère de Masashi qui demeurait inerte.
-C'est mon père, a marmonné Kisaki comme en guise d'excuse. Qu'est-ce qui lui prend, dites ? Depuis hier, il n'arrête pas de toucher mon visage comme si j'étais une peluche à caresser, à quoi est-ce qu'il pense ? Il prétend essayer d'imaginer à quoi je ressemble aujourd'hui, mais est-ce qu'il m'aimera plus s'il le sait ? C'est stupide... Cet homme est aveugle, et ce ne sont pas avec des impressions que l'on détermine une réalité. À quoi je ressemble maintenant, à quoi je ressemblerai dans dix ans... il ne le saura jamais, vous savez. Pourtant, cet imbécile se focalise sur cela comme si la connaissance de mon apparence pouvait être la clé d'une relation paisible entre nous. Mais dites-moi, Masashi, ne pensez-vous pas que l'âme d'une personne est bien plus importante que son apparence ? Moi... je pense que traiter et juger une personne selon son apparence, c'est la traiter comme si elle était un objet sans âme.
-Donc, tu penses que ton père... que ton oncle te voit de cette manière ?


Kisaki n'a pas répondu. Étouffant un faux bâillement comme pour justifier de son silence, il est juste resté immobile durant plusieurs secondes, les yeux dans le vague, avant de se mettre à marcher d'un pas presque mécanique vers cette maison qu'il convoitait depuis, lui semblait-il, trop longtemps déjà.
-Où est-ce que tu vas ? intervint Masashi en se précipitant vers le jeune homme.
-Eh bien, l'on rentre chez vous, non ?
-Chez moi ? Attends, Kisaki, tu ne peux pas rentrer chez moi comme ça !
-Alors, vous êtes marié ? a interrogé l'adolescent comme il s'est brusquement figé, pesant ses grands yeux inquisiteurs sur Masashi.
Il y avait dans cette indiscrétion comme un besoin vital de se faire remarquer.
-Non, a-t-il balbutié maladroitement. Il n'empêche qu'en ce moment-même, ton père doit ignorer où tu te trouves et doit se faire un grand souci à ton sujet.
-Oh, non, vous savez, il sait parfaitement où je suis allé, d'ailleurs, vous n'aurez qu'à l'appeler pour vous en assurer.
-Tu dis cela pour que je te laisse rentrer, mais tu ne me feras pas croire que ton père te laisserait faire une chose pareille.
-De quoi avez-vous peur, à la fin ? Vous pensez que je suis un criminel qui cherche à vous cambrioler ? Pourquoi vous ne me dites pas plutôt clairement que vous ne voulez pas de moi ?
-Ce n'est pas « toi » en tant que personne que je ne veux pas, c'est toi en tant qu'élève mineur que je ne veux pas voir chez moi, rétorqua Masashi non sans âpreté.
-Encore et toujours cette morale d'église, a commenté Kisaki non sans rancune. Décidément, vous êtes exactement comme Yuki.
-Ne me compare pas à Yuki, espèce d'arrogant. C'est bien parce que je ne lui ressemble pas que je refuse de faire comme lui en faisant venir des élèves chez moi.
-Yuki a fait venir un élève chez lui ?

Bien sûr, il s'était attendu à ce que Masashi s'abstienne de répondre mais dans sa détermination, le jeune homme s'est approché de lui, défiant.
-Il s'agit de Terukichi, n'est-ce pas ?
Il y avait cette colère retenue dans la voix de Kisaki qui intimidait presque Masashi qui s'est alors muré dans le silence, ne faisant que raffermir les doutes de son interlocuteur.
-Je le savais, a-t-il craché avec mépris. Ce gars-là... il est si méprisant envers chacun et aussi envers Yuki pourtant, il coïte avec lui.
-Tu n'as pas pensé que si Terukichi se montre méprisant, c'est peut-être parce qu'il a de quoi mépriser Yuki ?
-Alors, vous croyez vraiment qu'il s'est passé quelque chose ?
-Je ne sais pas.
-Si vous soupçonnez qu'il se soit passé quelque chose, Masashi, alors pourquoi est-ce que vous n'agissez pas ?
-Parce que je ne sais pas, justement.
-Si vous avez un minimum de bonne conscience, vous ne pouvez décemment pas laisser Terukichi faire une chose pareille !
-Tu parles comme si ce devait être Terukichi, le responsable ! a explosé Masashi avec une violence telle que le garçon, dans un brusque mouvement de recul, faillit s'affaler en arrière. Mais si tu penses que Terukichi est le responsable si jamais il se passe quoi que ce soit entre eux alors, c'est aussi que tu penses que Sui était le responsable de ce qui s'est passé !
-Sui et Terukichi sont foncièrement différents ! s'est défendu le jeune homme qui semblait au bord des larmes. Sui... Il était amoureux de Yuki ! Mais lui, Terukichi... Il s'approche de Yuki comme un fauve déguisé en proie s'approcherait d'un agneau pour le piéger... Cela, je ne le laisserai pas faire.
-Il semblerait, jeune homme, que tu voies le bien là où est le mal et le mal là où est le bien.
La rancœur dans les yeux de Kisaki s'est diluée comme un voile de chagrin est venu se mêler à elle.
-D'une certaine manière, l'on dirait que tu ne peux pas pardonner à Terukichi ce que tu as pardonné à Sui.
-Mais je n'avais rien à pardonner à Sui, a articulé Kisaki d'une voix rauque, évitant du mieux qu'il le pouvait le regard pesant de l'homme.
-Rien ? Même pas, je suppose, le fait que Sui soit allé de l'avant tandis que toi, tu as dû garder tout ce temps secret l'amour que tu portes à Yuki.
 
 

 
 

Il n'a même pas songé à le lui demander comment est-ce qu'il savait. Sur le coup, Kisaki était trop obnubilé par sa honte que savoir comment est-ce que Masashi avait deviné n'avait aucune importance.
-Et dis, Kisaki, ce n'est pas que je ne t'aime pas, mais quand tu as besoin de réconfort, pourquoi est-ce que tu ne vas pas le voir lui plutôt que moi ?
-Parce que vous croyez que voir Yuki puisse me réconforter ?

« Mais, oui », a pensé Masashi avec détresse. « Avant toute la peine qui puisse en découler, voir la personne que tu aimes devrait te rendre heureux, non ? » C'était la certitude que Masashi avait et pourtant, le regard voilé de chagrin que leva timidement vers lui Kisaki lui fit réaliser que ses convictions étaient à l'antithèse de celles du garçon.
-Réfléchissez, Masashi. Ça vous ferait quoi, vous, si l'on mettait sous vos yeux un trésor que vous ne pourrez jamais avoir ?
C'était vrai, que ça pouvait faire souffrir. D'une certaine manière, Masashi le savait bien. Lui aussi, il connaissait la douleur d'admirer et d'aimer chaque jour ce qui ne pourrait jamais lui appartenir et malgré cela, il avait ce sentiment profond que tout aussi inaccessible soit-elle, aimer une personne ne pouvait qu'être quelque chose de bénéfique.
-Kisaki, moi, je pense que même s'il reste inaccessible, avoir un trésor sous ses yeux est quelque chose de fabuleux.
-Je ne comprends pas pourquoi, a rétorqué le garçon d'un ton las.
-Parce que voir un trésor, ça te donne au moins l'assurance que ce trésor-là existe, tu sais.

Après tout, s'est dit Kisaki, c'est comme se réfugier dans un rêve qui ne se réalisera jamais, mais un rêve qui perdure bel et bien.
-Moi, même si je ne peux pas les avoir, il me suffit de me dire qu'il existe en ce monde des choses si belles et si précieuses pour me donner l'envie de vivre.

D'une certaine manière, en entendant ces mots Kisaki s'était un peu plus rapproché de Masashi, pareil à un enfant qui vient chercher la protection de son père sans oser la réclamer. Peut-être qu'à ce moment-là, Masashi a vraiment regretté de ne pas être son père pour pouvoir prendre le jeune homme gracile dans ses bras, eux qui ne demandaient qu'à lui rendre cette sécurité qu'il semblait avoir perdue depuis si longtemps déjà. Mais c'était vrai, après tout, a tristement songé Masashi. Dans le fond, Kisaki était un véritable orphelin.
-Au final, c'est peut-être vivre aux crochets de quelqu'un d'autre qui est si triste. Parce que, Masashi, les personnes qui dépendent d'une autre, elles ne savent même pas vivre par et pour elles-mêmes.
-Tu as raison, Kisaki, il y a des personnes qui vivent à travers une autre.

C'est avec reconnaissance que Kisaki a levé les yeux vers Masashi, des yeux brillants de ce « merci » qu'il avait bien trop de peine à formuler. Un merci qui semblait peser lourd sur sa conscience, mais peut-être plus encore sur celle de Masashi qui ne voyait là nulle raison d'être remercié pour avoir simplement reconnu ce qui était à ses yeux une tragédie.
-Pourtant, il y a aussi des personnes qui vivent pour une autre.
-L'on pourrait croire, à vous entendre, que vous êtes de ces personnes-là, a tristement murmuré Kisaki. Pourtant Masashi, vous savez, pour moi, ces gens-là sont comme les princes des contes de fées ; ils ne sont que des légendes.
-Moi, je ne suis pas une légende.

« Alors, vous êtes un menteur ». Ce sont les mots qu'aurait voulu prononcer Kisaki mais quelque chose en lui l'en a empêché, comme si dans le fond il craignait que le menteur véritable ne soit autre que lui-même. La fatigue assaillait son esprit, car il lui semblait être resté debout et immobile durant une éternité, et rien ne lui importait à présent que l'idée de trouver le confort d'une maison où personne ne serait là pour toucher son visage.
-Tu sais, Kisaki, je viens de penser à une chose.

Il a relevé les yeux vers lui mais quelque chose dans son regard disait à Masashi que l'esprit de Kisaki vagabondait loin ailleurs, déconnecté de la réalité. Était-ce l'indifférence qui causait cette absence, ou bien une angoisse profonde qui, instinctivement, l'amenait à fuir ? Le jeune homme a reculé d'un pas quand Masashi en a effectué un vers lui, et c'est à la manière d'un père face à son enfant intimidé que Masashi s'est agenouillé face à lui, l'observant de ses grands yeux noirs teintés de bienveillance.
-Ton oncle, Kisaki, s'il voulait tant voir ton visage, dans le fond, c'est qu'il doit s'en souvenir.

-Et toi, Masahito, qu'est-ce que tu feras quand Sui se réveillera ?
Extirpé de la torpeur dans laquelle il s'était enlisé comme dans un sable mouvant, Maya a relevé les yeux, et dans ses iris se sont reflétées les lumières vacillantes des flammes du chandelier que l'on avait déposé au milieu de la table autour de laquelle ils étaient tous réunis, comme pour un rituel. L'atmosphère avait quelque chose de macabre et pourtant, l'obscurité et le silence qui régnaient étaient délicieusement sécurisants à Masahito qui prenait ce silence comme la chance à saisir de s'y confiner sans avoir à paraître suspect. C'était Aoi qui se trouvait en face de lui et compte tenu de l'insistance avec laquelle il le fixait, Maya a compris que c'était lui qui lui avait posé cette question.
-Je ne sais pas, a-t-il balbutié, déstabilisé. Dites, n'étions-nous pas cénsés nous raconter des histoires d'horreur ?
-Il faut croire que tu ne suivais vraiment pas le cours de la conversation, a rétorqué Aoi non sans un air de reproches.
-Je suis désolé, a gémi le garçon, mais moi, l'obscurité, ça m'apaise, alors...
-L'on doit répondre à toutes les questions que l'on se pose, l'a coupé sèchement son ami. Alors, Masahito, je te demande que feras-tu lorsque Sui se réveillera ?
-Mais que veux-tu que j'en sache, a soupiré Maya qui ne devinait que trop bien que la conversation tournait déjà sans doute depuis un bon moment autour de Sui. Si ça se trouve, il ne va pas se réveiller, alors, si jamais il se réveille, que veux-tu que je fasse à part être heureux ?
-Ce garçon n'a-t-il pas raison ? intervint alors Jui vers qui tous les regards se tournèrent, inquisiteurs. Si jamais Sui devait se réveiller, que croyez-vous devoir faire, si ce n'est laisser aller votre soulagement ? Voir que vous êtes heureux, c'est justement cela qui rendra Sui heureux à son tour, et lui montrer votre amour sera le meilleur accueil que vous pourriez lui faire alors. Non, vraiment, sérieusement, à part une telle évidence, que comptiez-vous faire si Sui se réveille ?
-Moi, je crois qu'il y aurait d'autres choses à faire.
À nouveau, toute l'attention s'est rivée sur Aoi qui, se sentant oppressé par tous ces regards inquisiteurs, échappa son esprit vers les flammèches dansantes du chandelier, et dans ses yeux sombres brillait cet éclat infime qui était comme la lumière tant espérée au bout d'un tunnel plongé dans les ténèbres.
-D'autres choses ? a répété Jui qui gardait un fond de rire dans sa voix comme s'il se retenait de laisser aller son hilarité face à tant de ridicule. Et quel genre de choses comptes-tu faire, Aoi ?
-Mais, des excuses.

 

Silence. Il avait répondu à Jui pourtant, c'était Masahito qu'Aoi regardait fixement comme il avait prononcé ces mots d'une voix qui semblait n'avoir pas plus de vie que Sui lui-même. Et derrière le front plissé par l'intrigue de Masahito, ses pensées se sont mises à tourbillonner dans une fièvre brûlante.
-Les remords n'existent pas, Aoi. Les remords sont le nom que l'on donne au regret qu'éprouve un criminel pour avoir été découvert. Ce regret vient juste du fait que le monde qui sait ce qu'il a fait le méprise et le hait, Aoi, cela vient seulement de là. Ce ne sont que des regrets égoïstes mais les remords, Aoi, tu y crois, toi ? Les remords ne sont que mensonges, les remords par définition signifient la présence d'une bonne conscience et de la douleur de faire le mal, pourtant Aoi, si la bonne conscience est là, en toi, alors c'est elle qui t'empêche de faire le mal, c'est elle qui t'en coupe l'envie, c'est elle qui en tue le moindre désir dans l'oeuf. Et c'est parce qu'elle fait tout ça, la bonne conscience, que si malgré tout tu fais le mal, alors cette bonne conscience n'a jamais existé, non, parce que la bonne conscience fait éprouver les remords avant même que le mal soit fait et ainsi donc entrave l'accomplissement du mal. Toi, si rien ne t'a empêché de faire le mal, alors c'est que tu n'as nulle bonne conscience, et que ton seul regret d'avoir fait le mal est la honte de toi-même qui en découle, et la peur des regards que l'on portera sur toi.
-Pourquoi est-ce que tu dis ça, Jui, comme si Aoi avait fait du mal à Sui ?


Il y avait ces larmes qui scintillaient dans les yeux d'Uruha, ces yeux fous d'inquiétude qui serraient de douleur le cœur d'Aoi comme il se sentait responsable de la confusion qui semblait les posséder tous alors.
-Joyama, a désespérément insisté Uruha en saisissant la main moite de son ami, ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ? Tu n'as rien à te faire pardonner auprès de Sui puisque tu ne lui as rien fait, pas vrai ?
-Oh mais, il faut croire à l'air dépité de Monsieur qu'il y a des choses que nous ne savons pas, a ironisé Jui qui assassinait de ce regard fusillant le pauvre Aoi raidi sur sa chaise.
-Ce n'est pas vrai, s'étranglait Uruha comme des sanglots resserraient sa gorge. Aoi, ce n'est pas vrai, dis-le leur, toi, il n'y a que toi qui peux le leur dire, il n'y a que toi qui le sais !
-Alors tu veux dire que toi aussi, tu penses que j'ai fait du mal à Sui ? s'est emporté Aoi qui repoussa le garçon avec violence.
-Non, se défendit Uruha sans conviction, mais il nous faut savoir, Joyama... Tu laisses ce sale arrogant insinuer des choses graves à ton encontre sans rien dire ! Comment veux-tu que l'on discerne le vrai du faux avec cela ?
-Et si l'on se souvient des cicatrices sur le corps de Sui qui ont tant chamboulé Masahito...

Chacun a rivé son regard sur Terukichi, lui qui, depuis le début, placé à l'extrémité de la table, n'avait soufflé mot si bien qu'ils en étaient presque venus, dans cette quasi-obscurité, à oublier sa présence. À la lueur du candélabre, le teint pâle d'Aoi a viré au blafard.
-Joyama... Tu ne l'as pas fait, n'est-ce pas ? fait une voix tremblante.
-Alors toi aussi, Masahito, tu vas m'accuser de l'avoir fait ?!
-Je ne t'accuse de rien, gémit Maya qui a l'impression de sentir à l'intérieur de son crâne brûler des charbons ardents, ou peut-être la braise insidieusement ravivée des cendres de souvenirs qui refaisaient lentement surface. Mais je ne sais rien, moi, Aoi, et c'est parce que je ne sais rien que je ne peux pas affirmer non plus que tu sois innocent, pas vrai ?
-Et à qui la faute, si tu ne sais rien ?

Une kyrielle d'anges est passée au-dessus de leurs têtes, imposant un silence presque cérémonieux et pourtant, plutôt que le Paradis, c'était à l'Enfer que l'atmosphère ressemblait, avec ses angoisses et ses doutes, ses suspicions et les menaces tacites qui en découlent, ses craintes et ses appréhensions, son amertume et sa colère réprimée, son hypocrisie et son voyeurisme.
Ils étaient tous là à se guetter, se sonder, s'accuser du regard comme des chiens de faïence, et peut-être que ce silence insoutenable aurait duré une éternité encore si Jui ne l'avait pas brisé avec le plus grand naturel qui soit :
-Ton verre de vin est vide, Masahito. Tiens, bois. Bois, Masahito.

« Bois, Masahito. »

Maya a dirigé ses yeux vers Aoi qui, alors qu'il avait la tête piteusement baissée, avait relevé le regard comme s'il avait senti celui de son ami. « Bois, Masahito. » Maya sondait Aoi, Aoi observait Maya et tous les deux savaient, oui, tous les deux savaient qu'à ce moment-là, l'autre se remémorait ce même souvenir. L'instant où à la sortie du lycée, Joyama avait donné cette bouteille d'eau à Maya qui semblait pris de fièvre. « Bois, Masahito. »
C'était en cette fin d'après-midi étrange où, alors qu'il avait par mégarde aperçu Joyama et Jui dans les vestiaires de l'établissement, tandis même que les cours étaient déjà terminés depuis longtemps, Masahito avait décidé de les attendre à la sortie, ou peut-être seulement se sentait-il trop mal pour trouver la force de rentrer chez lui.
Et c'était Aoi qui était venu le trouver en premier, Aoi qui avait semblé s'inquiéter de son état tandis que derrière lui, Jui était demeuré en retrait qui ne clignait même jamais des yeux sur Maya. Ces yeux noirs qui pesaient lourd sur sa conscience, aussi lourd peut-être que la culpabilité d'un crime.
« Bois, Masahito. »

En silence, Maya a saisi le verre de vin que Jui venait de remplir pour lui et en a avalé une gorgée, arrachant à ses lèvres une grimace amère. Ils avaient été tous là autour de lui à retenir leur souffle, mais Maya pouvait sentir le sien qui se faisait pénible comme alors, il avait l'impression qu'une masse invisible oppressait sa poitrine.
-Il y a quelque chose qui ne va pas, Masahito ? a fait une voix qu'il reconnut être celle de Kisaki.
Masahito s'est demandé si c'était réellement lui qui n'allait pas bien. Et comme il ne pouvait pas détacher son regard de Joyama, cette question a surgi dans son esprit comme l'éclair brusque d'un orage, oui, une question qui aurait dû franchir ses lèvres si seulement, le poids du regard étouffant de Jui ne l'en avait pas empêché.

« Qu'est-ce que vous faisiez à ce moment-là, toi et Jui, dans les vestiaires de l'école ? »

Au fond de lui, Masahito était sans savoir pourquoi certain, alors qu'il ne l'avait même pas formulée, qu'Aoi avait d'ores et déjà deviné la question qui hantait son esprit. Une question silencieuse à laquelle Joyama n'a répondu que par le plus parfait des silences.
Et pourtant, en son for intérieur, Masahito a su qu'une lumière s'allumait, comme si dans cette pièce à peine éclairée par un candélabre, la lumière du jour venait d'entrer.
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

-La drogue, c'est comme la prostitution. Au final, l'on ne sait pas si elle existe parce que des personnes l'ont réclamée, ou bien si des personnes la réclament parce qu'elle existe. Dans le marché de la drogue, comme de la prostitution, il y a deux coupables : le vendeur, et l'acheteur. Il n'est pas faux de dire que si plus personne n'achetait, alors plus personne ne vendrait, faute de rentabilité. Seulement, si personne ne vendait, personne n'achèterait. Alors, lorsque l'on désire prendre le mal à la racine, il faut se poser la question : faut-il s'en prendre d'abord au vendeur ou d'abord au consommateur ? L'un et l'autre sont liés, si vous voulez, ils sont complices dans le même secret, coupables dans la même illégalité et pourtant, nul ne connaît l'origine d'une telle pratique, celle de la marchandisation de produits qui ruinera la vie des consommateurs, dans le cas de la drogue, et celle qui ruinera la vie des consommés, dans le cas de la prostitution.
Et pour ce problème que beaucoup disent insoluble, il existe une méthode que l'on croit radicale, mais qui est pourtant le reflet parfait du non-sens à l'état pur ; supprimez la drogue, supprimez les prostitués. Pourquoi ? N'est-ce pas la preuve d'un manque cruel de raison, ou bien la démonstration d'une cruauté et une mauvaise foi sans fond ? La marchandise existe à cause de ceux qui la font, et de ceux qui l'achètent. La drogue comme les prostitués ne sont pour rien dans les ravages qu'ils causent, et encore moins dans ceux qu'ils subissent. Cette cécité qui enveloppe cette évidence à travers laquelle l'on passe comme si elle n'existait pas, c'est une aberration de l'être humain, non, c'est l'aberration du monstre qui habite l'être humain. Quelle immaturité faut-il avoir pour dire que c'est de la faute de la drogue si l'on est devenu dépendant ? Ce n'est pas vrai, l'objet de la tentation n'est pas le fautif, car l'objet de tentation n'est objet de tentation qu'aux yeux de celui qui croit obtenir un pouvoir en le possédant, tandis qu'en réalité, il n'est qu'un faible face à ses propres vices. Le vice ne vient pas de l'objet de la tentation car ce dernier est totalement indépendant du sujet ; l'objet peut vivre sans le sujet mais le sujet ne veut vivre sans l'objet, et c'est le sujet qui est coupable, c'est le sujet qui est le vice, il n'est pas celui qui le subit. Alors, Atsushi... Tout comme les prostitués qui n'ont pas choisi d'être prostitués, la drogue n'a pas choisi d'exister. Elle est une création de la nature au même titre que toute forme de végétation, et s'en prendre à la drogue pour seulement exister, c'est renier sa propre culpabilité, celle d'être faible, celle d'avoir choisi la mauvaise voie plutôt que la bonne. Moi... j'ai toujours haï les trafiquants de drogue qui encouragent sa propagation, et j'ai toujours méprisé les consommateurs qui rendent prolifique le trafic... Mais la drogue, elle... Si je l'accuse, j'accuse simplement la nature au lieu d'accuser la mienne, de nature. La nature d'un homme sale et sans honneur, Atsushi. Moi je pense que bien souvent, l'objet vaut bien mieux que le sujet, et au final... plutôt que la drogue, c'est moi qui devrais disparaître.
 
 
Le visage de Jui était comme un rubis éteint, un joyau précieux dont le rouge flamboyant s'était terni dans l'obscurité, un rubis au milieu duquel étaient incrustées deux minuscules pierres de jais recouvertes de cristal liquide, cette eau précieuse et scintillante qui sublimait le spectacle de ces joyaux et pourtant, le rendait à la fois tout aussi horrible.
-Il faut que tu arrêtes ça, a simplement dit Atsushi avec son air naturellement en colère, et son ton naturellement doux, comme il allumait une cigarette maintenue entre ses lèvres.
-Je le sais, a affirmé Jui qui se demandait comment est-ce qu'il avait pu en arriver là. Je le sais, Atsushi, je vais arrêter, je vais le faire, mais de toute façon, je me dis qu'il est déjà trop tard...
-Je te parlais du fait de pleurer, idiot. Arrête de pleurer. Tu es trop fier, trop fort, trop arrogant, trop ... Arrête, ça ne te ressemble pas. Je ne te reconnais plus et je n'arrive pas à savoir qui, du Jui fier ou du Jui en larmes, est celui qui se rapproche le plus de la réalité.
-C'est parce que je suis un monstre.

Atsushi rigole, juste un peu, il lâche un rire avec ce sourire en coin mais Jui ignore si ce rire-là est le rire de celui qui se moque face à la reconnaissance d'une évidence, ou si c'est le rire de celui qui s'attendrit face à une pensée qu'il ne partage pas.
-Qui tu es, Jui, moi, je ne peux pas prétendre le savoir.
-Mais c'est vrai, répond le jeune homme comme il cache honteusement son visage rougi par les larmes derrière ses mains. Si pleurer ne me ressemble pas, c'est parce que pleurer ressemble aux êtres humains, mais que moi, je n'en suis pas un puisque je suis un monstre.
-Alors est-ce que tu es un être humain qui ment en prétendant être un monstre ? Ou es-tu un monstre qui ment en prétendant être humain comme il pleure ?

La déconfiture sur le visage de Jui et l'incrédulité dans ses yeux dédramatisent presque le spectacle désolant de ce visage ravagé par la détresse.
-Je suis un monstre qui pleure, conclut le jeune homme sans grande conviction.
-Alors, soit tu arrêtes de pleurer, parce que ça ne peut pas aller, soit tu redeviens un être humain, et tu peux continuer à te soulager. Ça te va comme ça ?
-Je ne peux pas... murmure Jui, tête baissée.
-Pardon ?
-Je ne peux pas, répète-t-il haut et fort comme il cherche à se redonner une contenance. Redevenir un être humain, si je l'ai déjà été un jour, je ne peux pas.
-Pour quelle raison ?
-Parce qu'il me reste encore des choses à faire.
 


-Tu as pleuré, ou quoi ?
À peine franchi le seuil de la chambre, Jui s'est précipité devant le miroir et a constaté, dépité, que les traces de rougissures autour de ses yeux n'avaient pas totalement disparu. Dans un soupir excédé, il s'est retourné vers Terukichi qui l'imita alors, lui tournant par-là même le dos, étalé sur son lit.
-Je ne me souviens pas de la dernière fois que tu as pleuré, Jui.
-Terukichi, je voudrais que tu m'avances une certaine somme d'argent.
Le garçon s'est retourné et alors que Jui s'attendait à une réaction de colère, c'est une surprise parfaite qu'il a lue sur le visage candide de son cousin ahuri.
-Mais, Jui, de l'argent, toi tu en as plein.
-Mais toi, tu ne réalises pas l'ampleur des dégâts.
Le regard profondément suspicieux de son cousin a attisé en Jui cette appréhension qui le hantait depuis le début, celle d'être désigné haut et fort comme un éternel menteur.
-Mais quels dégâts, Jui ?
-Terukichi... Selon toi, lorsqu'une personne commet une erreur terrible, impardonnable, un péché que quelqu'un ne pourra jamais oublier et dont le mal causé continuera à le hanter toute sa vie, que crois-tu que doive faire cette personne ?
-Mourir ?

Jui n'a pas répondu. Ses yeux secs observaient avec une tendresse infinie ce visage diaphane qui se dirigeait vers lui, présentant deux grands yeux ronds brillant d'innocence. Jui a souri face à cette candeur apparente qui dissimulait un esprit pourtant si fort et impitoyable, et parce que les paroles de Teru lui étaient comme celles de Dieu, il a acquiescé, sans peur.
-Oui, Terukichi, il doit mourir. Tous ceux qui ont fait le mal en toute conscience dans leur vie, tous ceux qui ont joui de la douleur des autres, ceux-là doivent mourir. Mais pas avant, Terukichi, ils ne doivent pas mourir avant d'avoir réparé leurs erreurs, sans quoi leur existence n'aurait pas eu de sens.
-Mais moi, Jui, qu'est-ce que j'ai à voir là-dedans ?
-Je te rendrai ton argent, Terukichi. C'est une question d'honneur, et d'amour aussi, je le ferai, je te le jure, dis-moi, est-ce que je t'ai déjà menti, à toi ?

Terukichi a semblé réfléchir un moment, et si l'hésitation le faisait vaciller d'un côté et de l'autre, ce n'était pas parce qu'il manquait de confiance envers Jui, mais parce que la raison pour laquelle cet argent lui était imploré l'inquiétait tout comme il savait qu'il ne la connaîtrait pas.
-Dis-moi à qui est-ce que tu vas donner cet argent, Jui.
-Je ne peux pas, a répondu le jeune homme à regrets. Ne me pose pas de question, je t'en prie, j'ai seulement besoin de cet argent, et je vais travailler, Teru, je suis en train de chercher du travail, alors je t'en prie, fais ça pour moi.
-Ce n'est pas l'argent qui m'intéresse.

D'un seul bond Terukichi s'est retrouvé debout et Jui l'a vu qui s'avançait vers lui. Dans ses yeux Jui a pu lire alors la méfiance sans fond dont il ne pouvait pas se libérer et qui, pourtant, débordait de son âme jusqu'à l'envelopper d'une aura menaçante. Et face à ce séraphin qui, sans un mot, l'accablait des pires accusations, Jui a senti son assurance flancher.
-Écoute, Teru, il faut que tu saches...
-Ce que tu dois faire, Jui, fais-le, mais fais-le bien sans quoi, ce n'est pas seulement mon argent que tu devras me rendre.


Jui a acquiescé, docile, et alors que les yeux purs de son cousin continuaient à le dévisager comme s'ils essayaient de lire en filigrane à travers son visage, Jui a dégluti et a ravalé, amère, la question qui lui brûlait la gorge.
Est-ce qu'au nom de la justice et d'elle seule, Terukichi pouvait faire fi de ses sentiments pour souhaiter la mort de son propre cousin ?
Jui ne le savait pas. En fait, il ne voulait pas le savoir. Tout ce qu'il savait était qu'en ce moment même, Terukichi se présentait devant lui, à une distance qui allait bien au-delà de la décence, et qu'il l'observait avec ce dégoût apparent qui semblait lui dire « tu n'es qu'un monstre ». Et Jui ne pouvait qu'être d'accord avec ça, oui, Jui était un monstre, il le savait, il l'avait toujours su avant n'importe qui d'autre, et Jui s'est demandé ce qui se passerait si ce monstre venait à céder au désir omniprésent de poser ses lèvres sur celles du séraphin.

 

-C'est que ça m'embêtait... Que ce soit Aiji qui te donne cet argent. Ça m'embêtait vraiment pour toi, tu sais, alors, je me suis dit que puisque tu es mon ami, je devais faire quelque chose pour toi.

Masahito n'a pas relevé les yeux. Il continuait du bout des lèvres à compter les billets qu'il tenait sans trop y croire dans ses mains, et ce n'est que lorsqu'enfin il atteignit le bout de ses comptes qu'il a dirigé son attention sur Jui, offrant sa figure adorablement hébétée au jeune homme qui ne sut comment réagir.
-Cinq-cent mille yens, a déclaré Maya du ton le plus naturel.
-Oui, et avec mes propres économies, ça ira largement, tu ne crois pas ?
-Dis, tu n'aurais quand même pas trouvé cet argent dans les économies de ma mère, n'est-ce pas ?
-Comment est-ce que tu peux me demander ça avec tant de simplicité ? s'est indigné Jui, heurté.
-Il n'empêche que, a insisté Maya comme il palpait un à un les billets dans sa main comme pour en vérifier l'existence, je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle tu fais ça pour moi.
-Je te l'ai dit, non ? Tu es mon ami, je ne peux pas te laisser seul dans cette galère.
-Cependant, a-t-il martelé avec plus d'insistance encore, Aiji m'a dit que...
-Et cet argent qu'était prêt à débourser pour toi cet homme, est-ce que tu as une idée de sa provenance ? Tu ne trouves pas ça étrange, toi ? Tu crois vraiment que Misui Shinji aurait fait un si grand sacrifice pour toi à qui il ne doit rien, toi qui lui as déjà causé tant de soucis ?
-C'est sans doute justement parce qu'il doit en avoir marre des problèmes que je lui cause qu'il veut...
-Mais un homme qui te donne de l'argent, comme ça, tu crois vraiment qu'il n'attendra rien de toi en retour ?
La déconfiture est venue ternir le visage de Maya qui est demeuré bouche bée, pétrifié dans sa subite prise de conscience.
-Tu crois qu'Aiji pense à mal, Jui ?
-Et un homme que tu viens harceler depuis un an dans une infirmerie, que tu as dû mettre tant et tant de fois en colère de par ta faiblesse et tes débordements, un homme qui te propose de payer pour toi une cure de désintoxication qui coûte une fortune alors qu'il n'est qu'un simple infirmier d'école, que crois-tu qu'il attende, à ton avis ? Tu crois qu'il fait ça pour tes beaux yeux ? Tu crois qu'il fait ça dans un sentiment d'altruisme, pour l'amour des êtres humains et le souci de leur bien-être ? Ne me fais pas rire, Masahito, les gens comme ça n'existent pas, ça n'existe pas même dans la Justice -cette illusion rendue officielle pour calmer les peuples- et tu crois qu'il ne te demandera rien en retour ? Aiji est un homme, Maya, c'est un homme comme tous les autres et jusqu'à preuve du contraire, les hommes n'ont toujours agi que dans leurs propres intérêts, car depuis que l'Homme a commencé à avoir conscience de lui-même, Maya, il a totalement voulu arrêter d'avoir conscience des autres.
-Ce que tu veux dire, c'est que...
-Il est corrompu comme cet homme, Maya. Comme celui qui a attenté à la liberté et au bien-être de Sui, cet homme ne pense qu'à ce qu'il pourra faire avec ton corps.

Maya n'a pas eu d'autre réaction que ce silence à l'intérieur duquel il s'est recroquevillé comme il se recroquevillerait au fond d'une cage. Une cage dans laquelle il serait enfermé et où il craindrait de voir pénétrer le bourreau cause de sa séquestration.
Mais c'est dans le creux du silence-même que l'on entend le mieux ses propres cris résonner à l'intérieur de soi. Des cris stridents et déchirés qui, dans leur désespoir, tentent vainement d'enfoncer le barrage des lèvres obstinément closes pour s'échapper, se faire entendre et revendiquer cette liberté dont ils ont besoin, une liberté dont, sans doute, leur vie dépend.
-De toute façon, Maya, tu guériras. Dis, tu guériras, tu sais ? Alors quand tu sortiras de là-bas, lorsque tu seras enfin libéré de ton fardeau, tu n'auras plus besoin d'aller le voir. Car c'est à cela qu'il te servait, n'est-ce pas ? Il était juste le seul qui pouvait accepter de porter un peu sur ses épaules ce poids qui te rendait le cœur si lourd.

Quelque part dans le silence de sa cage intérieure, une voix a fait écho, atteignant Maya jusqu'au plus profond de sa conscience.
« Est-ce que c'est vrai, ce qu'il dit ? Qu'il n'était là que pour t'aider à porter ce fardeau ? »

Mais je ne sais pas, moi, se répond Maya. Je ne sais pas, moi, tout ce que je me demande, c'est que si je dois arrêter de le voir, alors, est-ce que j'aurai une raison de sortir de cet endroit ?

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