Nobody Knows - Les Beaux Yeux Clos de Sui- Chapitre Douzième

Juliet

-Si tu es dépendant de la cigarette, tu ne vas tout de même pas accuser le tabac de t'avoir forcé à fumer.
Prononçant ces mots, Gara a déposé dans un sourire tendre que Hiroki ne pouvait pas voir une tasse de thé fumante de laquelle s'échappait l'effluve délicat et envoûtant du jasmin. Fermant les yeux comme pour mieux savourer le parfum dans lequel il se sentait enveloppé comme dans un cocon, Hiroki a souri et, saisissant la tasse de porcelaine, a risqué ses lèvres dans le liquide brûlant.
-Merci encore, Gara.
-Comme tu es un homme bien trop souvent énervé, je me suis dit que tu devrais boire plus de thé, a-t-il répondu en s'asseyant en face de lui.
-Je n'en bois jamais d'ordinaire. L'un explique l'autre, a rétorqué Hiroki qui ne se prenait pas au sérieux. Au fait, de quoi parlais-tu ? Cette histoire de dépendance à la cigarette... je ne fume pas !
-C'était une métaphore. Je parlais de Kisaki, tu sais. Bien qu'il soit revenu finalement chez toi -d'ailleurs, il dort- tu ne dois aucunement considérer que tous vos problèmes sont réglés. Tu as fait des erreurs, Hiroki, en usant de la violence comme moyen d'autorité, et sache que les erreurs ne sont pas faites pour être pardonnées, mais pour être réparées. Une personne à qui l'on pardonne ses erreurs n'aura de cesse de les recommencer et ainsi, elle perdra la confiance de quiconque.
-J'ai l'impression de me faire sermonner par mon père.
-Ce que je veux dire est que, toi qui as tant besoin de Kisaki, ne le rends pas responsable de ce besoin-là, s'il te plaît. Kisaki n'est-il pas tout pour toi ? Et Hiroki, si tu prends à Kisaki tout ce qu'il a de précieux alors, il n'aura plus rien à te donner, il n'aura plus rien pour lui-même, et si ce jour arrive, que deviendrez-vous lui et toi ?
-Mais je ne veux pas être ce tyran-là, Gara. Je ne veux pas être l'un de ces tyrans qui, pour exister, dépendent de leurs victimes.
-Alors ne cherche pas à posséder Kisaki comme le substitut de feue ta sœur, Hiroki. Parce que Kisaki est un être humain à part entière qui a besoin d'exister en tant que lui-même, tu ne peux pas le blâmer de ce qu'il tente d'atteindre sa liberté, ou bien si tu fais ça, il finira par s'enfuir définitivement et là, ce n'est pas ta sœur que tu auras perdue, Hiroki, mais c'est bel et bien ton neveu. Puisque tu as tant besoin de lui, pourquoi ne comprends-tu pas qu'il puisse tout autant avoir besoin de toi ? Cet enfant est orphelin, Hiroki, et toi qui l'as accueilli, tu es devenu sa seule famille et son seul repère, et si toi-même ne sais pas où tu vas, il se perdra sans nul doute.
-Je ne comprends pas pourquoi est-ce que tu me dis tout cela maintenant, Gara.
-Parce que Kisaki ne me croit pas quand je lui dis à quel point tu l'aimes.


Le liquide fumant a brûlé les lèvres de Hiroki qui a reposé la tasse brusquement non sans éclabousser sa chemise.
-Gara, tu sais, ce jour-là, lorsque tu m'as vu et que tu as décidé de le ramener chez toi... C'était la première fois que je levais la main sur Kisaki, tu sais.
-Mais s'il suffisait de ne pas battre une personne pour prouver que l'on l'aime, cela se saurait depuis longtemps, tu sais. Seulement toi, depuis le début, même si tu ne le touches pas... c'est comme si tu lui en voulais.
-Si je lui en voulais ? a répété Hiroki qui sentait son cœur s'oppresser dans la cage de sa poitrine trop serrée.
-Ce sont les sentiments de Kisaki, tu sais. Il pense que tu lui en veux parce qu'il est celui qui est resté.

Hiroki a confiné dans le silence cette sensation de malaise qu'il ressentait alors, ou bien peut-être était-ce plutôt un mal-être qu'un malaise et, au beau milieu des ténèbres qui l'entouraient, Hiroki pouvait sentir le regard fixe de Gara rivé sur lui. Un regard qu'il ne pourra jamais connaître.
-Kisaki est le seul qui est resté, Gara. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas le perdre.


-C'est déjà perdu, de toute façon.
Dans son lit, Terukichi s'est retourné et a plissé les yeux face à la lumière du jour qui filtrait à travers les volets. Alors, comme ça, c'était déjà le matin. Il a poussé un long soupir et a étiré son corps, se tortillant dans tous les sens, avant de se redresser, les yeux ternes, le teint pâle, les cheveux en bataille. En face de lui, Jui était encore en caleçon de pyjama mais semblait en pleine forme, le toisant de toute sa hauteur dans un sourire triomphant. Ignorant les remontrances du garçon, Jui a rejoint son cousin au creux du lit pour venir coller son torse nu contre celui de Teru.
-Incestueux.
-Mais non, nous n'avons pas le même sang.
-Tu es mon cousin quoi qu'il arrive, quel est ton problème avec moi ?
-Parce que tu crois que tu es un problème ?
-Tu en es un, toi, Jui. Pourquoi est-ce que tu m'as réveillé ?
-Parce que je pensais, dis, qu'en réalité, tu avais sans doute déjà perdu avant même d'avoir commencé.

Parce que Jui a levé le bras en l'air, Teru a enfoui son visage au creux du cou chaud de son cousin avant de sentir le bras de celui-ci se refermer sur lui, possesseur et protecteur.
-Et je peux savoir ce qui te fait affirmer cela ? Ma défaite certaine semble presque te réjouir, Jui.
-Non, mais, regarde-toi, Terukichi. Comment est-ce que tu pourrais y arriver, au final ? Toi, tu as l'intelligence, mais tu n'as pas le cœur, tomber amoureux, tu n'as jamais su ce que ça pouvait faire, et tu es bien trop fier et raisonnable pour te jeter de toi-même dans le piège de la fascination, n'est-ce pas ? Tu ne pourras pas faire semblant, Terukichi, ces choses-là se sentent, ces choses-là se voient. Si tu ne peux pas être sincère, il le verra.
-Tu dis cela parce que tu n'as jamais été capable de duper qui que ce soit, Jui. Surtout pas moi.
-Tu es le seul que je ne peux pas duper, Terukichi, et je dois avouer que ça m'agace, mais c'est aussi ce côté insaisissable qui m'attire chez toi. Cependant, toi, tu veux faire de l'amour un piège établi par ton intelligence et ta raison, mais c'est oublier totalement que l'amour ne tient compte ni de l'intelligence ni de la raison.
-Il en tient compte, puisque seules les personnes intelligentes peuvent s'empêcher de tomber amoureuses.
-Tu ne fais qu'appuyer mes dires. Toi, tu es intelligent, il suffit de te connaître juste un peu pour le comprendre, mais il n'y a pas besoin de mieux te connaître que cela non plus pour comprendre que tu n'as pas de cœur. Tu n'es qu'un esprit malin, toi, Terukichi. À ton stade, tu as arrêté d'être un humain, tu sais.
-Mais je peux le redevenir à tout instant, Jui. Un idiot ne pourra jamais devenir un génie, mais un génie peut devenir un idiot. Qui peut le plus peut le moins, l'inverse n'est pas valable.
-Tu veux dire que tu as l'intention de devenir idiot ?
-Bien sûr, ce n'est qu'un masque, tu sais.
-Il ne trompera personne. C'est un sadique, tu sais. Les sadiques n'aiment que ceux qui se soumettent et exaucent leurs moindres désirs même les plus vicieux, et toi, Terukichi, tu ne sauras jamais t'abaisser à un tel niveau.
-Je ne suis pas sûr de ce que tu dis. N'est-ce pas plus amusant pour une personne sadique que de devoir livrer bataille avec celle qu'elle veut pour l'obtenir ? Toi, Jui... Tu es le meilleur exemple que je puisse te donner.
-Moi ? a renchéri le jeune homme dans un rire étouffé.

Au début, Jui a cru qu'il ne l'avait pas entendu car alors, le garçon avait les yeux rivés au plafond dans une expression de torpeur presque effrayante. Inquiet, Jui s'est redressé, observant ce visage comme mort et, l'espace d'un instant, une panique sans nom a coupé le souffle du jeune homme.
-Toi, Jui, tu es le pire des sadiques et pourtant, tu m'aimes, non ?

Jui a été tant surpris et tant soulagé sur le coup qu'il ne savait plus que faire entre rire et pleurer. Alors il s'est tu, plongeant un tendre regard brun dans les yeux brillants de malice de Teru et, lâchant enfin le rire que sa gorge serrée avait retenu prisonnier, a saisi contre lui le corps du garçon qu'il a serré encore et toujours plus fort, comme si dans ses bras il détenait sa propre vie qu'il craignait de voir s'échapper.
-Je t'aime, Terukichi.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

-Ce n'est pas possible.
Affolé, Kisaki s'est agenouillé sur le sol pour se mettre à fouiller frénétiquement l'intérieur de son sac malgré la fumée ambiante qui rendait pénible la distinction des formes. Intrigués, Aoi et Uruha se sont approchés de lui comme ils l'entendaient murmurer une série de mots pris dans sa fièvre.
-Kisaki, tu es sûr que ça va ?
-Je vous dis que ce n'est pas possible, répond le garçon dont le cœur se met à battre à toute allure. Il était là, dans mon sac, il y a une heure à peine, mon portefeuille a disparu !
-Calme-toi, le pria Uruha qui ne craignait que la voix de Kisaki n'alerte Gara au-delà de la symphonie incessante du piano. Tu as bien cherché ? Peut-être que tu l'as simplement oublié au lycée.
-Mais que ferait mon portefeuille là-bas, imbécile ? Un portefeuille, ça se porte toujours dans un sac !
-D'accord, concéda Atsuaki en jetant un regard de détresse à Aoi qui se contentait de contempler passivement. Bon, eh bien, on t'a volé ton portefeuille, alors.
-Tu pourrais au moins essayer de me rassurer !
-Mais c'est toi qui m'as dit qu'il ne pouvait pas être ailleurs que...
-C'est de ta faute, aussi, est intervenu Aoi que le ton de Kisaki agaçait. Tu es du genre à laisser traîner ton sac de partout parce que tu as la flemme de le prendre toujours avec toi.
-Ce n'est pas une raison pour me voler !
-Le criminel est toujours attiré par le crime.
-Aoi, ne me dis pas que c'est toi qui as...
-Pauvre vermine.
Et le pied d'Aoi est venu frapper contre le front de Kisaki qui a poussé un cri de douleur mêlée de rage.
-Tu es fou ? s'écria Uruha qui vint s'agenouiller auprès du garçon. Si tu as envie de te défouler sur quelqu'un, fais-le sur moi, il n'a rien fait !
-Toi non plus tu n'as rien fait, Uruha, tu n'es qu'un chien soumis ou quoi ? cracha Kisaki.
-Aoi...
-Je vais voir Skeleton.
 
 

La silhouette de Joyama se découpait à travers la fumée, immobile et sereine juste comme une icône posée là pour veiller sur lui. Bien que Gara l'avait entendu approcher, ses yeux ne quittaient pas ses doigts emmêlés et fous qui se déchaînaient sur les notes pour en faire retentir cette mélodie débridée dont son corps tout entier semblait si bien imprégné qu'en jouer les notes en était devenu un mécanisme.
Joyama remarquait qu'il n'avait jamais entendu les compositions jouées par Gara jusqu'alors, et qu'il semblait à chaque fois en jouer une inédite. Pourtant, malgré qu'elles lui fussent toutes inconnues, ces mélodies lui semblaient chacune familière, comme si ces mélodies avaient déjà existé tapies au fond de lui depuis toujours et que Gara était juste ce messager au génie passionné qui retransmettait en musique les émotions inhérentes à l'être humain.
-J'ai besoin d'argent, Skeleton.

Tout s'est arrêté d'un seul coup comme si avec un simple mot, Aoi avait fait exploser une bombe atomique qui aurait rendu le monde sourd. Mais non, ce n'est pas le monde qui était sourd, c'est tout qui était silencieux, bien trop silencieux pour un bar que tant de personnes cachées dans l'intimité des fumées occupaient.
Mais si ce monde-là était si silencieux, s'est dit Aoi, c'est que tous ces gens devaient être morts au moment où cette musique à couper le souffle, ce rêve illusoire auquel ils se raccrochaient désespérément, avait disparu sans laisser de traces.
-Combien suis-je censé te donner, Aoi, en échange de ton ami ?
-Il n'est pas question ce soir que je te donne Uruha, Skeleton.
-Oh, bien. Qu'as-tu donc à me proposer, à la place ?
-Absolument rien ; il se trouve que j'ai juste besoin d'argent.
-Je te trouve tellement arrogant pour un gosse. Je ne peux pas croire que tu m'aies arrêté dans mon élan pour mendier auprès de moi.
-Si tu avais été un vrai pianiste, tu n'aurais pas été déconcentré pour si peu et aurais continué à jouer de ton air imperturbable qui te confère cette apparence de cadavre qui va si bien avec ton corps décharné.
-Tes mots gentils me vont droit au cœur, et il est clair que je te donnerai tout l'argent du monde pour t'être montré si aimable.
-Ne fais pas des manières, tout le monde sait que tu es anorexique, il suffit de te voir pour cela, et avec tout le fric que tu gagnes ici, tu peux bien m'en filer un peu, non ?
-Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne gagne rien ici. Lorsque je joue, c'est du pur volontariat, tu sais.
-Alors, j'ai raison après tout de dire que tu n'es pas un vrai pianiste.
-J'en suis un, mais le piano est ma passion, non pas mon métier. Moi, je m'occupe d'enfants handicapés, tu sais.
-Tu rigoles ? a rétorqué Aoi dans un rire suspicieux. Alors, nounou la journée, pianiste le soir, et ce jusqu'à deux heures du matin, et après, qu'est-ce que tu fais ? Ne t'étonne pas d'être aussi squelettique, tu te surmènes.
-Depuis le début, c'est toi qui es étonné de ma prétendue maigreur.
-Bon, alors, tu me le donnes, ce fric ?
-C'en est hors de question, je ne vois même pas pourquoi tu me le demandes. Déjà, tu es bien trop impoli et de plus, tu ne me dis même pas ce que tu veux en faire, de cet argent.
-Ce n'est pas pour moi, c'est pour Kisaki, tu sais, cet idiot a trouvé le moyen de se faire voler son portefeuille en cours. Et toi tu sais bien, Gara, Kisaki va se faire enguirlander si son père l'apprend, alors, en attendant que la situation s'arrange, tu peux bien le lui en prêter, non ?
-Hors de question. Ce n'est pas en cachant la vérité à son père qui finira par l'apprendre tôt ou tard que les choses s'arrangeront.
-Allez, Gara, si tu me donnes cet argent, je couche avec toi.
-Tu dis cela comme si j'en avais envie.
-Quel homme est-ce que ça n'intéresse pas d'avoir un corps tout entier pour lui seul dont il pourra faire tout ce qu'il veut ?
-Moi, ça ne m'intéresse pas.
-Parce que tu me détestes.
-Je déteste les personnes qui acceptent ce genre de marché. Un homme qui pense pouvoir faire ce qu'il veut du corps d'un autre juste parce qu'il lui donne de l'argent, même si c'est fait dans le consentement, est juste une ordure. Car n'importe quel homme doté d'un minimum de raison et d'humanité comprendrait que ce n'est pas avec une valeur matérielle que l'on a le droit de posséder, même juste pour une minute, un être humain. Si je fais ce que je veux de ton corps, Aoi, alors cela veut dire que tu n'as aucun droit de résistance ou d'opposition, et que par conséquent, même penser te devient interdit, et tu ne deviens plus aux yeux de l'autre qu'un objet qu'il a le droit de prendre et jeter comme il veut. Tu crois mériter de l'argent parce que tu te donnes, Aoi, mais celui qui te donne de l'argent ne te mérite pas.
-Pourquoi est-ce que tu me fais un sermon ? s'est défendu Aoi dont les mots qui traversaient les lèvres posaient sur celles-ci une trace d'amertume.
-Parce qu'il faut que tu arrêtes de croire que devenir l'instrument de jouissance d'un pervers te fera devenir humain à ses yeux.
-Mais je ne fais pas ça pour devenir humain, Skeleton, c'est juste pour de...
-Ne vends pas ta liberté parce que ceux qui te l'achèteront n'auront jamais l'intention de te la rendre !
-Tu es complètement malade de t'emporter pour un rien et me donner tes leçons de morale comme si tu étais mon père !
-J'aimerais bien le voir, le père de l'imbécile fini que tu es !
-Je n'en ai pas.


Gara s'est tu et a abattu ses coudes sur la piano qui fit alors retentir un vacarme assourdissant dans toute la pièce, avant de s'effacer peu à peu. Le visage enfoui dans ses mains moites, Gara a poussé un soupir empreint de lassitude.
-Si Kisaki a besoin d'argent, pourquoi est-ce toi qui viens m'en demander ?
-J'ai pensé qu'il était bien trop fier, alors je l'ai fait pour lui.
-Ou dis plutôt que tu as vu ça comme une chance de coucher avec moi.
-Tu as un problème avec cela, Skeleton ?
-Je croyais que tu avais enfin admis que seul Uruha comptait pour toi.
-Mais tu sais bien que lui ne veut pas de moi, a répondu l'adolescent que le seul nom d'Uruha avait mis dans un état de mélancolie profonde.
-Mais si c'est lui que tu veux, Aoi, quel genre de bonheur crois-tu pouvoir obtenir dans le lit d'un autre ?
-Pas le bonheur, Gara, pas cela, mais pourquoi est-ce que tu me grondes ? Dans le fond, je n'ai rien fait de mal. Tu sais moi, je veux juste savoir si je peux plaire à quelqu'un en ce monde.
-Mais ce n'est pas en présentant ton corps à une personne qu'elle pourra voir et aimer l'âme qui se trouve à l'intérieur. Aoi, tu n'es même pas capable de comprendre l'évidence ? Ce n'est pas ton corps qui fait celui que tu es. Et toi, dès le début, tout ce que tu as fait c'est proposer ton corps à Uruha mais dis-moi, pourquoi est-ce que tu fais cela tandis que je suis persuadé que toi-même, ce n'est pas pour son corps que tu veux Uruha ?


Il n'y a pas eu de réponse. Au final, encore et comme toujours, à travers la fumée ambiante, Aoi ne broyait que du noir.
 


-Tiens, Masahito. Ceci est pour toi.
Sous les yeux ahuris du garçon, une main s'est tendue qui lui présentait une liasse de billets dont sur le coup, la provenance lui semblait douteuse. Suspicieux, Maya a étréci des yeux scintillants sur Aoi qui s'est contenté d'agiter sa main avec impatience.
-Prends-les, si quelqu'un nous voit, l'on va se faire des idées.
-Je ne sais pas où est-ce que tu as eu tout cet argent, Aoi.
-Et moi, je sais où est-ce que tu as eu le tien, Masahito, alors prends-les et à côté de cela, ne vole plus ce qui appartient à Kisaki, s'il te plaît.
-Alors, tu as su que c'était moi ?
-C'était bien toi qui as été obligé d'arrêter brusquement la drogue à cause d'un manque d'argent, non ? Je sais que tu as eu une crise de manque, je l'ai fait avouer à Aiji car je trouvais suspicieux que tu partes si soudainement de l'école ce jour-là. Masahito, ce n'est pas que je t'encourage à te droguer... mais il n'y a que toi-même qui peux t'en empêcher, et moi, en attendant, je ne veux pas que tu voles Kisaki.
-Pardonne-moi, Aoi, a supplié le garçon qui s'est accroché à son ami comme à une bouée de sauvetage. Je ne savais pas quoi faire, je te le jure, je n'avais pas l'intention de faire une chose pareille mais quand j'ai vu son sac sans surveillance juste sous mes yeux, je n'ai pas pu... Aoi, j'ai tellement peur si tu savais, je vais même finir par voler l'argent de ma mère si ça continue.
-Comment est-ce que tu peux prendre à celle qui t'a déjà tout donné ? a pesté Aoi qui a brusquement repoussé le garçon qui manqua s'étaler à terre. Toi, Maya, tu as une mère admirable qui t'a élevé seul et a su te faire vivre à l'abri de tout besoin, et c'est comme ça que tu la remercies ? En lui volant le prix de tous ses efforts ? Si tu es prêt à commettre un acte aussi vil pour quelque chose d'inutile et nuisible comme la drogue, quelque chose que toi seul as décidé de consommer et que tu dois donc assumer seul, alors, Maya, n'attends plus de moi que je te jette un seul regard.
 


 
Trois mois plus tôt.




-Qu'est-ce que c'est que cela ?
Même si Kisaki avait déjà une idée de ce que pouvait signifier ce bijou que l'on lui tendait, il avait eu tant de peine à réaliser qu'il a préféré faire confirmer ses doutes par le garçon qui, en face de lui, lâcha un rire amusé.
-C'est évident, non ? C'est une surprise. Pour bientôt.
-Une surprise pour moi ?
-Bien sûr que non, idiot ! Je ne te l'aurais pas montrée, si ça avait été la tienne ! Je suis désolé de décevoir tes attentes.
-Non, a farouchement répondu Kisaki d'un air boudeur, au contraire, mon cœur s'est mis à s'affoler tant j'ai eu peur.
-Alors, qu'est-ce que tu en penses ? a trépigné le garçon dont le visage d'ange se rosissait d'une appréhension timide.
-Ce que je pense, moi, c'est que ça a beau être mignon, cette bague siérait bien plus à quelqu'un comme toi qu'à lui.
-Qu'est-ce que tu veux dire ?
-Mais, Sui, c'est une bague de femme, tu le sais ?
Le dénommé Sui a baissé la tête, dissimulant son profil délicat derrière le long tomber de sa chevelure blonde, dépité.
-Cela, je m'en suis rendu compte après avoir payé : la firme du magasin pour hommes était dans la rue d'en face, je me suis trompé.
Le rire de Kisaki a retenti dans un éclat franc comme il a pris dans ses bras le garçon qui a préféré continuer à bouder, préférant la forme au fond.
-Ce n'est pas grave, Sui, l'étourderie, c'est bien quelque chose qui te ressemble et dans le fond, cela rendra ton cadeau encore plus touchant.
-De toute façon, ça n'a pas d'importance, puisque lui, c'est aussi une princesse, tu sais. Lui, c'est à la fois un prince et une princesse, il a toutes les qualités humaines alors, tu sais, il ne s'en formalisera pas.
-Et dis-moi, Sui...

Tendrement, Kisaki a saisi entre ses mains la figure décomposée de Sui qui lui adressa ce sourire sans force, un sourire qui semblait demander pardon.
-Tu es sûr que tu ne le regretteras pas, Sui ?
-Comment pourrais-je en être sûr ? Tu sais bien comme je suis mort de peur.
-Sui... C'est dangereux, tu en as conscience ?
-C'est parce que je sais que je risque de tout perdre que j'ai peur, Kisaki.
-Non, ce que je veux dire est que... tu es en train de sauter des étapes par lesquelles il aurait été bien plus prudent de passer. Sui, je connais tes sentiments et je comprends ton intention pure de juste les lui dévoiler mais tu sais, il y a un monde qui vous sépare, lui et toi. Sui, c'est...
-Ce n'est pas un monde, Kisaki. Ce que tu appelles un monde, c'est juste une loi dont je veux pouvoir passer outre parce que tu sais, il n'y a pas de crime dans ce que je fais.
-Oh non, Sui, s'est exclamé Kisaki qui s'est mis à passer ses mains dans les longs cheveux soyeux de son ami, ce n'est pas toi que j'accuse mais dis-moi, Sui, si tu es prêt à aller si loin, c'est que tu attends que tes sentiments se révèlent être partagés, non ?
-N'ai-je pas le droit de rêver que celui que j'aime m'aime en retour ?
-Tu en as parfaitement le droit, Sui, seulement tu sais, si jamais le rêve devient réalité, alors il risque de tourner au cauchemar.

« Mais, je le sais, cela, a tristement pensé Sui. Je le sais mais dis-moi, pourquoi la justice est ainsi, à tolérer si facilement la violence tandis qu'elle interdit l'amour même lorsqu'il est consenti ? »
-De toute façon, qui à part toi devrait le savoir, Kisaki ?
-Il y a déjà tellement de rumeurs qui circulent. Sui, je te dis que c'est dangereux, s'il te plaît, ne mets pas en danger celui que tu aimes.
-Je veux simplement qu'il sache, Kisaki. Après tout, je ne pense pas que mes attentes puissent être comblées.

Doucement, Sui a saisi les mains qui tenaient son visage et, après avoir déposé un baiser reconnaissant sur la joue de son ami, a tourné les talons, et contre sa poitrine serrait ce symbole doré qui, une fois pour toutes, dévoilerait au grand jour les sentiments qu'il avait jusqu'alors laissés dans l'ombre.
-Parce que tu es mon meilleur ami, Sui, moi, je veux malgré tout que tu gagnes. Je veux vraiment que tu gagnes, parce que tu sais, si tu venais à perdre, j'ai l'impression que je ne serai pas capable de tenir ma promesse.
 


-Vous êtes encore là, vous, a fait monotonement Jui comme au milieu de l'immense escalier de marbre, il avait vu en contrebas Atsushi se diriger vers lui.
L'homme, qui ne l'avait pas vu, a levé un visage étonné sur le garçon qui s'est mis à rire.
-Même comme, ça, dites. Atsushi Sakurai, ou l'homme qui a l'air toujours en colère mais qui ne l'est jamais. Même maintenant, vous semblez être en colère.
-Que fais-tu ici, Jui ?
-Pourrait-il y avoir quant à ma présence ici une autre raison que Masahito ?
-Je croyais que ton ami ne voulait plus te voir.
-Le fait qu'il ne veuille plus me voir ne m'empêche nullement de vouloir le moi, moi. Et vous, alors, qu'est-ce que vous faites ?
-Quelle question, je suis venu voir Madame Yamazaki.
-Elle n'est pas là, c'est Masahito qui vous a ouvert, alors arrêtez donc de venir chez les gens à l'improviste sans même savoir s'ils sont là.
-Tu es bien placé pour me donner ce genre de leçons.
-Qu'est-ce que vous lui voulez donc, à Madame Yamazaki ? À toujours venir la voir, l'on croirait que vous êtes amoureux d'elle.
-Non, ce n'est pas ce que tu crois, mais...
-De toute façon, amoureux d'elle, vous n'auriez aucune chance, vous qui êtes toujours en colère êtes bien trop effrayant.
-Je ne suis pas en colère, à la fin.
-Mais si, contrairement à ce que j'ai pu dire tout à l'heure et qui n'était que de la pure ironie, vous êtes tout le temps en colère, et je dois avouer qu'à cause de cela votre vue m'est très désagréable. Je me demande même si vous avez des amis, à être toujours en colère.
-Bien, Jui, je ne suis pas venu pour écouter tes remarques stupides.
-Quoi ? fit le jeune homme comme il se déplaça pour bloquer le passage à Atsushi qui s'était mis à monter. Madame Yamazaki n'est pas là, mais vous comptez donc rester ici comme si vous étiez chez vous à attendre son retour ? Vous ne croyez pas qu'elle a autre chose à faire que de vous supporter ?
-Je vais voir Masahito, sale arrogant.
-Il n'a pas envie de voir quiconque, il m'a envoyé balader comme si j'étais un pestiféré.

Immobiles, ils se sont observés yeux dans les yeux durant un long moment semblable à l'éternité, qui creusa un malaise bien trop lourd à porter au final pour Atsushi qui finit par lâcher un soupir :
-Je m'en vais, alors.
-Monsieur, vous n'avez qu'à rester avec moi, dites, je m'ennuie, je n'ai rien à faire, j'ai besoin de compagnie.
-Je ne suis pas un chien, a-t-il rétorqué qui dévalait les escaliers à toute vitesse.
-Monsieur Sakurai, c'est dangereux, et je n'ai pas dit que vous étiez un chien, j'ai dit que vous aviez juste l'air méchant à toujours être en colère.
-Mais je ne suis pas en colère.
-Bien sûr que si, vous l'êtes, il suffit de vous voir pour le comprendre.
-Je ne le suis pas !
-Puisque je vous le dis !
-Puisque moi, je te dis que je ne le suis pas !
-Pourquoi est-ce que vous mentez si grossièrement ?
-Quel est donc ton problème, à la fin ?!

Atsushi avait fait volte-face et ses yeux noirs ont fusillé Jui qui, sur le coup, crut sentir son corps tomber sous l'impact des balles imaginaires. Et face à la figure terrorisée du jeune homme, les muscles raidis d'Atsushi se sont détendus et, dans un soupir las, il est venu monter jusqu'au garçon qu'il prit par les épaules.
-Bon, tais-toi et viens.
-Vous voyez, Monsieur, je vous ai mis en colère.
-Tu l'as vraiment fait exprès, c'était un test ou quoi ?
-Oui, mais maintenant, je regrette de vous avoir mis en colère.
-Je ne le suis déjà plus, tu sais.
-Oh, vous pouvez me le dire, ce n'est pas comme si j'avais le droit de vous blâmer d'être en colère, parce que moi... Quand j'y pense, il ne se passe pas une seule seconde dans ma vie sans que je ne sois en colère.
-Il y a une chose qui te rend triste, le gosse ?

Jui s'est arrêté. Ils étaient au bas de l'escalier, les mains d'Atsushi tenant toujours les épaules du garçon comme s'il ne se rendait même plus compte qu'il les tenait, et alors que les yeux sombres d'Atsushi étaient profondément plongés dans le regard brillant du garçon, Jui a éclaté de rire.


-J'ai dit que j'étais en colère, vous savez. Pas que j'étais triste.
En prononçant ces mots, Jui avait baissé les yeux et dans un long « ha » sorti du fond de sa gorge, ses lèvres sont venues capturer la paille de laquelle il a extrait avec avidité son jus de fruits donc le verre se vida en quelques secondes sous les yeux amusés d'Atsushi.
-Merci, Monsieur, a lâché Jui dans un soupir de bien-être. J'étais vraiment mort de soif, vous voyez bien que ce n'était pas de la blague. Dites, vous ne voulez pas me payer un autre verre ? Ma gorge est si sèche...
-Tu as dit que tu étais en colère, Jui, mais est-ce que ce n'est pas exactement la même chose qu'être triste ?
Dans un froncement de sourcils, Jui s'est mis à touiller avec sa paille au milieu de son verre vide, boudeur.
-Je veux dire, a repris Atsushi avec lenteur, lorsque tu es en colère, c'est que quelque chose te révolte, n'est-ce pas ? Or, tu m'as dit qu'il ne se passait jamais une seconde sans que tu sois en colère, ce qui veut dire que tu te sens toujours révolté, Jui ? Si une même chose te révolte encore et sans cesse, c'est que contre cette chose qui te révolte, tu ne peux rien faire, n'est-ce pas ? Et Jui, dis-moi qui est donc capable de vivre sans tristesse lorsque l'on ne peut pas se défaire de la pensée constante d'une chose qui nous paraît si injuste et qui nous prend jusqu'aux entrailles ? La colère, Jui, de tous temps, ça n'a toujours été que le masque de la peur ou de la détresse, la colère, elle n'est là que chez un être humain malheureux qui se sent menacé ou rabaissé.

En silence, Jui a saisi le verre de bière encore plein d'Atsushi et c'est sans aucune gêne qu'il en a vidé le contenu devant l'homme qui hésitait quant à s'offusquer ou rire de tant d'effronterie.
-C'est de votre faute, a clamé Jui en reposant le verre vide devant lui dans un geste brusque. Vous n'avez pas voulu me payer à boire, le pire, c'est que j'ai horreur de la bière. Il va me falloir quelque chose de doux et sucré pour me faire oublier ce goût atroce.
-Je te le paierai, Jui, si tu réponds à ma question.
-Comme si ma vie vous regardait, a-t-il rétorqué comme sous la table, son pied commençait à se balancer nerveusement.
-Si dès le début, tu n'avais pas voulu m'en parler, Jui, tu ne m'aurais jamais avoué de toi-même que tu passes ta vie dans la colère, tu ne crois pas ?
-J'ai soif, Atsushi !
-Je ne te paierai pas à boire tant que tu ne m'auras pas dit ce qui te rend si triste.
-Mais quel est votre problème, à la fin ? Vous tirez des conclusions hâtives de tout et n'importe quoi, pourquoi donc décidez-vous des sentiments que peuvent éprouver les gens ? Je ne suis ni triste, ni effrayé, je ne me sens ni humilié ni menacé alors maintenant, ne vous mêlez pas de ce qui ne vous regarde pas.
-Je me mêle de toi puisque toi, tu me regardes.
-Ce que vous pouvez être suffisant, vous alors.
-Mais je ne fais que suivre ta logique.
-Dites, est-ce que votre curiosité n'est que le fruit d'un vice profond, ou bien vous prétendez vraiment vous intéresser à moi ?
-Cela, je te laisse le loisir de le supposer.

Sur le sourire d'Atsushi Sakurai, il y avait cette ombre d'espièglerie qui semblait déjà crier une victoire par l'avance assurée. Au fond de son siège, Jui a replié les bras contre sa poitrine, surpris par la brise fraîche de la saison.
-Vous me paierez à boire, si je vous le dis ?
-Je ne fais pas de promesses si je ne suis pas certain de les tenir.
-Je vis un amour à sens unique.


-Ton corps tout entier est-il à ce point desséché pour que tu boives autant ? s'est enquis Atsushi qui n'en revenait pas de voir à nouveau le garçon vider son verre de limonade d'une traite.
-Maintenant, Monsieur, j'ai faim, a-t-il répondu du tac-au-tac. Vous pourriez bien me payer quelque chose, non ? J'ai envie d'un fondant au chocolat.
-De qui es-tu amoureux, Jui ?
-Pourquoi est-ce que je devrais tout vous raconter en détails ?
-Pourquoi est-ce que je devrais te payer tout et n'importe quoi ?
-Parce que vous me posez ce genre de questions indiscrètes, Monsieur.
-Et tu me répondras à nouveau, si je te le paie ?
-Monsieur, vous me prenez par les sentiments.
C'était au tour de Jui de dessiner sur ses lèvres malicieuses un sourire jubilant de victoire. Et face à la puissance du jeune homme, Atsushi a baissé les bras.
-Chantilly, crème anglaise ou chocolat fondu ?
-Crème anglaise, Monsieur.

-La crème des crèmes, la vraie, c'est vous, Atsushi Sakurai, a fait Jui comme il raclait dans son assiette les dernières traces de crème visibles.
-Maintenant, j'estime que j'ai le droit d'en savoir plus sur toi, jeune homme, a clamé Atsushi en plaquant fermement sa main sur la table. Cette personne dont tu es amoureux, qui est-ce ?
-Est-ce que je peux vraiment vous le dire ? bougonna le garçon dans une moue d'hésitation.
-Tu veux rire, n'est-ce pas ? fit son interlocuteur qui ne semblait pas rire du tout. Ce n'est plus une question de possibilité, mais de devoir ; ne crois pas que je vais m'amuser à tout te payer par bonté d'âme.
-Je suis amoureux de mon cousin.

Celui qui a été le plus mal à l'aise sur le coup bien sûr, a été Atsushi Sakurai car depuis le début, Jui n'avait pu s'attendre qu'à ce moment de silence qui semblait se demander si tout n'était qu'une blague ou non.
-Dans ce cas, Jui, je suppose que personne ne peut rien y faire, non ? Je veux dire, puisque c'est ton cousin, tu ne peux pas...
-Nous n'avons aucun lien de sang. Vous savez, moi, j'ai été adopté.
La colère est passée à travers les yeux de Jui qui, dans sa main, a tordu la petite cuillère de métal avant de la mettre à la merci de ses crocs enragés.
-Aussi Terukichi n'est pas mon véritable cousin mais vous voyez, je demeure pourtant certain que même si nous avions partagé le même sang, rien n'aurait pu faire que je ne m'empêche de tomber amoureux de lui. Je veux dire, ces choses-là ne se décident pas, n'est-ce pas ? Et ce que la loi interdit, elle ne peut pas le punir tant qu'elle n'est pas au courant. Mon cousin est assez intelligent pour le savoir, l'amour n'est pas compatible avec la raison, et c'est d'ailleurs parce que Terukichi est lui bien trop raisonnable et pragmatique qu'il est incapable de tomber amoureux. Lui, ce chien... Il n'a jamais ressenti la moindre forme d'amour envers quiconque si ce n'est pour...

L'espace d'un instant, Atsushi a cru que le garçon avait aperçu quelque chose qui l'avait surpris car alors, il s'était tu subitement pour river un regard sans vie en face de lui. Seulement, à bien y regarder, ce regard-là ne semblait rien voir.
-Jui, est-ce que ça va ? s'est inquiété Atsushi face à cette subite torpeur.
-Terukichi continue à aimer un garçon qui n'en vaut même plus la peine, maintenant.

Et puis tout s'est passé en un éclair. Atsushi a vu Jui se redresser brusquement et, avant de comprendre ce qui arrivait, la silhouette du garçon disparaissait déjà dans le fourmillement de la foule et alors, quand l'homme a baissé les yeux sur la table, désabusé, il a vu les billets que Jui avait déposés sans rien dire.



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