Partie 1

peterpanpan


I

Le mec était pas encore arrivé. J'attendais. Je dois mettre les gens à l'aise, puisqu'ils arrivent toujours en retard. J'en profite pour regarder ce qu'il se passe autour. Y'a des gosses dans un préau devant. Ils gueulent un peu et y'en a même deux qui se battent. Je me sens un peu tendu, j'ai l'habitude de devoir attendre mais on ne se fait jamais totalement au fait d'être pris pour un con. C'est quand même moche une cité. Qu'est-ce qui n'est pas moche dans cette ville d'ailleurs ? Y'a plein de merdes de pigeons sous les toitures de l'école. 

Le mec est toujours pas là, ça fait bien dix minutes. Je regarde vers la passerelle. J'espère que je me suis pas fait carotter. Soudain je vois un petit gamin au loin, il avance vachement vite, c'est lui. 

Je me suis allumé un pétard sur la route du lycée. J'arrive pas à savoir si c'était bien ou pas, le lycée. J'avais pas beaucoup de potes et j'y allais pas souvent. Par contre j'ai fait une crise de parano, ça me convient plus trop le pétard. J'étais flippé de reprendre le bus pour rentrer chez ma mère, j'avais l'impression que j'allais me faire agresser n'importe quand. J'ai marché un peu en sens inverse, en passant par le hallage, puis devant la passerelle. Y'a plus le banc et l'arbre de quand j'étais avec la fille moche que j'aimais. Du coup j'ai eu un peu de vague à l'âme, puis j'ai continué jusqu'à l'ancien Arsenal, qui était devenu l'ancienne bibliothèque, qui est devenue plus rien. Après j'ai du aller en centre-ville, je sais plus trop, c'est à vingt mètres. 

Franchement je sais pas pourquoi je raconte ça. Pourquoi pas faire un livre écrit de cette manière, ça m'est venu à l'idée. 


II

Est-ce que c'est bien si j'écris les passages les uns après les autres ? J'ai peur que ça devienne faux. Je sais pas trop ce qui est vrai ou chiqué chez moi. Je pense qu'en fait je devrais pas y réfléchir. Ou qu'il n'y a rien d'autre derrière cette ambiguïté. Je pense à cette fois où avec mon père et Stéphanie, et puis les filles à Stéphanie, on visitait un salon de Camping-Car, et il y avait des cuisines et des salles à manger factices, avec de faux aliments, de fausses pâtes dans des bocaux en verre, de fausses céréales. Je viens d'y repenser. C'était surtout les faux aliments qui m'avaient marqué. Je viens de relire ce passage et j'avais envie de rajouter que le décalage entre les faux aliments et les vrais campings-cars me trouble un peu.


III

J'écris vraiment tout à la suite. Je ne sais pas si ça va continuer comme ça. Probablement que non. Peut-être que l'espacement du temps m'aidera à voir si ma pensée évolue ou tourne en rond. Je pourrais remarquer les choses qui reviennent. Je sens qu'il faut me forcer à ralentir ma pensée, pour écrire. Comme mon grand-père, avec le bâton et le berger Allemand. Peut-être que j'aurais eu besoin d'avoir des coups de bâton, pour penser moins vite. Au moins c'est plus clair.


IV

Décidément je ne m'arrête plus. Je ne comprends pas comment je décide de passer du III au IV, par contre. J'ai l'impression de faire ça logiquement, mais ça reste obscur. Peut-être que si on devait comprendre tout ce qu'on fait on vivrait plus. On se demanderait pour n'importe quelle chose si on devrait le faire ou pas, et si oui, de quelle manière, et si non, que faire d'autre, et pourquoi pas ne rien faire d'ailleurs, mais est-ce ce qu'il faut faire, ne rien faire, et voilà on tournerait en rond. Je crois qu'on peut même devenir fou comme ça.


V


J'ai quand même envie de parler de ma vie. Mais quand je commence à y réfléchir sérieusement, j'ai un peu peur que ça ne vaille rien. Je veux dire, j'ai vécu à peu près les mêmes choses médiocres que la plupart des gens de mon âge. Après tout peut-être devrais-je tout de même en parler, ça m'évitera de penser que ce que j'écris peut valoir autre chose.


VI

Je me rends compte que j'utilise beaucoup "chose". Je ne pense pas que ça vienne d'un manque de vocabulaire, je pourrais très bien utiliser d'autres mots. Avant j'avais tendance à mettre beaucoup d'emphase dans mes phrases. 


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