Paulo en piste pour les étoiles

Jean Claude Blanc

Malheur la mort d'un Ami, même choisie, nous laisse meurtris

                Paulo en piste pour les étoiles

Atteint par l'âge où tout fout le camp

Mes 18 ans de jeune inconscient

Hélas usés et dépassés

Ce qu'on a pu en profiter

Avec mes potes aussi fêlés

Que votre serviteur, diable de JC

 

Inutile remonter le temps

On ne se rencontre plus qu'aux enterrements

Se promettant de se revoir

Pour se rafraichir la mémoire

Vite oublié que ce serment

 

Mais les souvenirs reviennent au galop

Evidemment que les plus beaux

En mon lointain et cher hameau

Y'avait Alain, Daniel, Paulo

Bandes de foutraques, gang des deux chevaux

 

Caisses tape cul, par très vaillantes

Pour gravir les rudes pentes

De nos montagnes de Pierre sur Haute

Même qu'on n'avait pas les chocottes

Sortes de corbillards, bringuebalantes

 

Mais en ce jour où il s'immole

Notre complice, espiègle Paul

Petit retour en arrière

Mains sur le volant on était fiers

Faisant de l'œil aux vacancières

Qui au plan d'eau, se bronzaient le derrière

 

Une autre ambiance, cette fois livide

Appris ce matin, cet homicide

Envers lui-même, Paulo la guigne

Hélas pas un poisson d'avril

Encore d'attaque et lucide

Pas partie de pêche à la ligne

Lui-même en a mordu au fil

(Qu'il me pardonne ce jeu de mot)

Plus qu'un ami, c'était un frère

Toute notre jeunesse part en lambeaux

Soirées de cuites à « Crémaillère »

Un de ces bouisbouis sordide bistrot

Où on faisait mousser la bière

En se gonflant les biscotos

Loin de penser au cimetière

Chauds comme la braise sous le tonneau

 

Aventuriers, en avant toute

A parcourir, chemins et routes

Même défoncés de pastaga

Pas peur des flics, que mal au foie

Paul en était de ces bordées

Même follement en rajoutait

Jouant le type aliéné

A faire fuir les policiers

 

Comportement de sacrés aigles

Naturellement, jamais en règle

Pas d'assurance ni de vignette

Permis de conduire réduit en miettes

 

Hélas fauchés, du côté fric

Adolescents d'époque épique

Ménageant bien sur la dépense

Pour remplir le réservoir d'essence

Probable panne sèche, bonheur la chance

 

Stupeur, malheur, me brise le cœur

N'en reviens pas qu'il soit parti

Notre copain, de beuveries

Trône-t-il au moins au paradis

Dans les vignobles du Seigneur

M'efforce d'en rire pour ne pas pleurer

Désolations, j'en ai soupé

 

Car selon moi, pas sa manière

De nous quitter sans un au revoir

On se retrouvera, comme j'espère

Virtuellement au Purgatoire

 

Pour la déconne, drôle d'esthète

Baragouinant des idées noires

Avec de phrases sans queue ni tête

Juste pour gruger son auditoire

Qui ne pigeait rien à ses sornettes

S'en amusait, du genre anar

Yeux pétillant sous ses lunettes

 

La preuve qu'il n'était pas si bête

Instituteur à la retraite

A se farcir hordes de lions

Comme par hasard, bourges lyonnais

Gosse élevés comme des cochons

Pourtant issus des beaux quartiers

A en conclure, non sans raison

Les sots n'ont pas d'identité

 

Lui, disparu, bourgade est veuve

Plus que sa bagnole dans la Rue Neuve

On n'ose évoquer ses soucis

Les a emmenés mourant d'ennui

 

Dernière farce de notre camarade

Mais cette fois, pas rigolade

En cause son stress, d'homme solitaire

Car de voisins, n'en avait guère

Pour le visiter en sa tanière

 

M'en blâme moi-même peu solidaire

L'ai entrevu un soir d'hiver

Blasé, fourbu, en avait l'air

Pas pu le sauver de son enfer

 

D'où mes remords éternels

Mais rien au regard de mon chagrin

Que j'éprouve pour ce mec fidèle

Abandonné, bien triste fin

Laissé pour compte, comme pauvre chien

 

Paulo a dû porter sa croix

Mais lassé à 67 ans

Pressé rejoindre l'au-delà

Sûr n'avoir plus mal aux dents

 

Le Bon Dieu l'attend sur son nuage

Pour le croquer ce personnage

Même pas sage comme une image

Va divertir les rois mages

Ceux qui le regrettent au village

Certes pas nombreux que de passage

Cesseront jamais lui rendre hommage

 

Quant au brave peuple d'hypocrites

Défilent la mine contrite

Couvrant son corps d'eau bénite

Pour le principe à la va vite

 

Ça porte malheur, vivre en ermite

Grenouille prudente, je cohabite…

C'est mon grand cri, je n'y résiste

Juste mon sexe en orbite

Passions d'amour me sont proscrites

Trop le cœur tendre qui palpite

 

Paulo mortel célibataire

Pas dérangé par ces mégères

Les supporter quel calvaire

Mieux vaut être bouffé par les vers

 

Les miens me semblent plus sincères

En nourrissant l'imaginaire

Ruisseaux de larmes, garnies de pierres

Ça coule de source, ce soir de misère

Pour toi mon cher, fais des prières

Te rajoutant à mon bréviaire

De condoléances, pleines de lumières

Car j'y crois ferme, tu renaitras

Au moment où je m'y attends pas

Pour m'inspirer, « hymne à la joie »

Du Beethoven, cette symphonie

A ma façon te l‘interprète

Plus jamais choir dans l'oubli

Tu mérites bien que je m'en fasse poète

Te le chanterai même à perpète

 

Paulo en piste pour les étoiles

Celles qui brillent de mille feux

Sur ses angoisses, a mis un voile

Débarrassé et bien heureux

Qu'il soit athée ou religieux

 

Car l'essentiel, perdu pour perdu

C'est qu'il ne se fasse plus de mouron

L'Extrême Onction a ses vertus

Que l'on ignore en bonne santé

Mais qu'on vénère, moribonds

Tant périssable l'humanité

     

Encore un conte « bonnet de nuit »

Dont j'ai le talent, tragique esprit

En m'affublant toutes les détresses

Des miennes m'en tamponne les fesses

Celles des autres, me les confesse

Le résultat, pas besoin d'hostie

Communiant en mélancolie

 

Paulo, son sort, n'est qu'un prétexte

Pour témoigner de mon pieux texte

Dont je ne cesse, m'en torturer

De cette manie de m'inquiéter

Sachant qu'il y a quelque part

Toujours une âme en souffrance

Bigotement, me l'accapare

Ne pouvant faire la différence

Entre fourberie et bonne foi

Mais grâce au ciel, trouvé ma voie    

Près de toi Paulo, en ton trépas   JC Blanc avril 2018 (pour toi Paulo)

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