Péris en mer

Christian Lemoine

Depuis de sombres tours de contrôle, comme autant de ziggourats hostiles, des yeux de métal scrutent les conteneurs des quais, la lente chorégraphie des grues, les lignes au scalpel des ponts transbordeurs. Ne s'y trace-t-il pas les brisées d'un fauve traqué ? N'y surprendrait-on pas comme la fulgurance noire d'une évasion ? la course versatile d'un exil ?

Sous les barbacanes sanglantes des caméras de surveillance, se révèlent en surchauffe de pauvres chasses haletées, des trames déchirées que des Parques négligentes ont laissé se dénouer. Et sur des grèves chaudes pour estivants protubérants, on récolte des moissons blêmes, des fenaisons grosses de dépouilles charriées.

Sur l'algue, au rythme des ressacs et par l'encre sèche des céphalopodes, les perditions se disloquent en abscisses désordonnées, en graphiques d'obscurs desseins, en théories de banquiers, qui ne calculent jamais la racine contrecarrée des outragés, ni le nadir des naufragés. Longitudes et latitudes se brouillent sur des clichés de profits exponentiels. Et les frontières académiques érigent des arguties de môles contre l'obsédante litanie des sépultures.

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