Petite Cuisse de Nymphe Emue

divina-bonitas

Pensée positive et douce des jardins - amour des roses

Il faut quand même le faire, nommer un rosier Petite Cuisse de Nymphe Émue. Il faut dire que la fleur comme un petit jupon, d'un rose crémeux aux pétales d'un velouté exquis, a cette fausse fragilité surannée d'une Madame Bovary ou d'une Anna Karénine, de l'Odalisque d'Ingres. Le feuillage bronze mat sert de décor à cet épanchement fleuri, met en relief les coupes d'opale, lesquelles semblent comme alanguies sur une méridienne de velours d'époque impériale. Le nez plonge sans retenue au cœur du calice délicat, mélange poudre, poivre gris et crème de lait, La Jeune Fille à la Perle, La Jeune fille et la Mort. Vermeer, Schubert, où êtes-vous?


A côté, ce diable de rosier liane Kifsgate, couvrant murs et toitures sur plusieurs dizaines de mètres carrés, rampant ici, grimpant aux sommets, étendant ses branches avec une expansion toute jupitérienne, de façon sauvage et inexorable. Le ciel lui appartient et il entend bien le conquérir, quel que soit le temps et la température. C'est un conquérant, un alpiniste chevronné, un exemple de dévouement. Au printemps, les abeilles y ronronnent, bzz bzzz, nichent dans ces fleurs simples aux pistils dorés, volent d'une grappe de pétales nacrés à l'autre, se repaissent de ces fragrances d'églantier. Dès l'automne et tout l'hiver, les oiseaux des jardins y jouent à la balancelle, grignotent comme des friandises sucrées les boules orangées qui ont succédé aux blanches étamines. Indomptable ce rosier ancien, ce conquérant de l'extrême, dont les lianes souples s'accrochent et colonisent tout, y compris les autres végétaux avec un humour consommé, n'hésitant pas à faire concurrence aux gousses rouges du houx en se fondant dans sa masse piquante mine de rien. Il ne faut pas le couper court, sinon, gare à sa vengeance! Enlevez lui un mètre de branche et hop, il vous en créera une de cinq l'année suivante. Supprimez un rejet spontané, il vous en fera trois au printemps suivant. Que j'aime ce foisonnement verdoyant et quasi persistant, ses voûtes fraîches et ce rayonnement désordonné qui dure, qui dure...


A proximité, un petit rosier Bolchoï aux roses rouges carmin ourlées d'or à l'intérieur. On s'y croirait, à Moscou, dans une loge doublée de velours incarnat, à attendre l'entrée d'une danseuse étoile, dressée sur ses pointes. Il faut voir le port de tête de ces fleurs et l'organisation des pétales! Ce petit buisson d'à peine un mètre de haut ne rigole pas avec la rigueur. Tout a été pensé et répété des milliers de fois pour obtenir cette rectitude frisant la perfection.


Fox Trot...ça fait rêver! Quelles sont mignonnes ces coupes framboises aux allures de jupes froufroutantes, et comme elles animent bien l'espace à 80 cm du sol, dans un tourbillon remontant de roses frivoles et gaies, qui semblent danser et tendre leurs joues encore et encore en quête d'une caresse.


A dix pas de là, Pink Grootendorst (ou quelque chose comme ça). On dirait des œillets, mais des œillets éternels,  qui ouvrent leurs fleurs roses comme s'ouvrent les éventails japonais, avec une infinie délicatesse, en de petites coupes aux bords dentelés, roses vif sur feuillage dense. Qu'il est amusant ce Pink G. et décore avec une âme de peintre pointilliste le moindre recoin du jardin.


Là...un inconnu, vendu comme nain! Tu parles d'un rosier lilliputien! Quatre mètres de haut et pas moins qui déplie ses longues branches souples et ses pompons blancs mat sans relâche de mai à octobre. 


A droite du porche, l'odeur de Cardinal de Richelieu est saisissante. Poivre, sucre, encens, tout y est qui attire le nez même dans la nuit noire à 15 mètres à la ronde. Et cette fleur, mon Dieu, ce pourpre qui devient presque noir en vieillissant, ces pétales comme du velours de soie, cette floraison explosive de rouge profond est le signe d'une passion qui consume, d'amour...pour Dieu bien sûr! De quoi s'agenouiller devant tant de majestueuse beauté, tant de puissance, de profondeur toute spirituelle!


Eric Tabarly. Lui je l'ai acheté en phase terminale dans un rayon d'hypermarché. Le pied était fort mais les feuilles jaunies auguraient mal de sa guérison. Et pourtant! Sa floraison est une des plus généreuses et quelle vivacité! Ce n'est plus un buisson chétif mais un grand garçon maintenant, qui jette ses grappes carmin a plus de trois mètres de haut, s'est lié d'amitié avec un lilas et un marronnier, n'a de cesse de copiner et montrer son exubérance, sans ostentation néanmoins. Il est lui, tout simplement, fait avec constance une démonstration de force au soleil des premiers jours du printemps aux premiers frimas.


New Dawn, rosier grimpant aux fleurs rose abricot, au feuillage vert vif, et au parfum...de dragée de baptême! L'incarnation même de l'excellence, de ce que le jardinier attend: une floraison abondante tout l'été, une santé à toute épreuve, des effluves douces qu'on aimerait mettre en flacon, des branches robustes qui plient sans rompre. Un pied dans un jardin minuscule et l'espace semble habité, gai, fleuri, tout souci évanoui.


La rose centifolia - à cent pétales - ou rose des peintres, celle des parfumeurs, des nez. Et pour cause! Un mètre cube de buisson ardent sur lequel des fleurs comme des pivoines  roses passant du rose au parme s'ouvrent comme de petits mouchoirs en centaines de pétales un poil chiffonnés, fleurent le cou des grands-mères et le ventre des bébés, le linge brodé des armoires en noyer. La rose des peintres c'est le nirvana du rosiériste, un tableau d'impressionniste à lui tout seul, Monet dans le jardin.


Et celui-ci, promis, c'est le dernier parmi la cinquantaine dont j'ai la joie de profiter, celui-ci aux fleurs bicolores, rouges sombre et blanches, s'ouvrant comme des drapeaux bigarrés, au sommet d'un arbre de près de deux mètres. La République sous mes fenêtres! Je me demande parfois s'il ne va pas se mettre à chanter la Marseillaise. Il a ce petit côté rebelle qui descend dans les rues et hisse ses couleurs. Impossible de ne pas le voir ni le reconnaître au milieu des autres tant il est différent, unique et spectaculaire.


Voilà une petite chronique pour débuter la semaine sous des auspices gais et fleuris. Si cela vous plait, je vous parlerai de Black Baccarat, d'Isabelle Autissier, de Rosa Lucens, des Rugosa, de Gloire de Digon...

  • délicieux !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Photo

    Susanne Derève

    • Merci Suzanne. Je suis ravie de constater que cette pensée des jardins plait à beaucoup, alors je vais la poursuivre.

      · Il y a presque 8 ans ·
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      divina-bonitas

  • De belles flagances en ce jardin velouté qui fait rêver...
    Merci Atrov pour le partage. Magnifique roserée Divina.
    Merci beaucoup.

    · Il y a presque 8 ans ·
    Version 4

    nilo

    • Merci Nilo de ces compliments. Je suis très heureuse de constater que mon amour des roses est partagé!

      · Il y a presque 8 ans ·
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      divina-bonitas

  • Merci ! Merci ! De ce jardin extraordinaire ! On y est, on y respire, on y puise énergie et beauté et humour. CDC et partage ! Dans l'attente des roses qui viennent !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Merci Astrov! Alors j'écrirai la suite avec grand plaisir.

      · Il y a presque 8 ans ·
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      divina-bonitas

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