Philtre

Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)

Le début du texte en gras, a été trouvé comme inspiration sur le site http://www.alloprof.qc.ca/BV/Pages/f1580.aspx qui est merveilleux. Tout le reste est de moi.

Par une froide soirée de novembre, un petit homme marchait péniblement le long d'une allée, portant sur ses épaules un énorme sac, plein à craquer. Il avançait, d'une démarche fugitive et empruntée, tel un vieux bâtard fatigué qui sent instinctivement que seule une extrême prudence peut le mettre à l'abri d'une agression. Cet homme ne vivait pas dans l'illégalité, il n'avait pas lieu de craindre d'être molesté par les forces de l'ordre. Et pourtant tout dans son comportement trahissait la culpabilité et la peur d'être reconnu... Mais que contenait donc ce sac qui condamnait notre petit homme à tant de passages furtifs et inaperçus, glissant le long des murs et frôlant les broussailles. C'est qu'il y avait là de quoi faire taire la terre, de quoi la rendre autre. C'était un bien trop précieux qui ne pouvait être volé. Sinon, la face du monde changerait. Et pire, si l'objet indéfini était mal expérimenté. Pas de pierre philosophale, non ; bien qu'un grand nombre de gens en aurait tentation. Mais notre petit homme, était un bon chimiste. Et avec de nombreuses fleurs, issues de son jardin magique, c'est qu'il avait concocté là...un philtre d'amour. Il l'avait essayé sur Jeanne, dont il était amoureux. Cette dernière n'avait fi de lui, ne le regardant que pour se surestimer tellement elle le trouvait petit et vilain. Mais voilà que notre homme, fouillant dans son cerveau et dans de vieux grimoires, grâce aussi à la générosité de son jardin flamboyant, avait réussi à concocter une recette qu'il espérait magique. 

Un jour, alors qu'il marchait sur un sentier avec un extrait de ce philtre magique, il aperçu Jeanne qui courait son footing journalier. La jeune femme transpirait à grosses gouttes. Et le beau destin des choses fit qu'elle décida de faire sa pause sur un petit banc ombragé ou notre homme aimait aller lire. Il eut alors une idée judicieusement délicieuse. Il transportait sur lui une petite bouteille d'eau, somme toute assez banale. Ce qu'il fit alors, il n'en fut pas bien fier. Très discrètement, il aromatisa son bien de quelques gouttes de ce précieux liquide qu'il n'avait pas encore essayé. Et à sa Belle qui l'ignorait toujours, il lui proposa de boire une gorgée tant elle était essoufflée. Une nouvelle fois encore, elle le renvoya à ses pensées ; à ses oignons comme vous voulez. Mais notre petit homme se permit alors grande chose pour lui : insister. Pour lui donner envie, il but lui même une petit gorgée et savoura le plaisir de ce délice tant l'air était bien chaud. Alors la belle Jeanne n'en tenait plus. Quoiqu'elle n'aimait là l'homme, il fallait qu'elle s'abreuve.

Sans même le remercier, elle lui prit la bouteille. Et c'est bien tout d'un trait qu'elle termina l'essai. Puis sans dire un merci, elle reprit là sa course.

Un jour passa. 
Comme toute nouvelle aube, elle revint à courir. Et notre petit homme, à se remettre au banc. Et ce qui se joua alors, est le théâtre de sa vie. Elle arriva vers lui, avec un grand sourire, en lui disant merci. Merci de sa bonté, merci de sa générosité, de sa bienveillance et de sa belle allure. Notre homme en fut confus, tant elle l'ignorait d'habitude. Épuisée par sa course, elle décida de s'asseoir. Et là de lui parler ; de lui demander comment était sa vie, qu'aimait-il, qu'espérait-il, que croyait-il du ciel, mais surtout ; que pensait t-il d'elle !!! Sans même qu'il s'en rende compte, elle lui frôla la main. Puis elle lui dit qu'elle se sentait là si fatiguée qu'elle fermerait bien les yeux. Il n'eut le temps de lui répondre, que la Belle posa sa tête sur ses épaules. Il eut alors le temps de regarder sa belle main. Sur celle ci, était dessiné un cœur. Très surpris et ému que la Belle lui prête enfin toute cette attention, il se risqua à lui demander quel était son symbole. Et elle de lui répondre, qu'un fait exceptionnel s'était déroulé la veille. Elle était semble t-il, tombée bien amoureuse. Elle n'avait aucune gêne, à en parler ainsi. Ainsi elle lui confia, que c'était bien de lui.

Alors notre petit homme, comprit là que son philtre, avait bien fonctionné, et qu'il en était riche, de sa trouvaille d'or. S'en suivirent mille passions, en l'espace d'une journée. Il touchait là les cieux, il rêvait éveillé et l'invita chez lui.

Seulement, il ne voulait pas que la Belle Jeanne se rende compte qu'il avait là dans son jardin, cette potion magique, de ce philtre d'amour. C'est pour cette raison, que d'air d'un fuyard, alors qu'elle dormait chez lui, il prit la tangente. Et il rasait les murs, avec son sac à dos, qui contenait bien cette potion d'amour. 

C'est qu'il avait eu l'idée du siècle, la verser dans la rivière qui alimenterait les robinets des ménages, espérant que les filtres qui décontaminaient l'eau n'ôterait rien de ce pouvoir magique. Mais il ne fallait surtout pas, que quiconque lui vole son sac, dans cette ville mal famée, où les petits se faisaient braquer. Il était de plus si fatigué, d'avoir autant réfléchi au devenir de cette potion ; et il se sentait coupable d'avance d'avoir le moyen de changer le cours du monde. Le fallait-il vraiment ? Ne devait-on pas laisser l'amour à l'aléas du hasard ? Mais que diable, il en croisait desdits. Il se rendit là compte qu'il avait grande mission. Peut-être que le philtre, allait apaiser les guerres, les violences, les tares. Peut-être que le philtre allait donner une couleur rose à la vie de beaucoup, de toute sa ville.

Alors, après avoir rasé tous les murs et s'être fait passé pour un vieillard défait et mal rasé qui de ce fait, ne pouvait avoir que du non luxueux dans son sac, il trouva la rivière et y fit couler l'or...L'or qu'il avait en litres, tant il avait espoir de rendre la vie merveilleuse.


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