Plume assassine

Ma plume est aiguisée, comme un samouraï prend soin de son katana, je fais tout pour entretenir mon arme.

Elle en a eu des feuilles à emplir, des cahiers à noircir, elle en a vu des idées noires, des idées rouge sang, qui sont bien heureusement resté seulement des idées.

Oui, je suis ce genre de personne trop calme, ce type qui est d'une détente totale en extérieur, alors qu'à l'intérieur un feu brûle plus fort que tout, qu'il explose, qu'il déverse Sa haine et sa colère...

Je prends alors la plume et j'assassine sur papier. Je maudis par le texte, laissant le karma s'occuper de ceux qui attisent ma colère.

Maugréant tous ces imbéciles heureux qui croient que tout leur est dû, abrutis par l'interminable sérénade qu'ils entendent chaque jour à la radio, à la télé... Entretenus dans ce monde violent, oppressant, malpolis, malhonnêtes, hypocrites, stupides et j'en passe...

Les comportements sont détestables, et parfois l'envie est là, de faire un geste, violent, une atrocité... Mais la modération est de mise dans un monde où tout est dans l'excès...

Je laisse le soin aux autres de se battre avec les poings, je n'ai pas l'esprit suffisamment étriqué pour me laisser aller à ces bestialités à la moindre contrariété. Je laisse les rats entre eux, me contentant de plaisirs simples, brisant cette colère qui gronde par des mots creux, par des textes emplis de haine et d'amertume. Je préfère me battre avec les mots, c'est à mon avis plus noble, bien que certains mots fassent plus de mal qu'un coup de dague dans la gorge, il est vrai que je préfère en découdre avec une plume bien acérée, qu'avec un poignard emoussé, les mots peuvent apporter la réflexion même s'ils sont parfois durs, crus, les armes, elles, n'apportent que peur et souffrance, que violences et vengeances, l'escalade de la haine, l'enchevêtrement de la bestialité primaire, le démon se réveille, et il emplit de sang sa coupe en la savourant, constant avec une froide délectation son oeuvre...

La mienne est en quelque sorte de ce niveau parfois, mais jamais de mal avec les poings, tout dans les mots, tout dans le verbe, la délicate caresse des mots qui dansent le long d'une feuille, qui l'aiguisent pour qu'elle fasse mal, qu'elle puisse apporter la colère froide de son auteur et toutes les nuances de sa furie et sa haine...

Je suis un démon des mots, armé d'un trident en plume ensanglantée.