Possédé par ELLE...2

leo

Mes cellules s’entrechoquent, mes neurones s’éparpillent, déstabilisé mon être perd pied.

La lumière blafarde, me plonge dans mes doutes, dans mon désordre intérieur  ou mille sentiments se dessèchent sous moult gravats. Je pourrais être jugé pour crime contre ma propre humanité. J’ai intentionnellement trafiqué ma propre  échelle de Richter afin de les condamner tous à ma réclusion criminelle à perpétuer. Coupables jusqu’au dernier de haute trahison pour m’avoir fait croire en l’amour, ils périront dans leur misérabilisme,  rampant inutilement, jusqu’à s’étouffer de tant d'efforts vains…

 Je la lorgne. ELLE est interdite, emmurée vivante dans mon quotidien. D’un sourire figé de regret, ELLE  sait que je partage son tombeau en mon mutisme. C’EN EST TROP. Je la saisie par le col, la secoue, lui claque mon revers de main en son recto  afin qu’ELLE ne puisse jamais plus enfanter de mes mots en son verso.

Bouffi de haine, je LA bats des mots qui lui auraient tant fait plaisir avant que je ne me révolte :

« Immondice, âme dégoulinant de gravelure, je songe au bâtard éhonté que je suis. Même un clébard ne consentirait pas à honorer mon vil Karma… on le retrouverait pendu à sa laisse, toute langue dehors, goûtant l’ultime amertume  de sa geôle constellée de salissure.

En sa mort il se remémorerait les moments forts de sa vie s’il avait accepté de m’incarner, reniflant des culs, rongeant jusqu’au sang son rêche pelage parasité, l’auto-léchage de couille et puis…cette idée saugrenue de pouvoir accepter d’être moi, qui le fit passer à trépas. Trop dur à accepter. Trop injuste… »

Mon esprit flotte un instant, désincarné. Il relit les ecchymoses du difforme visage de sa tant détestée.  Chaque bleu, sur la portée de ma symphonie souillé par l’abject, me font m’engoncer de nouveau dans mon corps. Je prends conscience de mes notes, indicibles puanteur en suspens, idiome olfactif vicié…J’enserre  l’arme du crime à pleine main et mutile les odieuses emphases, maquillant l’outrancier qui recouvre mes peines et referme mes deux mains sur son cou. Je LA pétrie  de rage  avant de fracasser ce qui n’est plus qu’une boule inerte contre le mur plein du salon. A l’impact, à peine un craquellement, ce petit rien dans ce déluge de violence, cet infime bruit qui interrompt l’horreur…

Je titube. Le mur soutient ma carcasse qui s’approche péniblement de la lampe. Je saisi l’interrupteur entre mon pouce et mon index  et brise la nuque de la clarté, pour que périsse l’ombre de ma folie.

 Mes larmes torrentielles ébouillantent mon visage, mes tympans pulsent au rythme de mes sincères regrets. Le flot emporte avec lui mes gravats intérieurs, libérant mon être des décombres apocalyptiques qui paralysaient ma raison.

Fébrile, je me relève, allume l’éclatante lumière du plafonnier, je repère ma bien aimée gisant sur le sol, la recueille au creux de mes mains. Je la dépose délicatement sur la table du salon qui fait office de bloc opératoire improvisé. Il me faut la sauver, coûte que coûte. De gestes très lents, je la déploie de toutes ses meurtrissures, la caresse de toute ma tendresse. Ma paume ouverte, j’aplani ses bosses. De ma gomme, je fais disparaître au possible ses cicatrices. Je lui pose une attèle : le petit robert des noms propres et son binôme de la langue française la lisse de toute la chaleur que leurs mots contiennent. Je feuillette le Bescherelle à la recherche des verbes réconfortants, lis deux poèmes pour faire fredonner mes excuses. Je la libère de son étau salvateur. Elle est pâle, me scrute encore sous le choc, immobile. Je la porte avec douceur sur notre couche, tamise la lumière et la ravive de tous mes souhaits :

« Serais-tu ma révolution intérieure ? Celle qui a su convaincre mes autres sentiments pour une marche pacifique vers ton cœur... ce coeur intrépide qui pourra renverser le régime totalitaire en place, destituer le tyran qui régnait en maître absolu sur le mien...

Serais tu mon big-bang ? Cette explosion titanesque qui fût le départ de la vie et du possible...

Serais-tu cette terre promise? Si souvent prisée et qui pourtant m’a toujours échappé...

Serais-tu cet Eden ? Promis aux êtres purs, en sentiments et en droitures...

Serais tu ce mirage ? Qui survient quand l’esprit de l’assoiffé, pour survivre, se crée de bonnes raisons de le faire...

 Serais-tu cette promesse que toujours l’on m’a faîte ? Un jour tu trouveras cette autre, unique, qui te correspond en tout point tout en étant différente, qui te seconde sans te materner, qui t’aime sans intérêt, juste pour TOI. Cette âme sœur qui ose s’engager à tes côtés, qui te fait son officiel et qui soit fière de te montrer tel quel aux yeux des autres qui la convoitent.

Tu es…je le sais... ce magnifique projet de vie »

Je lui promets que plus jamais une telle abomination n’arrivera, qu’elle est mon unique et véritable amour. Je l’assure d’être à son chevet, tout le temps dont elle aura besoin pour se remettre, mais je lui demande religieusement  de faire vœu de silence pour que vive  notre amour divin. Elle hoche la tête, jamais elle n’avait eu autant d’amour de ma part. Elle s’endort paisiblement  tel un ange des cieux s’envolant aux pays des songes, peuplés de mes convaincantes promesses.

Je me relève pour fumer une cigarette, qu’ELLE se repose bien... ELLE en aura bien besoin cette garce !

Post scriptum :

10% des femmes en couples sont battues suivant une récente étude et certains hommes subissent également des violences régulières de leurs compagnes.

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