Poupée.

Vos sarcasmes et mots d'esprit sont à la hauteur de votre passion amoureuse.

Celle-là c'est la meilleure !

J'espère que vous me pardonnerez mon audace misérable et opportuniste.

On ne pouvait pas mieux dire, quel culot !

Mes obligations professionnelles m'appellent à Milan. Si vous ne m'en voulez pas trop, voyez l'adresse ci-jointe et réfléchissez bien.

Quel salaud !

Je promets de me conduire en gentleman, si par bonheur on devait se revoir.

Si vous m'en voulez, sachez que j'en serai anéanti mais pas rancunier.

Manquerait plus qu'ça !

 Ceci pour vous éviter toute flagellation inutile ou culpabilisation.

Prétentieux et macho.

Votre dévoué préposé aux archives.

Le toast a atterri sur le tapis précieux de la chambre du palace. De colère, elle a écrasé les miettes et la confiture avec son talon.

J'espère bien que la note sera salée, comment me venger autrement pour l'instant.

La cathédrale de Milan l'envoûta aussitôt par ses rangées orgiaques de pinacles, de flèches et de statues. 

Comment cette forêt de merveilles sophistiquée pouvait-elle s'assembler si délicatement ? 

L'équilibre parfait des sillons de pierre blanche,où chaque plante, une à une, offrait au regard sa beauté originale, pour une moisson à jamais reportée.

Abondance vertigineuse, elle ne savait plus trop où poser les yeux, et pourtant toujours l'harmonie et la légèreté.

Le principe du holisme : le tout est plus grand que la somme des parties. Elle avait toujours été fascinée par ce concept.Il y avait là une cinquième dimension. Dans la perception immédiate, le temps ne comptait plus, ou se confondait avec l'espace.

Comme lorsqu'elle avait redessiné les jardins antiques.

Elle marchait au sommet, foulant des siècles de servitude. Elle avait son chapeau et croisait les touristes béats, avec leurs appareils photos jetables pour des souvenirs jetables.

Leurs sourires étaient sincères, quelle prétention de sa part. Elle aussi avait déplié les prospectus et potassé les guides. Les plans simplifiés des monuments à voir, des lieux pittoresques, de quelques points d'histoire, s'étalaient sur son lit, dans la chambre d'hôtel, comme des manuels de l'école primaire. Peut-être allait-elle en retenir quelque chose.

Elle était là depuis deux jours. Elle s'était donnée le temps pour entretenir l'illusion qu'elle maîtrisait l'affaire.

En fait, elle ne maîtrisait rien du tout. Le message bienveillant, en apparence, l'avait surtout convaincue qu'elle n'était qu'une idiote. On sait bien qu'on est manipulé, on connaît tous les rouages, et pourtant on se laisse engloutir.

Elle avait cédé lamentablement. Son malaise était feint. Il avait tout écrit, du début à la fin.

Elle suivait à la trace les dessins surle plan, pour être certaine d'avoir tout vu. Dans huit jours, ou peut-être quelques semaines, elle aura tout oublié.