Pour l'amour de Dieu!

Alison Pernet

Kevin Delacour est un adolescent provocateur qui n'hésite pas une seule seconde à dépasser les bornes pour que sa veuve de mère le réjouisse en s'énervant. Parfois il fait attention, aujourd'hui non.

 Kevin Delacour aimait beaucoup se comporter comme l'enfant le plus imparfait. Il savait le chagrin que cela causait à sa mère, mais, au fond, il aimait à tester son amour. Ce soit disant amour qui lui faisait regretter chaque jour que Dieu fait de l'avoir enfanté. Fervente croyante, il était assez aisé pour Kevin de faire tourner sa mère en bourrique et il lui suffisait généralement d'une seule entorse au règlement pour entendre ce « Pour l'amour de Dieu ! » qu'elle affectionnait tant. La pauvre Madame Delacour aurait tellement aimé avoir un garçon bien éduqué qui ne lui apporte pas uniquement chagrins et regards affligeants. Mais Kevin était joueur.

Un matin de février, alors qu'il était à court d'idée, Kevin alluma la télé et le programme diffusé fut une véritable révélation : l'homosexualité, fléau de toutes les religions. Il l'éteignit et se frotta presque les mains sous l'excitation et l'impatience. S'il était hétéro, Kevin se savait capable de dépasser les limites et il le fit, bien sûr. L'un de ses amis, fils de militaire, bien éduqué, premier de la classe et tout ce qui s'en suit était aussi le garçon le plus gay qu'il n'ai jamais rencontré et il se savait dévorer des yeux dès qu'il venait à le rencontrer ce qui, loin de le mettre mal à l'aise, l'avait toujours profondément enthousiasmé. C'est ainsi que Kevin se retrouva ici, face à ce garçon pour lequel il n'avait aucun penchant, à glisser son pied contre sa jambe pour la caresser doucement, le regard planté dans le sien, la langue couvrant sa lèvre supérieur alors que, devant lui, des glaçons nageaient tranquillement dans un coca qu'il n'avait pas encore touché. Conscient de son charme, il ne lui fallut pas plus de vingt minutes pour que son ami tombe dans le piège, il n'eut alors qu'à le ramener chez lui en faisait attention à l'heure : sa mère devait les surprendre avant que ça n'aille trop loin.

Ainsi, à 17h49 exactement, Kevin tira son ami dans le salon, ils s'assirent sur le canapé, leurs lèvres se lièrent et Kevin se surpris même à éprouver pour ce garçon un désir qu'il pensait inavouable. La main qui se glissa sous son haut lui sembla experte, il frissonna puis frémis, la caresse commençait à peine que la clef glissa dans la serrure, la porte se déverrouilla, il dut retenir le visage de son amant de la minute pour maintenir un baiser qui serait le déclencheur de cette mauvaise blague. La réaction de sa mère fut aussi surprenante que blessante : elle n'était pas seule. Derrière elle, son nouveau mari, devant elle le regard provocateur de son garçon dont les lèvres se détachaient à peine de celle de son ami. Celui ci fini par forcer suffisamment pour reculer son visage et s'extraire du contact brûlant, il se leva en s'excusant et lâcha un « je t'appellerais » avant de prendre la fuite.

« Kevin Mickaël Delacour ! »

Là, c'était le summum de la colère, elle avait dit son nom complet. Il n'avait pas peur d'elle, il savait qu'elle n'aurait pas la force de lui faire du mal : il se contenta de jubiler intérieurement. Le dégoût dans son regard, la grimace offusquée, les veines de sa gorge qui se tendent sous la colère refoulée. La phrase, au bout des lèvres, elles s'entrouvrent, le son va sortir et, sans qu'il ne le remarque à temps, un point s'abat sur son visage.

« Tu n'as pas honte de ton comportement ?! »

Tombé au sol, Kevin regarda l'homme qui l'avait ainsi frappé, il lui semblait immense, une montagne dressée au-dessus de lui. Le jeune garçon serra les poings, il ne faisait pas le poids contre lui mais il avait des arguments.

« Je vous poursuivrais en justice pour ça !

-Je ne pense pas, non, répliqua l'homme. Tu n'es pas majeur, tu n'as aucun droit. Vas dans ta chambre, nous déciderons de ton sort.

-« Aimes ton prochain », ça te dit rien ?

-Aimes tu le tien ? »

Kevin grogna et se releva, en tenant sa joue il se rendit dans sa chambre. Une fois assit sur son lit, il lui fallut un moment pour reprendre son calme et remettre ses idées en place, c'est ainsi qu'il se mit à réfléchir à la suite des événements : la probabilité que cette homme puisse influencer sa mère est assez élevée mais que lui ferait-il faire ? La réponse vint rapidement. Sa mère ouvrit la porte, les bras croisés sous sa poitrine, l'air apitoyé. Elle s'excusa, lui dit que ce n'était pas sa faute puis s'écarta pour laisser entrer l'Homme.

« Fais ta valise, tu n'as plus rien à faire ici. »

La plaisanterie avait été trop loin et, le pire, c'est que Kevin venait de réalisé à quel point il aimait ce garçon qu'il avait embrassé pour son simple amusement.

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