Pour qui voter?

divina-bonitas

Chronique politique- témoignage éducation

En ce qui me concerne, j'ai fait mon choix. Je ne voterai pas pour des gens qui annoncent des réformes de l'éducation visant à plus de sévérité, de devoirs à la maison en primaire, rendant l'école obligatoire à 5 ans, visant à exclure les ados agités vers des endroits censés "corriger" leurs comportements, imposant des semaines de stages dans des filières d'apprentissage au collège, une majorité de temps en primaire passé à apprendre à lire, écrire et compter, plus d'anglais, un projet parlant de mérite, d'excellence, d'efforts.


Ce genre de programme me fait dresser les cheveux sur la tête! 


Les enfants, j'en reçois tous les jours en consultation d'orientation, et s'ils viennent me voir, c'est souvent parce qu'ils sont en délicatesse avec le système scolaire. Mais le fond de cette situation ne relève pas d'un manque d'efforts et encore moins de la volonté d'être le cancre de la classe. Aucun enfant ne veut se faire tancer pour des résultats insuffisants ni voir ses copies émaillées de rouge et de points d'exclamation. Et plus on leur rappelle leur soi-disant manque d'effort, de concentration, de sérieux et d'application, de travail, parfois même en supposant des déficiences de mémoire et de compréhension, plus ils se sentent mal, dévalorisés, inutiles, et moins ils y arrivent. Beaucoup vivent des situations familiales compliquées, parfois cornéliennes, se sentent seuls et incompris, pas aimés, pas appréciés pour qui ils sont, n'en peuvent plus des remarques acerbes des uns et des autres, de cette pression mise au quotidien, de l'absence de reconnaissance de leurs difficultés très concrètes - tous les enfants atteints de troubles "dys" par exemple - mais aussi les précoces, ceux qui n'ont pas d'espace serein pour travailler chez eux, ceux qui sont trop perturbés sur le plan émotionnel pour se concentrer sur leurs devoirs...sans parler des rêveurs, des poètes, des Prévert en herbe que le rabâchage de toute notion fait s'évader par la fenêtre et dormir contre le radiateur.


Je suis une maman de quatre enfants. Je me suis gardée de les emmener tous les jours à la maternelle. Je n'y suis allée qu'une seule journée, une journée d'ennui absolu, bien moins passionnante que la vie avec ma grand-mère. On allait au marché. Grand moment d'apprentissages divers: lire les étiquettes, donner une somme au marchand, compter sa monnaie, composer des bouquets de fleurs artistiques, revenir et faire la cuisine, ranger les courses, commenter les infos, lire le journal avant de plonger dans les Malheurs de Sophie, faire du puzzle, un Scrabble, une partie de whist avec le grand-père, monter les mailles d'un tricot et se lancer dans sa première écharpe, construire une maison de poupées, coudre des vêtements pour Barbie...mais surtout, discuter, échanger, critiquer, s'interroger, à propos de tout, des petits et des grands évènements de la vie, sans oublier les câlins à l'odeur de lavande, le chocolat chaud et les biscuits dans le four en forme de bonhommes.


C'est ainsi que j'entrai au C.P en sachant lire, écrire, parler et bien compter, à 5 ans et demi, sans souffrir d'aucun apprentissage, encore moins de notes et de bulletins, ni de comptes-rendu sur ma personnalité.


Alors j'ai fait de même pour mes enfants. Des échanges, de l'attention, du dialogue, du temps avec eux, à jouer d'abord, des câlins, beaucoup de bisous et de je t'aime, du temps à se raconter des histoires, à parler de tout, à répondre à leurs questions, à chanter dans toutes les langues, à peindre et faire de la musique, en s'évitant au max les contraintes et la pression scolaire. J'avoue sans honte ni une once de remords ne pas les avoir envoyés à l'école certains jours, où ils ne se sentaient pas bien, étaient fatigués, avaient plus besoin de réconfort que de plus de je ne sais quoi d'abominable pour leur psyché. Un jour une enseignante leva la main sur mon dernier, sans le frapper mais tout de même, il etu très peur. J'ai appelé la directrice. Il n'a pas été au cours de physique-chimie pendant le dernier trimestre, se contentant de faire les contrôles avec les autres au lycée. Il finit premier dans cette matière en s'étant débrouillé avec les cours en ligne. Chaque fois qu'on m'a dit "il faut qu'ils arrêtent le sport et/ou la musique pour améliorer leurs moyennes", j'ai dit non. Chaque fois qu'il a fallu les changer d'établissements parce que ça devenait insupportable, je l'ai fait, même une fois en avril en cours de ce1. La maitresse privait mon fils de récréation et de sport pour lui faire faire des lignes d'écriture. Dramatique pour un dysgraphique. J'ai navigué à vue pendant des années, me faisant accuser d'entrainer mes enfants dans du nomadisme scolaire. Peu importe. Je n'ai jamais voulu que mes enfants détestent l'école ni y souffrent. Je ne crois pas qu'on apprend mieux, qu'on existe mieux, qu'on grandit bien dans la souffrance et le déni de ses propres ressentis. Les enfants ont une conscience aigüe de ce qui est bon pour eux et de ce qui ne l'est pas,  de leurs limites et de leurs besoins primaires. Il me semble pertinent d'en tenir compte.


Résultat de cette éducation souvent décriée: l'aînée est avocate, le second qui n'a pas été admis en Cap photo en fin de 3° à cause de sa moyenne de physique finit une licence pro de réalisation audiovisuelle pour devenir directeur de la photographie, le troisième est en médecine, le dernier en droit et se destine à la police. Deux ont eu leur bac S à 17 ans. Tous sont musiciens et pratiquent un sport, certains en compétition. Tous sont autonomes, souriants, sociables, respectueux, polis et aidants, vivent en dehors de la maison depuis le début de leurs études supérieures, travaillent dès qu'ils le peuvent, ont d'excellents rapports avec le monde du travail.


Alors non, je ne voterai pas pour des gens qui veulent que ça avance et prônent le changement en voulant le construire avec des idées éducatives des siècles passés à grand renfort de rigorisme.

J'ai toujours prôné le moins et le mieux avec plus d'humain et de souplesse, de gentillesse et de tendresse, de tolérance de la différence, d'écoute et de psychologie fine de l'enfance.

Si des enfants ne réussissent pas à l'école et/ou s'y comportent de façon inadéquate, il faut se poser les bonnes questions, lesquelles renvoient systématiquement sur des pédagogies inadaptées et/ou sur des problèmes familiaux. Mettre la pression sur l'enfant qui ne peut résoudre ces problématiques revient à lui maintenir la tête sous l'eau voire à la pousser dans ses derniers retranchements en lui faisant porter une responsabilité coupable qui n'est pas de son ressort. Le jour où l'on voudra vraiment donner à chaque enfant la même chance de réussite, on prévoira surtout de mettre un psy dans chaque école en plus d'un orthophoniste, d'un ergothérapeute et d'un psychomotricien.


Bref, il faut bien lire les programmes...!









  • Un avis très sensé, logique, argumenté. Oui, l'enfant SAIT ce qui est bon pour lui !

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Merci Astrov. Oui l'enfant sait ce qui est bon pour lui...beaucoup d'adultes feraient bien de s'en inspirer! Y compris certains de nos politiques qui cachent leur sensibilité sous des dehors hargneux et radicaux...

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      divina-bonitas

  • C'est tout ce que je voudrais. Mais seulepour en élever trois avec un boulot à temps plein, je fais comment Divina ? ; (

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Je me garderai bien de te dire comment faire...Chacun/chacune fait ce qu'il/elle peut en fonction des circonstances. Pour mes 2 derniers, je n'ai pas eu de congé de maternité du fait que j'étais gérante d'une SARL donc j'emmenais mes bébés au magasin et dans mon atelier...pas facile tous les jours, non plus que de les récupérer tous quand ils étaient scolarisés à 19h chez X nounous avant de faire 40mn de bagnole, devoirs, bouffe, bains...Pendant des années j'ai fait une croix sur le poste ménage/rangement, me contentant du minimum vital sanitaire en pratiquant cette assertion positive quand j'étais avec les enfants: "être ici et maintenant". Mon mari était un cadre dirigeant rarement là en semaine et crevé le W.E.
      Bon courage à toi, appelle-moi si tu veux...

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      divina-bonitas

  • Avis totalement partagé et surtout empreint de bon sens.. Un grand merci à toi

    · Il y a plus de 7 ans ·
    W

    marielesmots

  • Cela fait réfléchir et remet l'enfant au centre des préoccupations. Certains devraient retrouver leur statut d'enfant. Superbe témoignage, sensé et réaliste.

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Louis Marie Huberty

    • Merci de votre commentaire et de votre lecture. Oui, certains adultes devraient récupérer la part d'enfant en eux!

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      divina-bonitas

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