Pour un meilleur discernement de l'empire du mileu

petisaintleu

S'il vous prenait l'envie de lire l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours, il y a fort à parier que vous seriez circonspect quant à la véracité des faits rapportés par l'évêque. Il est de nos jours démontré par d'éminents spécialistes qu'ils sont pour la plupart des affabulations ou des arrangements à la gloire de la dynastie mérovingienne naissante. Remarquez, cela n'a pas empêché les historiens du 19e siècle de s'accaparer le sacre de Clovis ou le vase de Soissons pour abreuver durant des décennies nos chères têtes blondes et se reconstruire une hagiographie patriotique suite à la défaite de 1870. Je pourrais également citer Jeanne d'Arc qui, sans remettre en cause son état de pucelle, serait vierge d'un bon nombre d'exploits fomentés par Yolande d'Anjou, la belle-mère de Charles VII. Sacrilège suprême, il y a même de nos jours des exégètes pour s'interroger sur les miracles du Christ sans pour autant, précisons-le, remettre en cause son caractère divin.

Ainsi, il est indéniable que depuis la nuit des temps l'information a toujours été largement habillée d'une part de subjectivité. Le terme de mensonge serait impropre, dans la mesure où il faut tenir compte de la mentalité des scribes ou des chroniqueurs et du contexte de l'époque. Il serait injuste de les critiquer à l'aune de notre millénaire.

Dès lors, en quoi serions-nous aujourd'hui exempts de toute partialité ? À l'heure des réseaux sociaux, tout un chacun est en mesure d'avoir son quart d'heure de gloire médiatique. Je ne jetterais pas l'opprobre sur ces Albert Londres de pacotille, car ils sont à mes yeux les héritiers des colporteurs qui durant des siècles obscurs se sont battus, souvent au péril de leur vie, pour faire valoir leurs opinions sous le couvert de pamphlets, de comptines (le Bon roi Dagobert en est une bonne illustration) ou de fables.

Toutefois, comme le dirait une amie qui se refuse à tout hyménée avec Facebook, Instragam ou Twitter, il faut se méfier des bytes qui grossissent et déforment les media. Force est de constater que la rumeur d'Orléans se diffuserait désormais à la vitesse de la fibre et que, dans les minutes qui suivrait sa diffusion, les cabines d'essayages d'Auckland, de Rio ou de Moscou seraient hantées de proxénètes armés de seringues aux injections hypodermiques.

Les réseaux sociaux sont la liberté, celle de pouvoir diffuser et commenter l'information à l'infini. Certes. Mais elle revêt également sa part de dangers, à savoir détruire des réputations voire des vies. Il suffit d'un clic malveillant pour que des Panurges moutonnent sur la toile et prennent toute information pour paroles d'Évangile.

Albert Sauvy – un illustre inconnu pour moi jusqu'à ce que je trouve une de ses citations sur un site spécialisé – a écrit : « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets ». Dans les régimes totalitaires, les masses ont été confrontées à la propagande et bien rares sont les femmes et les hommes qui ont eu assez de discernement et de courage pour s'attaquer au poison qui a conduit des nations aux plus abjectes comportements.

Il est donc de notre responsabilité que nous prenions en considération tous ces éléments et à l'avenir de tourner sept fois sa souris sur le tapis pour ne pas risquer de provoquer des dommages qui pourraient s'avérer irréversibles.

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