Princesse Brouillon

Cyrille Royer

La théorie du genre s'invite dans une petite fable.

            Il était une fois dans un lointain pays une princesse qui n'était pas comme toutes les autres princesses. Cette princesse-là n'aimait pas se faire belle ou se maquiller, ou encore passer une nouvelle robe pour aller au bal. Elle n'aimait pas prendre le thé en agréable compagnie, ni aller au spectacle le soir. Ce qu'aimait faire cette princesse, c'était courir dans les bois avec les animaux. Elle aimait boire de la bière et jouer au foot avec les villageois, et pour toutes ces raisons, on la surnommait Princesse Brouillon.

 

            Princesse Brouillon habitait le royaume de Coquelicot. Son père, le roi de Coquelicot, s'amusait à faire la guerre, surtout avec le roi de Nénuphar qui habitait le royaume d'à côté. Le roi aimait beaucoup sa fille, même s'il s'inquiétait un peu pour son avenir : saurait-elle trouver un mari assez solide pour la supporter ?

            Ce matin-là, le roi était très en colère dans la salle du trône. On l'entendait crier jusque dans la cuisine où Princesse Brouillon terminait son petit déjeuner.

-         Ben dis donc, ça barde, qu'est-ce qui se passe ? demanda la princesse à sa mère.

-         Oh, tu sais, moi, la politique… Qu'est-ce que tu comptes faire aujourd'hui, ma belle ?

-         Aujourd'hui, je vais courir à travers les bois.

-         Oh non ! Tu vas revenir avec les genoux tout écorchés, et ta robe, qui c'est qui va la repriser, hein ?

-         Je t'aime, maman, à ce soir ! dit la princesse en embrassant sa mère.

            La princesse avait disparu. Elle s'arrêta devant la salle du trône où son père était en train de fustiger Dupognon, le ministre des finances.

-         Je vais courir dans les bois, papa, à ce soir !

-         Ne rentre pas trop tard, hein !

            Mais la princesse était déjà loin. Le roi se retourna vers Dupognon.

-         Il me faut beaucoup d'argent pour gagner la guerre. Comment voulez-vous que je fasse si le trésor est vide ? Vous voulez que je perde la bataille contre le roi de Nénuphar ou quoi ?

-         Je ne comprends pas ! Mes gardes sont passés chez les villageois pas plus tard qu'hier pour récolter les impôts !

-         Eh bien suivez-moi dans la salle du trésor, vous verrez si le trésor n'est pas vide.

            Le roi se dirigea vers la salle du trésor à grandes enjambées, suivi par Dupognon qui trottinait. Le roi ouvrit grand la porte, et montra la grande salle vide. Seule une petite souris sortit d'une malle vide posée au milieu de la pièce.

-         Vraiment, je ne comprends pas, balbutia Dupognon. Hier soir encore, cette salle regorgeait de richesses !

-         Eh bien aujourd'hui, elle est vide, constata le roi.

-         Pardon, demanda une voix derrière eux.

            C'étaient les gardes de Dupognon qui revenaient les bras chargés de trésors. Très travailleurs, ils allaient tous les jours récolter des impôts chez les villageois.

-         Oui, posez ça là, dit Dupognon en s'écartant. Je suis sûr que c'est un voleur qui a fait le coup, ajouta-t-il à l'intention du roi.

-         Eh bien tâchez de le démasquer rapidement, sinon c'est vous qui le paierez très cher.

            Et le roi s'éloigna dans un grand claquement de cape.

 

            Le soir même, Dupognon décida de passez la nuit dans la salle du trésor pour découvrir qui pouvait bien être le voleur. Il se dissimula dans la malle du milieu de la salle en chassant la petite souris, et là, il attendit, il attendit… longtemps. À peu près au milieu de la nuit, il vit à travers le trou de la malle un tapis bouger, puis se soulever. Par une trappe ouverte, une personne monta dans la salle du trésor. Dupognon la reconnut immédiatement : Princesse Brouillon ! Ainsi, c'était elle qui subtilisait le trésor du royaume ! Il voulut sortir tout de suite pour la prendre sur le fait quand il vit la princesse se pencher au dessus de la trappe :

-         C'est bon, Grag, tu peux venir, il n'y a personne !

            Alors Dupognon vit passer par la trappe une tête énorme, la tête d'un dragon comme il n'en avait jamais vu, et il se mit à trembler comme une feuille. Il n'avait tout à coup plus très envie de sortir. Le dragon passa son corps immense dans la salle du trésor en regardant tout autour de lui :

-         Pfff, il y en a encore plein, j'en ai marre de vider cette salle toutes les nuits !

-         Allez, presse-toi, Grag, il faut qu'on ait fini avant que le jour se lève.

            La princesse et le dragon se mirent à rassembler le trésor dans un grand sac qu'ils avaient apporté. Grag montra la malle dans laquelle Dupognon tremblait toujours.

-         Ça bouge là-dedans ! Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans cette malle ?

-         C'est rien, Grag, c'est juste une petite souris. Allez, faut qu'on y aille maintenant.

            La princesse grimpa sur le dos du dragon qui prit le grand sac dans ses pattes et s'envola par la fenêtre. Dupognon sortit de sa malle comme un diable : il avait eu chaud. Intrigué, il s'approcha de la trappe par laquelle les deux complices étaient arrivés. Il y avait une grande échelle qui descendait. Il descendit cette échelle et se retrouva dans une salle aussi grande que la salle du trésor. Dans un coin, il y avait de la paille avec un petit dragon en peluche : c'était la preuve que le dragon habitait là.

            Dupognon sortit par une porte et se retrouva dans les sous-sols du château. Jamais il ne se serait douté qu'un dragon pouvait habiter dans les propres caves du château ! Furieux, il décida d'aller dénoncer immédiatement Princesse Brouillon auprès du roi. Puis, il réfléchit. Le roi adorait sa fille, et jamais il n'accepterait qu'on dise du mal d'elle, et il préférerait sûrement chasser Dupognon plutôt que de punir sa fille.

            Alors, il réfléchit encore. Puis il ricana, car il venait d'avoir une idée diabolique.

 

            Le même soir un peu plus tard, Grag et Princesse Brouillon prenaient une bière chez le dragon.

-         Ils étaient contents qu'on leur rende leur argent, les villageois, dit la princesse en rotant.

-         Quand même, répondit Grag en rotant lui aussi, il serait fumasse, ton père, s'il savait que tu vides la salle du trésor toutes les nuits.

-         Bah ! Il a qu'à pas faire la guerre, ça lui coûterait moins cher !

-         Ouais, mais quand même, il se donne du mal pour prendre l'argent des autres.

-         On verra ça demain, dit la princesse en baillant. Je suis naze, moi, je vais me coucher.

-         Bonne nuit, ma vieille, dit Grag en s'étirant sur sa paille.

            Et les deux amis se quittèrent pour la nuit.

 

            Le lendemain matin, Princesse Brouillon passa encore devant la salle du trône avant de sortir. Le roi était là, avec son ministre des finances, le fourbe Dupognon.

-         Tu vas courir dans les bois ? demanda le roi à sa fille.

-         Pas aujourd'hui, papa, aujourd'hui je fais un tournoi de foot avec les villageois !

-         Tâche de gagner, ma fille !

-         Ouais, comme d'hab ! dit la princesse.

            Et elle partit au petit trot en dribblant avec son ballon de foot. Le roi poursuivit sa discussion avec Dupognon.

-         Alors vous me dites que vous avez découvert le voleur de trésor ?

-         Oui, sire, c'est un dragon.

-         Un dragon ? Je ne savais pas qu'il y en avait encore dans le royaume. Je vais ordonner à mon armée de le pourchasser et de le détruire.

-         Non, sire, j'ai une meilleure idée. Pourquoi ne demandez-vous pas à de preux chevaliers de combattre le dragon en échange d'une promesse de mariage avec votre fille Princesse Brouillon ?

-         Ah ? Vous croyez que des chevaliers voudraient tuer un dragon pour épouser ma fille ?

-         Votre royaume est grand et prospère, je suis sûr de trouver des candidats. Et vous aurez bientôt besoin d'un gendre puissant pour vous aider à gouverner.

-         Ma foi… Vous avez peut-être raison. Je vais prévenir la princesse de cette décision.

-         Non, non, non, non, non ! s'empressa Dupognon, il faut lui faire la surprise, je suis sûr que ça va lui faire plaisir !

-         Vous voilà devenu fin et délicat, Dupognon, je suis très fier de vous. Très bien, je vous laisse organiser ce petit concours.

            Le roi quitta Dupognon en le tapotant dans le dos. Dupognon se frotta les mains, très content de lui.

 

            Quelques jours plus tard, un homme se présentait au château de Nénuphar, et demandait à voir le roi. Cet homme était l'espion du roi de Nénuphar au royaume de Coquelicot. Grâce à cet espion, le roi de Nénuphar pouvait connaître à l'avance tous les plans que préparait son meilleur ennemi, le roi de Coquelicot.

            L'espion fut conduit au roi qui l'accueillit :

-         Bonjour, cher ami ! Alors, quelles sont les nouvelles du royaume de Coquelicot ?

-         Elles sont bonnes, sire. Dupognon, le ministre des finances, organise un concours. Il s'agit de tuer un dragon pour épouser la fille du roi, Princesse Brouillon.

-         Ah ? Et en quoi est-ce une bonne nouvelle ?

-         Eh bien, j'ai pensé à votre fils. Si votre fils pouvait tuer le dragon et épouser Princesse Brouillon, le royaume de Coquelicot passerait dans la famille, et vous pourriez contrôler les deux royaumes.

-         C'est une bonne idée… Le problème, c'est mon fils.

-         Pourquoi ça ?

-         Suivez-moi, vous allez comprendre.

            Le roi de Nénuphar quitta la salle du trône, suivi de son espion. Il s'arrêta devant le salon et appela sa femme :

-         Dis donc, ma chérie ! Il est où, ton fils ?

-         Dans son atelier, où veux-tu qu'il soit ? répondit la reine en haussant les épaules.

-         Suivez-moi, répéta le roi à son espion.

            Ils sortirent tous les deux dans le jardin et se dirigèrent vers la serre. Ils entrèrent.

-         Bonjour, mon fils, je veux te présenter quelqu'un.

-         Oui ? dit le prince en levant de grands yeux bleus.

            Le prince était là, au milieu de la serre et un peu maigre dans sa salopette, entouré de milliers de fleurs. Ce prince n'était pas un prince comme tous les autres princes. Ce prince-là n'aimait pas faire la guerre, ni combattre dans les joutes, et encore moins tuer les dragons. Ce qu'aimait ce prince-là, c'étaient les fleurs, rien que les fleurs et toujours les fleurs. Il passait son temps à les arroser, les bichonner, et il inventait même de nouvelles espèces. Pour toutes ces raisons-là, on le surnommait Prince Violette.

            Le roi de Nénuphar aimait beaucoup son fils, même s'il s'inquiétait un peu pour son avenir : quelle femme pourrait tomber amoureuse d'un jardinier ?

-         Cet homme vient du royaume de Coquelicot, dit le roi en montrant l'espion à son fils. Là-bas est organisé un petit concours. Il faut juste tuer un petit dragon pour épouser une princesse très, euh… très gentille. Ça te plairait de te marier ?

-         Ça ne m'arrange pas trop, dit le prince en faisant la moue. J'ai toutes mes fleurs à arroser, et en plus, je suis sur le point de créer une nouvelle variété de tulipe.

-         Assez avec tes fleurs ! hurla le roi. Tes fleurs, tes fleurs, tes fleurs, y en a marre de tes fleurs ! Je suis ton père, oui ou non ? Alors si j'ai dit que tu irais tuer ce dragon, tu iras tuer ce dragon ! C'est clair ?

-         Bon, d'accord, ne te fâche pas, papa, dit le prince avec ses grands yeux bleus. J'irai tuer le dragon, et après je reviendrai m'occuper de mes fleurs.

 

            Encore quelques jours plus tard, au royaume de Coquelicot, Princesse Brouillon passait devant la salle du trône quand son père l'appela. Elle entra et aperçut Dupognon, ainsi que trois chevaliers costauds et armés de pied en cap.

-         Ma fille, déclara le roi, notre royaume est sous la coupe d'un dragon qui pille notre trésor, et ces trois jeunes gens se proposent de le combattre. J'ai moi-même pensé que celui qui y parviendrait serait digne de t'épouser. Je suppose que tu es flattée de ma décision ?

            Princesse Brouillon regarda Dupognon qui souriait méchamment dans son coin. Evidemment, c'est lui qui avait tout manigancé ! Mais Princesse Brouillon n'était pas née de la dernière pluie, et elle avait plus d'un tour dans son sac.

-         Hardi, mes bons compagnons ! clama-t-elle à l'intention des trois chevaliers. Je sais, moi, où se trouve le dragon ! Il habite dans une caverne sur la plus haute montagne à l'autre bout du royaume ! Suivez-moi, mes braves, je vais vous conduire jusqu'à sa tanière !

-         Ouais ! hurlèrent les trois chevaliers en se ruant sur les traces de la princesse.

            Et avant même que quelqu'un ait pu prendre la parole, l'équipée sauvage galopait déjà hors du château vers l'autre bout du royaume. Dupognon blêmit, il savait très bien qu'il ne fallait pas aller si loin pour trouver le dragon, mais bien sûr, il ne pouvait rien dire. Le roi, lui, était très content.

-         Le dragon sera mort avant ce soir. Vous avez fait du très bon travail, Dupognon, je vous félicite. Je crois que je vais pouvoir préparer tranquillement ma prochaine bataille contre le roi de Nénuphar.

            Il sortit en claquant sa cape. Dupognon rongeait son frein quand il entendit une voix lui demander :

-         C'est ici, pour le dragon ?

            Il leva la tête. Il vit un chevalier avec de grands yeux bleus, un peu maigre dans ses habits de chevalier et avec une fleur accrochée à son armure. C'était Prince Violette. Il était arrivé exprès en retard, en se disant que comme ça, il n'aurait pas à tuer le dragon et il pourrait rentrer plus tôt pour s'occuper de ses fleurs.

-         Non, parce que si c'est trop tard, ce n'est pas grave, poursuivit le prince, moi je passais comme ça, au cas où, mais si quelqu'un d'autre est occupé à tuer le dragon, je ne veux surtout pas déranger.

-         Mais vous ne dérangez pas du tout, au contraire ! dit Dupognon en poussant Prince Violette vers l'escalier du sous-sol. Venez avec moi, je vais vous montrer où est le dragon.

-         Ah ? Vous avez rangé votre dragon à la cave ? C'est fou ce qu'on peut entreposer dans une cave, on n'a pas idée.

            Les deux hommes descendirent et s'arrêtèrent devant la porte de l'appartement de Grag.

-         Voilà, dit Dupognon un peu essoufflé, le dragon est derrière cette porte. Vous entrez, vous le tuez et vous épousez la princesse.

-         Euh… Vous êtes sûr que vous ne voulez pas y aller, vous ? Comme ça, vous pourriez épouser vous-même la princesse !

-         Ah non, merci ! dit Dupognon en ouvrant la porte et en poussant le prince à l'intérieur.

            À l'intérieur, Grag faisait sa sieste. Il leva la tête, moitié endormi.

-         Qu'est-ce que c'est ?

-         Bonjour, dit le prince. Je suis venu pour vous tuer, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

-         Tu veux me tuer, petit bonhomme ? dit Grag en approchant sa grande gueule de Prince Violette.

-         Euh… Notez bien que si ça ne vous arrange pas trop, je comprends tout à fait. Moi-même, ça ne m'arrange pas tellement, en fait, parce que je n'aime pas trop tuer les gens, ni les dragons, ni personne, d'ailleurs. Moi, ce que j'aime, c'est les fleurs. Toutes les fleurs et rien que les fleurs.

-         Je ne comprends rien à ton charabia, dit Grag en se grattant la tête. Je vais te faire prisonnier, et je réfléchirai ensuite.

-         Bon, d'accord, dit Prince Violette. Vous pourrez me libérer pas trop tard pour que je puisse arroser mes fleurs ?

            De l'autre côté de la porte, Dupognon avait tout entendu. Il comprit que ce drôle de chevalier n'aurait jamais le courage de tuer le dragon. Comme il n'avait finalement pas non plus le courage de tuer le dragon lui-même, il préféra appeler ses gardes pour faire le travail à sa place. Les gardes se ruèrent dans l'appartement de Grag.

-         C'est lui le dragon voleur de trésor ! hurla Dupognon derrière ses gardes. Tuez-le sans pitié !

-         On ne peut jamais être tranquille, ici, grogna Grag.

            Il attrapa Prince Violette entre ses pattes et s'envola par la fenêtre.

 

            Il atterrit un peu plus loin dans la forêt. Là, il tomba sur Cricri l'écureuil et Lisette, la fille de l'aubergiste. Cricri et Lisette étaient les meilleurs amis du monde, et on les voyait rarement l'un sans l'autre, un peu comme Grag et Princesse Brouillon, en fin de compte.

-         Bonjour les amis, leur dit Grag.

-         Bonjour, dit Lisette.

-         Cricri, dit Cricri.

-         Ça veut dire bonjour, dit Lisette.

-         J'ai un prisonnier, dit Grag, je vais l'attacher à un arbre. Par contre, il faudrait que quelqu'un porte un message au château pour Princesse Brouillon, qu'elle sache que je suis ici. Moi, je ne peux pas y retourner. L'un de vous deux peut s'en charger ?

-         Cricri peut y aller, dit Lisette, il grimpera sans problème le mur du château.

-         Cricri, approuva Cricri.

 

            Princesse Brouillon rentra tard au château ce soir-là. Toute la journée, elle avait promené les trois chevaliers d'un bout à l'autre du royaume. Au premier chevalier, elle avait dit de sauter par-dessus un ravin, mais le chevalier était tombé, et il s'était cassé la jambe. Au second, elle avait dit de foncer dans une grotte, mais le plafond était trop bas : le chevalier s'était cogné la tête et s'était assommé. À la fin de la journée, le troisième chevalier avait faim. Princesse Brouillon lui avait dit de manger des champignons, et il était tombé malade. Elle venait de le conduire lui aussi à l'hôpital, et rentrait enfin au château.

            Elle passa à l'appartement de Grag mais ne vit personne. Elle monta à la salle du trésor et prit ce qu'elle put dans son petit sac. Elle redescendit à l'appartement de Grag, et là, elle entendit un petit bruit.

-         Grag ? demanda-t-elle.

-         Cricri, répondit une petite voix.

-         Ah, c'est toi, Cricri, dit la princesse en reconnaissant l'écureuil. Tu sais où est Grag ?

-         Cricri, dit Cricri.

-         Hein ? Qu'est-ce que tu dis ?

            Princesse Brouillon ne savait pas parler l'écureuil. Elle se demanda pourquoi les enfants apprenaient à parler anglais à l'école, ils feraient mieux d'apprendre à parler écureuil, ce serait bien plus utile. Cricri avait beau expliquer, la princesse ne comprenait rien. Il finit par lui montrer la corde qu'il avait apportée, et la princesse comprit qu'il fallait qu'elle sorte discrètement par la fenêtre en se laissant glisser le long du mur. Princesse Brouillon attacha la corde, mit le sac sur son épaule, Cricri sur le sac, passa par la fenêtre et commença à descendre le long de la corde. Au bout, elle sauta les deux pieds dans le fossé.

-         Zut, zut zut, zut, zut ! grogna-t-elle en ressortant de l'autre côté du fossé les bottes pleines d'eau.

            De l'autre côté du fossé, elle retrouva Lisette.

-         Venez vite, princesse, lui dit Lisette, Grag vous attend dans la clairière de la forêt.

            Les trois amis se rendirent à la clairière. Grag avait fait un feu de camp.

-         Salut, princesse. Content de te revoir.

-         Qui c'est, celui-là ? demanda Princesse Brouillon en apercevant Prince Violette attaché à un arbre.

-         Oh ! Lui ? C'est mon prisonnier. Il voulait me tuer, dis donc, tu te rends compte ?

-         Oui, en fait, comme j'expliquais à votre ami, ajouta Prince Violette, c'est ce qu'on m'avait demandé, mais moi je ne voulais pas tellement, en fait, je n'aime pas trop tuer les gens, en fait, moi, ce que j'aime, c'est les fleurs, vous comprenez, princesse ? dit-il en levant ses grands yeux bleus vers elle.

            En voyant les yeux du prince, Princesse Brouillon se sentit toute bizarre à l'intérieur. Elle avala sa salive au lieu de cracher par terre comme elle faisait d'habitude, et se tourna vers son ami Grag.

-         Il n'a pas l'air très dangereux, on pourrait peut-être le détacher ?

-         Ah, ces humains ! dit Grag en haussant les épaules. Tu verras, dès qu'il aura les mains libres, il prendra la poudre d'escampette.

-         Mais non… dit Princesse Brouillon en détachant le prince.

-         Merci, princesse, dit Prince Violette. Pour vous remercier, j'ai un petit cadeau pour vous.

            Il fouilla dans ses affaires et sortit un pot de fleurs vide. Il mit la main dans sa poche et jeta une petite graine dans le pot. Aussitôt apparut un magnifique tournesol.

-         C'est une graine auto-poussante, dit le prince. Jusqu'à maintenant, je ne savais pas pour qui j'inventais des fleurs, mais maintenant, je sais pour qui je le fais.

            Princesse Brouillon prit le pot. À cet instant précis, un cavalier surgi de nulle part traversa la clairière, emporta Prince Violette sur son cheval et disparut dans les bois, laissant Princesse Brouillon bouche bée avec son pot de fleurs.

-         Tu vois, dit Grag, je te l'avais bien dit, qu'il s'enfuirait.

 

            Un peu plus loin dans les bois, le mystérieux cavalier avait arrêté son cheval, et fait descendre Prince Violette.

-         Vous n'avez plus rien à craindre maintenant, je vous ai tiré des griffes de ces brigands.

            Prince Violette le reconnut : c'était l'espion que le roi de Nénuphar lui avait présenté.

-         Le roi votre père m'a ordonné de veiller discrètement à votre sécurité, dit l'espion. Je vais pouvoir vous reconduire jusqu'à lui.

-         Retourner près de mon père ? Mais jamais de la vie, je veux rester ici ! Je suis tombé amoureux de Princesse Brouillon !

-         Ah ? Voulez-vous que je tue le dragon pour vous permettre d'épouser la princesse ?

-         Tuer Grag ? Mais vous n'y pensez pas, voyons ! C'est le meilleur ami de la princesse ! Vous croyez qu'elle voudra m'épouser si je fais tuer son ami ?

-         Ah, j'en ai marre ! Ça ne marche jamais comme on veut, dans ce métier ! Puisque c'est comme ça, je ne veux plus être espion, je vais changer de métier !

-         Ah bon ? Et qu'est-ce que vous voulez faire ?

-         Conducteur de train, répondit l'espion avec des étoiles dans les yeux. Depuis que je suis tout petit, j'adore les trains et j'ai toujours rêvé d'en conduire un.

-         Eh bien, bonne chance dans votre nouvelle vie, lui dit Prince Violette. Moi, je vais vivre la mienne auprès de Princesse Brouillon.

            Et les deux hommes repartirent chacun de leur côté.

 

            Dans la clairière, Grag, Princesse Brouillon, Cricri et Lisette avaient rassemblé leurs affaires et commençaient à partir.

-         Allons chez ton père, avait dit Grag à Lisette, nous y serons mieux pour discuter.

            Ils s'éloignaient quand Prince Violette les rejoignit.

-         Eh, attendez-moi ! leur cria Prince Violette en courant derrière eux. Je viens avec vous !

-         Tu vois ? dit la princesse au dragon. Je savais bien qu'on pouvait lui faire confiance.

-         Ouais, c'est ce qu'on verra, répliqua Grag. Qui sait quel coup fourré il nous mijote…

            Grag prit tout le monde sur son dos et s'envola. Princesse Brouillon en profita pour lancer le peu de trésor qu'elle avait sur elle aux villageois en bas. Prince Violette lançait des graines auto-poussantes pour fleurir leurs maisons.

            Arrivé à l'auberge, Grag descendit tout le monde. Il passa sa tête par la fenêtre, car il était tellement grand qu'il ne pouvait pas rentrer dans la petite auberge.

-         Une bière ! commanda-t-il.

-         Une bière ! commanda Princesse Brouillon en passant par la porte, suivie de ses amis. Et vous, qu'est-ce que vous prenez, Prince Violette ?

-         Du jus de myrtille, s'il vous plaît. Avec une paille.

-         Bonjour princesse, bonjour les amis, dit l'aubergiste en servant du lait de noisette à Cricri et Lisette. Ça va mal, par ici. Les hommes de Dupognon sont passés et nous ont pris tout ce qui nous restait.

-         Il commence à nous faire suer, celui-là, dit Princesse Brouillon. Cette fois-ci, je retourne au château et je le dis à mon père.

-         Votre père n'est pas au château, dit un homme assis à une table. J'en viens, moi, du château. Je suis troubadour et je venais proposer mes services, mais votre père est parti à la frontière avec son armée, car le roi de Nénuphar lui a déclaré la guerre. Il accuse votre père d'avoir enlevé son fils, Prince Violette.

-         C'est moi ! dit Prince Violette en faisant des bulles avec sa paille.

-         Dupognon en a profité pour se proclamer roi, et il a enfermé votre mère dans sa chambre, continua le troubadour. Et moi, il n'a pas voulu m'engager parce qu'il me trouvait trop cher.

-         Il faut absolument rattraper mon père, et le prévenir de ce qui se trame ici. Mais qui peut y aller sans se faire repérer par les gardes de Dupognon ?

-         J'ai une idée, dit Lisette, Cricri peut s'en charger, il est très fort pour porter les messages.

-         Oui, mais si le roi ne comprend pas l'écureuil ? demanda Grag.

-         J'ai une autre meilleure idée, dit Lisette. Je peux accompagner Cricri. Comme ça, Cricri donne le message au roi, et si le roi ne comprend pas l'écureuil, eh bien moi, je lui dis ce que Cricri a voulu lui dire.

-         Ça me paraît très astucieux, dit l'aubergiste.

-         De nos jours, il est très important de savoir parler l'écureuil, ajouta Princesse Brouillon. Très bien, Cricri et Lisette, vous partirez demain matin, il se fait tard. Nous, nous irons au château pour essayer de délivrer ma mère.

-         Vous pourrez compter sur les villageois pour vous aider, dit l'aubergiste. Je vous prépare des chambres, il faut que tout le monde soit en forme demain. Grag, tu pourras dormir dans l'étable.

-         Tout le monde au lit, dit Princesse Brouillon. Vous aussi, Prince Violette.

-         Attendez, j'ai pas fini mon jus de myrtille.

 

            Le lendemain matin, Cricri et Lisette partirent vers la frontière pour alerter le roi de Coquelicot. Grag, Princesse Brouillon et Prince Violette se dirigèrent quant à eux vers le château, suivis par tous les villageois. Arrivés au château, ils virent les gardes de Dupognon bien alignés sur les remparts. Dupognon lui-même gesticulait à la fenêtre de la salle du trône :

-         Ne venez pas prendre mon argent ! C'est mon argent, vous me l'avez donné ! Et maintenant, je suis le roi !

-         Complètement fou, celui-là, dit Princesse Brouillon. Grag, essaie d'attirer leur attention. Pendant ce temps-là, Prince Violette et moi, nous allons passer par derrière pour entrer dans le château et délivrer ma mère.

-         D'accord, dit Grag.

            Grag se pencha vers le troubadour et lui glissa un mot à l'oreille. Le troubadour prit un micro et annonça :

-         Et maintenant, mesdames et messieurs, Grag le dragon va vous interpréter « Le Lac des Cygnes », un ballet enflammé et aérien !

            Le troubadour mit un CD et la musique commença. Grag s'éleva dans les airs et exécuta de gracieuses circonvolutions.

-         Oooooh ! s'écrièrent les gardes de Dupognon en applaudissant.

-         Mais non ! hurla Dupognon. Vous n'avez rien compris ! C'est un ennemi ! Il faut l'attaquer !

            Pendant ce temps, Princesse Brouillon et Prince Violette se retrouvaient derrière le château en face d'un mur infranchissable.

-         J'ai peut-être une idée, dit Prince Violette.

            Il fouilla dans sa poche et sortit une petite graine.

-         C'est un ami qui m'a offert cette graine, on peut essayer…

            Il jeta la graine par terre. Aussitôt, un haricot géant poussa de terre et monta jusqu'en haut du mur.

-         Impressionnant, dit Princesse Brouillon. Comment il s'appelle, votre ami ?

-         Jack, répondit Prince Violette. Je vous aide à grimper, princesse ?

-         Peuh ! fit Princesse Brouillon.

            Et en un rien de temps, elle fut en haut du mur.

-         Alors ? lança-t-elle de là-haut. Vous venez ?

-         J'arrive…

            Princesse Brouillon dit au prince une fois qu'il fut monté :

-         Je vais délivrer ma mère. Vous, montez jusqu'au donjon, et vérifiez que personne ne puisse s'approcher du gros canon. Ce serait trop dangereux si quelqu'un venait à s'en servir. On se retrouve devant la salle du trône.

            Le prince et la princesse partirent chacun d'un côté. La princesse arriva devant la porte de la chambre de sa mère. Par chance, elle n'était pas gardée, et la clé était dans la serrure. Elle ouvrit et appela :

-         C'est moi, maman ! Je suis venu te sortir de là, viens vite !

-         Ah ! Pas trop tôt… Ce Dupognon, quand même, j'aurais deux mots à lui dire sur ses bonnes manières.

            Princesse Brouillon emmena sa mère vers le mur de derrière et la fit sortir dehors en descendant le haricot magique. Une fois sa mère hors du château, elle se dirigea vers la salle du trône. Là, elle retrouva Prince Violette qui se cachait derrière un mur, car la porte de la salle du trône était bien gardée.

-         Zut ! dit Princesse Brouillon. Il faut absolument que j'entre dans la salle du trône. Il n'y a personne à côté du canon du donjon, au fait ?

-         Non, personne. Et ne vous inquiétez pas pour ces gardes, je vais les occuper, ajouta-t-il en montrant les gardes de la salle du trône.

            Le prince sortit de sa cachette et se montra devant les gardes :

-         Bonjour, les garçons ! Vous connaissez l'histoire de la petite fille triste qui avait perdu sa maman ?

-         Non, répondirent les gardes.

-         Alors installez-vous, je vais vous la raconter.

            Les gardes s'assirent en rond autour de Prince Violette qui commença son histoire. Princesse Brouillon en profita pour se faufiler dans la salle du trône. Dupognon criait toujours à la fenêtre après ses gardes qui admiraient Grag danser :

-         Mais attaquez donc ce dragon, bande de bons à rien !

-         À nous deux, Dupognon, dit Princesse Brouillon.

-         Vous ! dit Dupognon en se retournant.

-         Oui, moi. Ecoute, Dupognon : je te propose un duel. Nous allons nous lancer des défis, et le premier qui ne pourra pas relever un défi devra quitter le royaume pour toujours. Tu es prêt ? Je commence : est-ce que t'es capable de toucher ton nez avec ta langue ?

-         Fastoche ! dit Dupognon en tirant la langue. Et toi, est-ce que t'es capable de chanter « Au Clair de la Lune » en rotant ?

-         Rien de plus facile, dit Princesse Brouillon.

            Et elle se mit à chanter. Le duel dura pendant une heure : est-ce que t'es capable de faire des pompes avec une main, est-ce que t'es capable de te gratter les oreilles avec les pieds… Jusqu'à ce que Princesse Brouillon ait une idée imparable :

-         Est-ce que t'es capable de faire tenir tes cheveux debout sur la tête avec de la colle ?

-         Ben non, dit Dupognon, j'ai plus de cheveux.

-         Alors j'ai gagné. Je t'ordonne de quitter le royaume dès maintenant et pour toujours.

-         Je n'ai pas dit mon dernier mot ! déclara Dupognon.

            Il appuya sur une pierre du mur de la salle du trône : une porte secrète s'ouvrit et Dupognon s'y précipita. Princesse Brouillon entendit son rire résonner dans le passage secret. Elle voulut le poursuivre mais la porte se referma. Elle passa quelque temps à chercher le mécanisme, puis elle abandonna. Elle sortit de la salle. Prince Violette racontait toujours son histoire aux gardes qui pleuraient.

-         La petite fille triste avait retrouvé sa maman, mais la maman était très malade, et elle ne pouvait être guérie que par un grand médecin qui habitait dans un pays étranger.

            Les gardes soupiraient en se lamentant de temps en temps :

-         Quel malheur !

-         La pauvre petite !

-         Vous finirez votre histoire plus tard, dit Princesse Brouillon. Dupognon s'est échappé et il est dangereux.

-         Oh ! fit un garde en regardant par la fenêtre. Mais il y a plein de monde dehors !

            Le prince et la princesse regardèrent. En effet, Cricri et Lisette étaient revenus avec le roi de Coquelicot et son armée, mais aussi avec le roi de Nénuphar et sa propre armée. Les deux rois avaient fait une trêve pour sauver leurs enfants. Même la reine de Nénuphar était venue, tant elle était inquiète pour son fils.

            Princesse Brouillon et Prince Violette montèrent sur les remparts pour appeler leurs parents :

-         Coucou, on est là !

-         Ça va, ma fille ? demanda le roi de Coquelicot.

-         Ça va, répondit Princesse Brouillon. Mais Dupognon est devenu complètement maboul, je ne sais même pas où il est passé !

-         Je suis là, bande de minables ! fit une voix d'en haut. Et je vais tous vous anéantir !

            Tout le monde leva la tête. Dupognon était en haut du donjon et s'apprêtait à allumer le gros canon.

-         Ah zut ! Le gros canon ! dit Princesse Brouillon. Il va faire un massacre !

            Trop tard. Dupognon alluma le canon et il y eut un gros boum. Alors des milliers de fleurs sortirent de la bouche du canon et retombèrent doucement sur les soldats des deux armées. Les soldats éclatèrent de joie, jetèrent leurs armes et s'embrassèrent sous la pluie de fleurs. Là-haut sur les remparts, Prince Violette dit en rougissant à Princesse Brouillon :

-         C'est moi qui ai fait ça. C'était pour dire que je vous aime.

-         Oui, euh… Grag ! appela la princesse. Tu peux t'occuper du guignol qui est sur le donjon ?

-         Tout de suite ! dit Grag.

            Il s'envola vers le donjon, où Dupognon essayait désespérément de se cacher derrière le canon.

-         Dis donc, toi, lui dit Grag. T'as fini de faire l'intéressant ?

            Il lui attrapa le fond de la culotte avec les dents, le fit tournoyer et le lança haut, très haut dans le ciel. Lorsque Dupognon commença à redescendre, il aperçut tout en bas la petite gare du royaume de Coquelicot. Un peu plus bas, il vit qu'un train était sur les rails. Encore un peu plus bas, il vit que le train avait un wagon rempli de paille, et il tomba dedans. L'espion du roi de Nénuphar, qui était maintenant devenu conducteur de train, monta dans la locomotive et cria :

-         Les passagers pour Vladivostok, en voiture !

            Le train démarra et on ne revit plus jamais l'affreux Dupognon.

            Au château, les soldats continuaient de s'embrasser et de s'offrir des colliers de fleurs. Prince Violette se jeta dans les bras de Princesse Brouillon.

-         On a gagné, on a gagné, princesse ! lui dit-il en levant ses grands yeux bleus.

            Princesse Brouillon le regarda, avala sa salive et l'embrassa. En bas, tout le monde applaudit. La reine de Coquelicot s'approcha de la reine de Nénuphar.

-         Permettez-moi de vous dire, chère madame, que je trouve votre fils très beau.

-         Et moi, permettez-moi de vous dire, chère madame, que je trouve votre fille très… robuste.

            À ce moment, trois chevaliers arrivèrent. L'un avait des béquilles, l'autre avait la tête bandée, et le troisième se tenait le ventre.

-         C'est ici, pour le dragon ? demandèrent-ils.

-         Bouh ! leur fit Grag en descendant du donjon.

            Les trois chevaliers s'enfuirent en criant.

-         Attendez-moi ! criait celui aux béquilles. Je ne peux pas aller si vite !

            On ne revit plus jamais non plus les trois chevaliers.

            Ceux qui restaient, les villageois, les anciens gardes de Dupognon, les soldats des deux armées, tous voulaient faire la paix pour longtemps. Tous ? Non, car deux hommes se battaient toujours.

-         C'est moi qui ai gagné la bataille ! disait l'un.

-         Non, c'est moi ! disait l'autre.

            C'étaient le roi de Coquelicot et le roi de Nénuphar qui se battaient comme des chiffonniers. Princesse Brouillon et Prince Violette sortirent du château. Princesse Brouillon attrapa son père et Prince Violette le sien, puis ils les emmenèrent vers le château.

-         Ça commence à bien faire, vos histoires, dit Prince Violette.

-         On a deux mots à vous dire… ajouta Princesse Brouillon.

 

            Princesse Brouillon et Prince Violette se marièrent, et tout devint paisible au royaume de Coquelicot. Les enfants allaient à l'école et apprenaient à parler l'écureuil avec le professeur Cricri. Princesse Brouillon organisait de grands tournois de foot pour les villageois, tournois où Grag était un arbitre incontesté. Prince Violette fleurissait le royaume, et gagnait tous les ans le concours du royaume le plus fleuri du monde. La reine de Coquelicot et la reine de Nénuphar étaient devenues les meilleures amies du monde, et passaient beaucoup de temps ensemble. De temps en temps, elles entendaient des cris dans la pièce d'à côté.

-         Prends ça dans les dents, sale bâtard !

-         Et toi, mange ta race !

            Elles passaient la tête par la porte : leurs maris étaient là, bien sages devant leur console. Car Princesse Brouillon et Prince Violette leur avaient offert des jeux vidéos, afin qu'ils puissent s'amuser à se faire la guerre sans embêter personne d'autre, et c'était très bien ainsi.

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