Printemps se nomme désiré

Jean Claude Blanc

parler du temps, cher printemps, vaut mieux que causer du Gouvernement, esprit contrariant, en ce jour de grève, ne m'adresse qu'à la nature, qui elle nous trompe pas...

                           Printemps se nomme désiré

Sacre du printemps, tout le monde dehors

Vertueux présage des jardiniers

Hélas ne brille pas très fort

Cet astre solaire frigorifié

Aussi flemmardent les boutons d'or

En attendant le début mai

Où on peut faire tout ce qui nous plait

Tout le contraire du mois d'avril

S'agit pas se découvrir d'un fil

 

Consultant le calendrier

Bien renseigné, des PTT

Fini l'hiver, 20 mars minuit

On se réveille guère réjouis

Il pleut des cordes, des trombes d'eau

Presque la saison des escargots

 

Les nuages fuient comme l'éclair

Pas vraiment clair l'atmosphère

Même pas gêné gronde de colère

Pour nous faire peur, c'est du tonnerre !

 

Quelques jonquilles pourtant paraissent

Sur le gazon pas encore vert

Car la nature fait des prouesses

Faisant jaillir de la terre

Plantes persistantes, fidèles austères

Plus que les Hommes, tiennent leur promesse

Pour notre plaisir, si solidaires

 

Se gonflent d'aise, les bourgeons

Prêt d'éclater, que d'un rayon

Pourtant au chaud dans leur cocon

Feuilles repliées, craignent ce traitre

De versatile thermomètre

A ses manies, faut s'y soumettre

 

Prennent tout leur temps les fleurs voraces

N'apparaitront qu'avec vigueur

Dopées d'engrais, lorsque viendra l'heure

Phosphorescentes, que trop vivaces

Pousseraient même sans bug d'erreur

Comme d'authentiques ordinateurs

 

Rêvant de Pâques à Mi-Carême

Comme « Papa bêche, Colette sème »

Qui me rappelle la maternelle

Trésors de contes, résiduels

Pour défier ce maudit ciel

En attendant les hirondelles

 

En ont ras le bol ces roitelets

Durant des semaines se geler

Sont bien venus rares asticots

Tandis que grêlons, tombent en morceaux

Mais s'en contentent ces moineaux

 

Le vent se lève pas en retard

Nous bise les joues, comme chaque soir

Toute sa journée à roupiller

Soudainement revigoré

Il nous la joue, le père fouettard

 

Si par hasard, on le bat froid

On se lève la gueule enfarinée

Pour nous châtier, nous loupe pas

Pendant la nuit, il a neigé

Pas vraiment tendre ce climat

 

Certes auvergnat accoutumé

A en subir de ces tempêtes

Me fend de pitié pour parisiens

Qui pour un grain, toujours rouspètent

Pas bien habiles de leur main

Que viennent-ils faire en ce bourbier

 

Sans chaines, sans pelle, en leur bagnole

Pas étonnant qu'ils s'affolent

De se peler, trouvent pas ça drôle

Voilà ce que c'est, faire les marioles

M'amusent ces bandes de branquignols

 

Car en vacances, il est d'usage

Venir admirer le paysage

En l'occurrence, qu'un mirage

Congères s'amassent sur les villages

Nous quittent vite, oiseaux de passage

 

Même pas moyen d'aller skier

Franchement le comble pour les congés

Que dans la chambre se cloitrer

Alors bien venus les mots croisés

De retour chez eux, couleur cachet

 

Ont-ils encore un sou de jugeote

Pensent pas à ceux qui se la saute

Ces péquenots en leur chaumière

Qui font donner un feu d'enfer

Pour pas crever, enfument la hotte

De la cheminée, cache misère

 

Estivants en villégiatures

Entre amateurs se mesurent

Bravent les sommets à l'aventure

Pour y respirer cet air pur

Au point de se choper la grippe

Revêtus de légères nippes

 

Sur ces montagnes de bruyères sauvages

Certains y vont faire leurs bagages

Bien organisé leur voyage

Sans même connaitre les usages

De ces indigènes qui y pacagent

Planté chez eux, serait plus sage

 

Y'a bien assez de ces vantards

Qui osent se frotter au brouillard

En tant que touristes pas avares

S'en raconter de ces histoires

Sur le passé de ce terroir

Réserve où végètent les vieillards

 

C'est le printemps, tout le monde dehors

Même sans logis, putain de sort

Dont on éprouve aucun remord

Ne constatant qu'ils sont morts

L'emportent les riches du coffre-fort

 

Quel miracle, la lune luit

Cernée d'étoiles à l'horizon

Mais ce spectacle, bien joli

A force nous couvre de frissons

Alors comme dit par ici :

« Noël au balcon, Pâques aux tisons »

 

Finalement je m'interroge

Pauvres diables survivent dans une bauge

Les volatiles ont plus de chance

Restant perchés sur leur branche

Entre eux et moi, on est de manche

7 jours sur 7, toujours dimanche

Qui leur apporte leur pitance

Me le rendent bien, jamais ne broge

 

Printemps se nomme désiré

Sûr de pouvoir en profiter

S'il apparait de façon fortuite

Signe que l'hiver a pris la fuite

Plus qu'une fable, un viatique

Pour enchanter les réprouvés

Comme quoi ne suis pas obsédé

A critiquer les politiques

 

Sachant aussi faire rimer

Bonheur d'été, maigre budget

Dans l'abstraction de mes poches trouées

Même dansant devant le buffet

Entre les deux, peu de différence

Régime mannequin, je m'en balance    JC Blanc mars 2018

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