PROTEUS

zoharyel

Dans un monde où la magie règne dans certains états, et la technologie dans d'autres, à l'aube d'une grande guerre, un jeune prince et son compagnon entament leur aventure à l'enjeu colossal.

WILHELMUS ORAZIO PROTEUS

Tandis que les premiers rayons de soleil filtraient entre les rideaux de ses quartiers, les yeux du jeune Will s'entrouvrirent. En temps normal, il se serait simplement retourné et aurait tenté de se rendormir, jusqu'à l'arrivée d'une gouvernante venue le tirer du lit. Mais aujourd'hui n'était pas un jour ordinaire ; il bondit hors de son lit, ouvrit la fenêtre, ramassa un pantalon traînant au sol, et se rua en dehors de la pièce sans prendre le temps de s'habiller correctement. Il eut un instant d'hésitation en franchissant sa porte, se dit qu'il serait sans doute plus correct d'au moins faire l'effort de porter une chemise… puis se remit en chemin en pensant à toutes les jolies servantes qui le flatteraient sur son torse bien bâti. Il se disait qu'après tout, il avait passé des années à s'entraîner, alors il méritait bien une petite compensation.

En traversant les longs couloirs, il apercevait du coin de l'œil les nombreux portraits de ses ancêtres. Il esquissa un sourire ; aujourd'hui, à la suite de tout ces grands hommes de sa famille qui avaient marqué l'histoire du continent magique, il allait entrer dans la légende : lui, Will Proteus, héritier de l'illustre famille Proteus, régnant sur Rhyokin, la partie sud du continent magique, allait devoir débuter sa préparation à l'affrontement qui l'opposerait à l'héritier de la famille Vanta, régnant sur Gamon, la partie nord du continent. Will avait entendu des centaines de fois les raisons de cet affrontement : l'empire technologique gagnait chaque jour en puissance, et malgré un accord de paix entre les deux états magiques, les Hauts Conseils des Mages de Guerre de Rhyokin et de Gamon craignaient pour la sécurité de leurs états respectifs ; ils en vinrent donc à la conclusion qu'il fallait les unifier. Mais quelle famille devra régner ?

Leur solution était simple : laisser s'affronter les deux héritiers et leurs équipes sur une bataille à l'échelle du monde, et le vainqueur représentera le nouveau royaume magique. Seul problème : Will n'avait que huit ans à l'époque de l'accord, tandis que l'héritier des Vanta était déjà un jeune adolescent de quinze ans. Le Haut Conseil de Gamon avait donc accordé à Will un délai de huit ans pour se préparer à l'affrontement, physiquement, et intellectuellement.

Will se sentait désormais prêt.

Il se dirigea tout d'abord vers les cuisines, car il s'était toujours dit qu'on n'arrivait à rien avec un ventre vide. De plus, sa magie pouvait se montrer très gourmande en énergie.

Le petit chef aigri et chauve, qui d'habitude était toujours extrêmement sérieux et impassible, fit l'effort de sourire pour Will.

-C'est aujourd'hui le grand jour hein, patron ? Je t'ai mis une double ration pour l'occasion.

Will se sentit étonnamment touché par cette attention, plus par le sourire que par la double ration… mais ce n'était pas le moment de laisser déborder ses émotions, il murmura un « merci chef » en s'inclinant par respect, et avala à une vitesse phénoménale la double ration de viennoiseries encore chaudes. Tout le personnel de la cuisine souriait en le regardant manger salement sur un plan de travail dans la cuisine, encore torse nu, au lieu d'être dans la grande salle a manger avec les autres nobles à passer des heures à chercher le bon couteau pour tartiner le beurre.

Will se préparait à se lever, quand soudain…

-WILHELMUS ORAZIO PROTEUS.

Tout le monde se tut. Chacun s'interrompit dans son travail.

-Oh merde, murmura Will.

Le seul son que l'on entendait était des bruits de pas qui se rapprochaient.

-WILHELMUS ORAZIO PROTEUS, TU SAIS QUE JE T'AURAI COMME CHAQUE JOUR. ALORS COURS ET REND ÇA INTERESSANT POUR UNE FOIS GAMIN.

-Cours, murmura le chef en ouvrant la porte arrière de la cuisine, on te couvre.

Will se précipita par dessus les plateaux roulants sur son chemin et se rua hors de la cuisine. La première épreuve de la journée commençait bien trop tôt à son goût. Il connaissait les règles ; il avait fait une erreur en ne s'habillant pas de manière appropriée, et maintenant sa seule manière de se racheter était d'échapper à la terrifiante gouvernante chargée de sa discipline, Lana.

Will n'avait jamais réussi à lui échapper ; mais aujourd'hui était le commencement d'une nouvelle phase de sa vie, et il comptait bien faire quelques changements.

Il passa à la vitesse supérieure en changeant ses jambes en pattes d'antilope, et se mit à fait des bonds prodigieux à une vitesse phénoménale.

-Tu te fais vieille Lana, tu penses tenir le coup ? cria t-il,

-SOIS PAS TROP ARROGANT GAMIN, CES PATTES TE FONT ENCORE PLUS RESSEMBLER À UNE PROIE À MES YEUX.

-Attrape-moi si tu peux alors.

Tandis qu'il continuait ses bonds d'antilope dans le couloir, un bras surgit du mur à hauteur de son cou quelques mètres plus loin ; mais au lieu de ralentir et tenter d'esquiver l'attaque, il bondit vers le mur opposé à celui du bras, bondit une nouvelle fois en s'appuyant sur un rebord de fenêtre, et continua sa course effrénée.

-Quel manque d'originalité, ricana t-il, ils ont vraiment accepté quelqu'un d'aussi prévisible que toi dans les forces d'élites ?

-CONTINUE DE ME NARGUER GAMIN, JE M'EN RAPPELERAI.

Will pouvait apercevoir les armureries royales au fond du long couloir, signe qu'il atteignait bientôt la prochaine étape de son entraînement quotidien, à savoir le dojo. Il ne restait plus que quelques dizaines de mètres, il n'y avait plus qu'à simplement sprinter tout droit, elle ne pouvait plus le rattrap…

-JE T'AI GAMIN. s'exclama t-elle.

Au même instant, une main surgit du sol, et saisit sa frêle cheville d'antilope, ce qui provoqua la chute bien violente de Will.

Une femme s'éleva du sol, dans une robe de domestique noire. Elle fixa Will d'un pénétrant regard gris profond, qui ressortait sur son visage fin et pâle. Will la fixa en retour, et se dit qu'il pourrait presque la trouver séduisante, si elle n'arborait pas un énorme sourire sadique.

-Gamin, j'ai déjà dû poursuivre et attraper des animaux bien plus rapide que toi en mission pour me nourrir et…

-Oui oui je sais, tu as tout vu, tout fait, tu es la plus forte du monde…

-Je t'ai pas autorisé à me répondre gamin… et encore moins à me couper la parole.

Son inquiétant sourire continua de s'élargir sur son visage. Will commença à sentir des sueurs froides le long de son dos. Il savait exactement ce qui allait arriver.

Elle enfonça soudainement son bras dans la poitrine de Will.

-DIS MON NOM GAMIN. cria t-elle.

Le pouvoir de Lana correspondait assez à sa personnalité ; elle était capable de traverser n'importe quelle matière, y compris les êtres vivants. Will trouvait cela extrêmement désagréable, il sentait le bras fantomatique froid à l'intérieur de lui, caressant littéralement son cœur de sa main dématérialisée. Mais l'aspect effrayant de ce pouvoir, c'était qu'elle pouvait à n'importe quel moment décider de le ré-matérialiser, et ainsi transpercer la poitrine de Will.

-Tu es… Lana Summers… ancien membre des forces d'élite… section d'infiltration, ancien rang un…

-QU'EST CE QUE JE SUIS.

-Meilleure que moi…

-QU'EST CE QUE TU ES.

-Une sous merde...

Elle matérialisa un doigt dans la poitrine de Will, qui poussa un hurlement fort peu viril.

-QU'EST CE QUE TU ES.

-La pire… des sous merdes…

-Ok parfait ! répondit-elle avec un sourire satisfait, d'un air étonnamment innocent.

-Fais un minimum honneur à ta famille Wilhelmus, habille toi au moins, dit-elle en lui jetant une chemise.

-Mais je me rechangerai dans deux minutes pour l'entraînement de toute façon, ça sert à rien…

-MET LA.

-Oui madame.

Will enfila la chemise comme un t-shirt en grommelant, sans prendre la peine de la déboutonner en ignorant le regard pesant de Lana. Instinctivement, Will fit reprendre à ses jambes leur forme normal.

-Gamin… t'as pas oublié un détail ?

-Comment ça ?

-Ton pantalon... »

Défaut très problématique du pouvoir transformateur de la famille Proteus : les vêtements normaux ne se transforment pas avec eux, et Will l'avait sans doute perdu lors d'un bond. Par chance, son sous vêtements au moins était resté en place.

-Je vais faire l'impasse dessus, puisque aujourd'hui c'est ton jour spécial, et aussi parce que t'as l'air ridicule et que j'adore te voir t'humilier. Étant donné que tu pars cette nuit et que je reverrai sans doute pas avant très longtemps… bon courage gamin. Porte toi bien.

Will était presque tenté de lui pardonner les séances de tortures quotidienne en la voyant afficher un sourire légèrement moins sadique que d'habitude.

-Merci Lana.

Will reprit sa route d'une marche rapide, priant pour ne croiser personne, tout en tentant d'ignorer les ricanements à peine contenu de sa gouvernante.

Il allait arriver à sa partie préférée de la journée : l'entraînement au combat, avec le maître des forces spéciales lui même. Il lui avait révélé la veille qu'il avait une grande nouvelle à lui annoncer.

Will traversa l'armurerie royale, et évitant les deux gardes qui étaient en pause, et enfila rapidement son kimono en fibre de manatium et rentra doucement dans l'immense dojo pour ne pas perturber la méditation du maître. Cet endroit était l'endroit favori de Will ; c'était un véritable sanctuaire d'entraînement pour les guerriers en tout genres ; il était composé de plusieurs étages, chacun ayant une particularité. La plus grande, celle du rez de chaussée regorgeait de tout type d'armes.

Le vieux maître lévitait au centre, les yeux fermés, sa longue barbe blanche et ses longs cheveux s'élevaient légèrement, comme s'ils suivaient un courant d'air ascendant.

-Je te connais pas si timide, mon jeune Wilhelmus. Entre donc.

-Oui maître Feng. Pardonnez moi d'avoir interrompu votre méditation.

-Ne t'en fais pas mon enfant. D'habitude, je suis très satisfait de ton étonnante ponctualité, mais aujourd'hui, tu es bien matinal.

-J'ai eu une bonne raison de me lever aujourd'hui, maître Feng.

-Je comprend. À ce sujet… tu es bien sur au courant qu'au cours de ton aventure, tu te constitueras une équipe ?

-Oui maître Feng. J'ai été informé de tous les détails.

-Fort bien. Tu sais donc également que chaque famille assignera un maître à son héritier, en tant que premier équipier et compagnon.

-Oui maître.

-Et bien figure-toi que ton adversaire a refusé le sien. Il estime qu'il n'a pas besoin de cela pour te vaincre, et qu'il t'es déjà bien supérieur. Chacun se demande déjà si tu vas décider de refuser le tien, par souci d'égalité. Qu'en penses-tu ?

-Et bien, répondit Will en souriant, je n'aurais pas l'arrogance d'estimer que je n'ai plus rien à apprendre, ni la stupidité de me priver d'un tel avantage sur lui dès le début. Je prend cela plutôt comme une opportunité.

-En tant qu'un de tes maîtres, mon jeune Will, ta maturité m'emplit de fierté. Maintenant passons à la bonne nouvelle. Ton père t'autorise à choisir un des membres des forces d'élite en tant que second compagnon, il m'a demandé de te présenter certains des hommes les plus compétents et compatibles avec toi… mais j'ai la sensation que ce sera inutile.

-Comment ça maître ?

-Je l'ai fait venir.

-...lui maître ? dit-il en écarquillant ses yeux

-Oui mon très cher Will. Lui.

-Mais je pensais qu'il venait d'être promu à la section d'infiltration, et qu'il était en mission dans l'empire technologique…

-Et bien, tu le connais...

Sans qu'il s'en rende compte, des larmes se mirent à couler le long des joues de Will.

-Ou est-il ? Je peux le voir ? dit-il d'une voix tremblante

-Juste ici, répondît une voix contre son oreille.

Will se retourna brusquement, mais il n'y avait personne.

-Tu seras toujours aussi naïf hein Will… murmura la voix dans son dos à nouveau.

Will se retourna encore une fois et vit un jeune adolescent brun, les cheveux en bataille lévitant aux côtés de son maître.

-Aaaww, tu pleures Will ? Je te pensais plus… viril tu sais, je suis déçu, je m'attendais pas à trouver une petite fille en larmes en trouvant mon meilleur ami de toujours…

-Zemu… tu devrais pas être en mission… mais… ta promotion…

-Quoi ma promotion ?

-Tu étais supposé rester en mission encore plusieurs mois…

-Correct.

-Mais alors, pourquoi es-tu là ?

-Je suis là pour deux raisons : primo, les ordres émanant directement d'un membre de la famille Proteus sont prioritaires sur n'importe quelle mission en cours, et secondo j'allais tout de même pas laisser passer une occasion de te botter les fesses encore une fois. Et puis, on m'a vaguement parlé aussi du fait que tu pouvais potentiellement me choisir en tant que compagnon… disons que ce serait un joli point sur mon curriculum vitae, et je suppose que tu vas me choisir sans prendre la peine de regarder les autres candidats alors bon…

Le maître toussota pour interrompre Zemu.

-Qu'en dis-tu Will ? Acceptes-tu officiellement Zemu en tant que compagnon ?

-Oui maître. Non seulement nous nous connaissons intimement depuis de nombreuses années, mais en plus de cela nos caractères et compétences sont d'une grande compatibilité.

-Es-tu sûr de cette décision ? Lui feras-tu confiance au point de lui confier ta vie ?

-Certain maître. répondit Will sans même une once d'hésitation.

-Alors c'est officiel. Passons maintenant à un autre sujet ; puisque Zemu est ici, autant en profiter et vous montrer l'un à l'autre vos progrès. Je suis sûr qu'en tant qu'amis et rivaux, vous bouillez d'envie de vous affronter.

-Merci maître. répondirent les deux jeunes garçons à l'unisson.

-Vous connaissez tous les deux les règles : affrontement en un contre un, aucune arme autorisée, seulement vos magies. Les attaques potentiellement létales sont prohibées. Le terrain pour aujourd'hui se limite au rez de chaussée du dojo. Placez vous.

Le maître s'écarta, et s'éleva à quelques mètres de hauteur afin de mieux observer. Les deux opposants se placèrent à chaque extrémité de la salle, dans la pénombre.

-Avancez vous, ordonna le maître.

Ils firent simultanément deux pas en avant, s'avançant dans la lumière, telle que la tradition le voulait. Ils s'inclinèrent, par marque de respect, et se mirent en garde. Will se positionna de manière latérale, en levant horizontalement son bras droit en défense et en armant son bras gauche, prêt à frapper ; ses genoux étaient fléchis pour assurer une grande stabilité. Zemu quant à lui posa le bout de ses dix doigts contre le sol, plia une jambe en gardant l'autre tendu, tel un coureur se préparant pour un sprint.

-Combattez.

À l'instant où la dernière syllabe prononcée par le maître retentit dans la salle, Zemu se mit en mouvement. Pendant la demi-seconde qu'il mit à traverser la trentaine de mètres qui les séparait, ils eurent le temps d'analyser leur adversaire. Zemu remarqua l'espace sous le bras défensif de Will, et décida d'armer son bras gauche pour frapper ses côtes. Will, sachant pertinemment que le principal attribut du style de combat et de la magie de Zemu était la vitesse, savait qu'il choisirait le chemin le plus court pour l'atteindre ; c'est pourquoi il avait délibérément laissé cette ouverture. Il forma alors une épaisse carapace de tortue couvrant son torse entier, et fit un quart de tour sur lui même afin d'exposer son ventre.

Le poing de Zemu vint alors s'écraser sur la carapace, mais ne se brisa pas, comme Will l'avait prévu. Il était surpris : un poing arrivant à cette vitesse aurait dû être bien plus puissant, mais il l'avait à peine ressenti.

Zemu, remarquant la stupeur de Will, en profitant pour bondir et frapper Will au nez du genou.

La douleur aigu que Will ressentît eut alors pour effet de ramener sa concentration. Il remarqua les dizaines de gouttelettes de sang ayant jaillies de son nez, et les transforma en essaim de guêpes virevoltant autour de lui, ce qui fit fuir Zemu à toute vitesse à l'autre bout de la zone de combat. Will dissipa en même temps sa carapace, trop lourde pour être maintenue à longue durée. Il se regardèrent droit dans les yeux, chacun tentant de jauger la stratégie de l'autre ; ils anticipaient ce que l'adversaire ferait en réponse à chacune des actions qu'ils envisageaient. Après une dizaine de secondes, ils furent prêts ; Zemu disparut soudainement, à une vitesse telle qu'on ne pouvait plus le suivre du regard. Will savait exactement ce qu'il tentait de faire : ses techniques principales consistent à porter des attaques éclair, et disparaître avant même de pouvoir contrer. Une stratégie, simple, et efficace. Will la connaissait par cœur, pour avoir déjà subit de nombreuses défaites sous les assauts imprévisibles de Zemu. Mais aujourd'hui était un nouveau jour, et il tenterait le tout pour le tout. Il dissipa son essaim de guêpes, reforma sa carapace défensive, ne laissant vulnérables que ses jambes, ses bras et sa tête. Il avança doucement et prudemment au centre de la salle. Soudain, Zemu apparut en face de lui, et porta lui un violent uppercut au menton, puis disparut tout aussi soudainement. Will ressentit le choc jusque dans son cerveau, et fut sur le point de tomber dans l'inconscience. Mais sa volonté était plus forte ; « Pas encore » se disait-il. Il écarta ses jambes, et fléchit ses genoux afin de mieux résister aux chocs qui allaient suivre. Zemu réapparut, mais cette fois dans son dos, et porta un coup de pied latéral à l'arrière de la jambe droite de Will, ce qui eut pour effet de lui faire poser un genou au sol. « Toujours pas » se disait Will. Il sentait très bien qu'il ne tiendrait pas encore longtemps, mais au prix d'un effort surhumain, il parvint tant bien que mal à se dresser sur ses deux jambes. Zemu apparut une troisième fois, cette fois de nouveau en face de lui, et assena un coup du dos de la main en plein milieu du visage de Will, qui provoquant une nouvelle effusion de sang jaillissant du nez de Will. « Maintenant ! » pensa t-il très fort. Il se transforma en mouche à l'instant où Zemu disparaissait à nouveau. Les transformations en insectes, pouvoir hérité de sa mère, étaient très difficile à maintenir à longue durée, du fait de leur grande consommation d'énergie magique.

Un silence lourd pesa alors dans la vaste salle. Les deux combattants avaient disparus. Du point de vue de maître Feng, qui observait toute la scène, Will était clairement perdant : il avait subi plusieurs attaques consécutives, dont la moitié auraient mis une personne normal hors d'état de nuire directement ; de plus, il était sous une forme d'insecte, ce qui drainait petit à petit une grande quantité de magie. Il s'apprêtait à redescendre pour déclarer le vainqueur quand soudain, Zemu apparût au milieu de la pièce, titubant, et hurlant de douleur, puis s'écroula en se tortillant sur le sol, puis Will apparût à son tour quelques mètres plus loin, rassemblant progressivement les guêpes qu'il avait dispersé autour de sa main brandie en l'air.

-Abandonne Zemu, tu as perdu, ordonna t-il.

Zemu continua de se tordre de douleur en hurlant, sans pouvoir articuler clairement un abandon.

-Et bien, tu es bien tenace… c'est une qualité respectable. Mais tu vas maintenant endurer la honte d'une défaite totale, mon ami, dit-il avec un sourire moqueur.

Il tendit le bras vers Zemu, et les guêpes commencèrent à se diriger vers Zemu.

-Stop.

Maître Feng était intervenu : les guêpes s'immobilisèrent en plein vol, comme figées dans le temps, et les hurlement de Zemu cessèrent. Maître Feng se pencha par dessus Zemu, et arracha sa veste d'entraînement. Il vit alors une demi douzaine de fourmis d'une taille étonnamment grande grouiller entre la main et le cou de Zemu.

-Paraponera… des fourmis balles de fusil. Je commence a croire que le caractère sadique de ta gouvernante déteint sur toi mon jeune Will…

-Pardonnez-moi maître Feng… mais ce n'était pas contraires aux règles que vous avez annoncées ; ces piqûres ne sont pas mortelles…

-Oh mais je ne te reproche rien Will. Laisse-moi juste le temps de remettre ce pauvre garçon sur pied, il souffre le martyr.

Le maître passa doucement sa main le long du bras de Zemu, et de par son pouvoir de télékinésie, parvint à extraire de minuscules gouttelettes de venin de sa peau. Le visage de Zemu sembla se détendre. Il se releva, et enfila sa veste sans dire un mot ; il était perplexe : sa technique n'avait jamais ratée, il n'avait fait aucune erreur. Il ne comprenait pas à quel moment ces fourmis avaient-elles bien pu arriver là.

-Approchez tous les deux, ordonna le maître d'un ton paternel, j'ai à vous parler.

-Oui maître Feng, répondirent les deux apprentis.

-Tout d'abord, je tient à vous exprimer mes plus sincères félicitations. Vous êtes parvenus à un niveau égal, voire même supérieur à ceux des forces d'élites. Zemu, tes techniques rapides et ta haute vitesse de réactivité s'améliore à chaque fois que je te vois combattre. Will, ta polyvalence et ton adaptation me surprendront toujours.

-Merci maître, répondirent t-ils encore et toujours à l'unisson.

-Toutefois, vous avez tous deux encore du potentiel ; vous bien loin d'être arrivés à votre niveau le plus haut. Zemu, tu ne peux pas toujours te reposer sur les mêmes techniques, tes adversaires apprendront à te connaître, et finiront par trouver des parades ; cette remarque est d'autant plus valable que tu es destiné à devenir un grand guerrier, je peux affirmer avec certitude que tu deviendras un combattant connu du monde entier, alors il te faut à tout prix prendre exemple sur Will et apprendre à t'adapter aux situations.

Quant à toi Will ; ton pouvoir te donne une capacité d'adaptation à toute épreuve, mais tu es comme nous tous, un mortel. Tu ne peux tout endurer, tu ne pourras pas toujours observer tes adversaires et calculer tes actions. Il te faudra parfois cesser de réfléchir et laisser ton esprit combatif prendre le dessus ; ton hésitation a failli te coûter la victoire dès le début du combat. Ta stratégie était brillante, et parfaitement adaptée à la situation : moi même je n'ai pas saisi tout de suite comment tu as fait, et le fait de me rendre indécis face à une stratégie de combat est, crois moi, un exploit extrêmement rare. Si je ne me trompe pas, tu as essayé d'orienter les attaques de Zemu vers ton visage afin de déposer ton sang sur son poing et pouvoir invoquer tes fourmis. C'est pourquoi tu as formé ta carapace ; je suppose que si tu as aussi découvert tes bras et tes jambes, c'était pour que Zemu ne devine pas tes intentions. C'était toutefois un pari risqué ; tu aurais pu perdre conscience avant de pouvoir mettre ta stratégie en œuvre. Mais le risque fait partie du combat après tout. Par contre, cela ne change en rien ma remarque : tu ne pourra pas risquer ta vie à chaque combat ; tu devras t'inspirer de Zemu et tâcher de rentrer un peu plus dans le tas quand la situation l'exige. Le maître prit alors une longue inspiration puis posa une main sur l'épaule de Will et de Zemu en souriant.

-Vous voir ainsi m'emplit d'une profonde fierté. J'aimerai tellement que mon fils puisse prendre exemple sur vous… enfin bon. Vous pourrez toujours quémander mon aide quand la situation l'exigera. Je vous considère presque comme mes propres enfants après tout ce temps...

-Nous n'en serions jamais arrivé là sans vous... répondit Will,

-Vous êtes un véritables modèle pour nous. ajouta Zemu.

Maître Feng éclata de rire.

-Filez à l'infirmerie bande d'idiots. Vous devriez avoir honte de tenter de faire pleurer un vieil homme centenaire comme moi. Je vous reverrai à votre départ ce soir.

Il n'était pas encore midi, mais Will était déjà exténué. Il commençait à désespérer compte tenu du fait qu'il n'avait même pas encore suivi son cours d'interactions sociales, qui était sans aucun doute l'épreuve la plus éprouvante de son quotidien. Il prit le bras de Zemu par dessus ses épaules, et l'emmena dans les sous-sols du bâtiment, où se situait l'infirmerie. Le médecin chef était la personne la plus douce qui soit aux yeux de Will, malgré toutes les légendes sur son passé d'agent d'élite dans la section d'intervention ; elle était connue pour avoir été l'agente la plus efficace que cette unité ait jamais eu. Ses adversaires revenaient toujours intacts, mais ils étaient terrorisés, tétanisés par la peur. Sa réputation était telle que les ennemis capitulaient dès qu'ils entendaient son nom…

-Bonjour docteur Melobelle !

-Bonjour les garçons ! Cela faisait bien longtemps que je ne vous avais pas vu ensemble… bref mettez vous en sous-vêtements et allongez vous, je reviens vous examiner rapidement !

Bien qu'elle approchait de la soixantaine, elle avait conservé la joie de vivre et le physique d'une jolie brune de vingt ans grâce à sa magie. Elle était capable d'accélérer n'importe quel processus naturel, comme la croissance des plantes, la régénération cellulaire, on encore la régénération magique ; cela faisait d'elle un médecin idéal.

Tandis qu'ils se déshabillaient, Will ne put s'empêcher de se comparer à Zemu. Ils étaient extrêmement similaires, si bien que quand ils étaient jeunes, on les prenait pour des frères. Il étaient tout deux d'une taille moyenne, la peau légèrement brune, les cheveux bruns en bataille… mais les cheveux de Zemu étaient bien plus courts. Une de leurs différences était la couleur de leurs yeux : tandis que les yeux de Zemu étaient d'un gris assez clair, ceux de Will mêlaient du brun et du vert. Mais pour la première fois, Will remarqua un détail : ses bras et ses jambes étaient couverts de cicatrices tandis qu'il n'y en avait aucune sur le corps de Zemu, qui pourtant était de base un soldat. Il se dit que cela correspondait bien à leurs personnalités respectives.

-Bon, je suis tout a vous les garçons ! annonça le docteur Melobelle qui entra brusquement dans la chambre.

-On commence par toi Will ? T'as l'air de t'être fait marcher sur le visage par un troupeau d'éléphants.

-Merci du compliment, ricana Zemu.

Elle éclata de rire, et saisit le nez de Will à deux mains.

-À trois je le remet. Un… deux...

CRACK. Hurlement de douleur.

-Trois ! Voila c'est remis ! Pendant que je le régénère entièrement dis moi si t'as mal autre part.

Will fit un non de la tête. Il sentait les larmes de douleur lui monter aux yeux, mais la chaleur de la magie de Melobelle appliquée sur son nez les dissipa en un instant.

Elle se tourna ensuite vers Zemu.

-Hmm… aucune blessure physique, mais tu as l'air exténué.

Elle tendit ses deux mains au dessus du corps de Zemu, attendit quelques secondes puis rabaissa ses bras.

-Voila, vous êtes comme neuf. Évitez de revenir trop vite. Ah, et bon courage pour votre départ ce soir !

Puis elle repartit en chantonnant. Will adorait venir à l'infirmerie, le docteur Melobelle était capable même de régénérer la bonne humeur des gens, pas par la magie, mais par sa simple façon d'être.

-Bon, dit Zemu, on a pas tous des gouvernantes sadiques pour nous préparer nos affaires, alors faut que je file. On se revoit tout à l'heure ; ciao ! et il disparut sur ces mots.

Will se rhabilla rapidement, et jeta un œil à l'horloge : onze heures cinquante cinq. IL se dépêcha de partir vers l'entrée principale du palais ; son prochain professeur était intransigeant sur les retards.

-Will, comme d'habitude tu es pile à l'heure.

Son interlocutrice était la sœur du roi, à savoir sa tante. Comme tous ses professeurs, Line Proteus était une ancienne membre des forces d'élite : mais elle n'était pas n'importe quel membre, elle dirigeait les forces d'élite. Mais au fil des années, elle finît par s'ennuyer et décider de quitter son poste pour une pratique plus intéressante : elle créa une guilde de mercenaires, les PDM… Poneys Destructeurs de Mondes. Will avait toujours aimé son côté immature, détaché, déjanté. Elle croquait la vie à pleines dents.

-Will, aujourd'hui on a du lourd, du très lourd. dit-elle en attachant sa longue chevelure brune.

Elle sortit un sandwich d'une poche de son long manteau sombre en fibre de manatium.

-Mange sur la route je vais te briefer, on a un petit bout de chemin à faire.

Will adorait se balader dans Agrilith, la capitale. La ville était située sur une immense colline ; au sommet de la colline se situait le palais royal, en forme de croix : au bout de chacune des quatre ailes du palais se situait un très large bâtiment circulaire. Chaque bâtiment avait une fonction bien précise : le bâtiment est abritait la famille royale ; celui de l'ouest était composé de la base de commandement des forces d'élites, ainsi que du dojo ; celui du sud était celui des administrations publiques, et enfin celui du nord contenait le siège du Haut Conseil des Mages de Guerre.

La ville d'Agrilith avait une particularité : à l'exception du palais, tous les bâtiments s'enfonçaient sous terre dans la colline ; seule une petite partie des bâtiments émergeaient à la surface. Autour du palais se trouvait les quartiers nobles ; plus on s'éloignait du centre de la ville, plus les quartiers s'appauvrissaient. Au dessus de la ville flottaient des îles reliées entres elles par de larges et longues passerelles ; sur ces îles se trouvaient les écoles, universités, la cathédrale, ainsi que les administrations publiques telles que les tribunaux, ou encore les services de poste et de police.

Les rues n'étaient ni pavées, ni bétonnées ; c'était un véritable paradis de verdure et de fleurs. Le seul point noir était le ciel gris et nuageux, qui rendait l'atmosphère triste et pesante.

Tandis qu'ils s'approchaient de l'extrémité sud, Will ne put s'empêcher de remarquer que sa tante tremblait. Il trouvait cela étrange, car ce n'était pas dans son habitude d'être tendue.

-Tout va bien Line ?

Elle se tourna vers Will, et esquissa un grand sourire.

-Tout va merveilleusement bien Will. Aujourd'hui dans ta leçon, on va faire d'une pierre deux coups. On va anéantir le gang local, le Lotus Sanglant, et tu vas devoir convaincre leur chef de reconvertir tous leurs membres en poneys destructeurs de mondes. Mon chiffre d'affaire va tripler avec autant de main d'œuvre, tu te rends compte ?

Will s'était inquiété pour rien, elle n'était absolue pas tendue, simplement très heureuse. Elle ressemblait à une gamine surexcitée à l'idée d'ouvrir ses cadeaux le jour de son anniversaire.

Ils étaient arrivés devant la toiture d'un grand bâtiment de la taille d'un terrain de sport qui dépassait du sol. Ils montèrent dessus.

-Écoute bien, j'ai mis des mois à confectionner ce plan : je perce un trou dans la toiture, on s'infiltre à l'intérieur, on élimine tous ceux qu'on croise sur le chemin, on trouve le chef, on le tabasse et on le convainc de se reconvertir.

-Et en quoi c'est supposé être une leçon d'interactions sociales ?

-Will, tu suis un peu ? On doit le CONVAINCRE de se reconvertir. C'est très social.

-Et le boss, c'est lequel ?

-Tu le reconnaîtras facilement… il a la quarantaine, il a la moustache de maître Feng, la barbe de maître Feng, a peu près le même visage que maître Feng… ah et c'est le fils de monsieur Feng.

-Ah… c'est donc lui la fameuse déception de maître Feng… je pensais pas qu'il serait encore en ville. À part lui, y a t-il d'autres mages puissants ?

-Non pas vraiment, ses laquais n'ont que des magies mineures, quelques pyrokinésistes peut être, mais pas de quoi s'inquiéter. Je les estime à une trentaine d'hommes adultes, pas de quoi s'inquiéter. Prêt ?

-Quand tu veux.

Line se métamorphosa en colibri, prit une vingtaine de mètres d'altitude, puis se métamorphosa soudainement en éléphant.

-Tu parles d'une infiltration… grommela Will.

La structure du toit vola en éclats sous le choc, et Will se laissa simplement tomber à l'intérieur de la grande salle. Line semait un chaos total dans l'immense salle qui ressemblait plus ou moins à une salle de sport et une armurerie combinées ; elle se transformait sans cesse en colibri, se postait en face de l'ennemi, le frappait avec un bras de gorille, et repassait sous forme de colibri pour passer à un autre ennemi. Elle attirait tellement l'attention que personne n'avait remarqué l'arrivée de Will. Des sorts lumineux volaient en tout sens pour tenter d'abattre le petit oiseau. Will en profita pour se changer en mouche et parcourir la salle ; il repéra rapidement le chef, posté sur un fauteuil, l'air lassé par la situation, portant un long manteau de cuir. Sa ressemblance avec le maître était frappante. C'était sans doute un télékinésiste, comme son père. Will reprit sa forme humaine, et se posa doucement derrière sa cible. Il s'approcha discrètement, et enroula son bras autour du cou de sa victime. Quelque chose n'allait pas ; les gens se débattent toujours quand on effectue un étranglement respiratoire. Will serra plus fort. Soudain, il aperçut du coin de l'œil une table qui glissait rapidement vers lui. Il lâcha sa prise, et bondit par dessus la table ; mais alors qu'il était encore en l'air, il s'immobilisa. Le boss l'avait saisi avec son pouvoir. Will le regarda pour la première fois dans les yeux. Il s'attendait à un regard cruel, ou sadique, ou ennuyé… mais à la place de cela il fut surpris de voir un regard profondément triste. Le boss le projeta contre un mur, puis contre le sol, puis de nouveau contre le mur, puis encore contre le sol… la télékinésie était vraiment un pouvoir effrayant. D'un coup, la pression se relâcha et il tomba à genoux au sol. Sa tante, qui en avait terminé avec les sous-fifres, s'était attaqué au boss et le soulevait en le tenant par le cou.

-Tu me déçois Will. Tu m'as pas beaucoup aidé, j'ai fais tout le travail toute seule… Enfin bref. Convainc le maintenant.

-Lâche le s'il te plaît. ordonna Will

-Je suis pas vraiment sûre que ce soit une bonne idée…

-Fais le.

-très bien...

Elle le reposa doucement par terre. Il se mit à tousser pour reprendre sa respiration. Sa tante n'avait vraiment aucune compassion.

Will transforma son bras gauche en patte d'ours et appuya ses longues griffes sur la gorge du boss.

-Tue moi si ça t'amuse gamin. J'ai jamais demandé à vivre de toute façon.

-Alors c'est ça votre problème ?

-De quoi tu parles ?

-Vous n'avez jamais aimé votre vie ?

-Tu peux pas comprendre ça. Surtout toi. Tu sauras jamais ce que c'est de vivre dans l'ombre de son père. Les gens ne m'identifient que par lui. Je ne suis pas Gil Feng, je suis le fils de Bobby Feng.

-Ce n'est pas cela votre problème. Le vrai problème, c'est que vous êtes lâche. Vous n'êtes qu'une raclure pleurnicharde. Qu'avez vous fait pour lutter contre cela ? Vous n'avez sans doute même pas essayé de sortir de son ombre. Vous avez créé votre petite organisation pour vous faire de l'argent facile, et vous vous en contentez. Comportez vous de manière digne bon sang. Affichez vous en tant que digne fils du maître Feng, pas en petit bandit qui profite de son puissant pouvoir pour faire le mal autour de lui. Les gens ne verront plus simplement Gil Feng, le fils de Bobby Feng, mais il verront Gil Feng, le digne successeur du maître Feng, celui dont la façon d'être fait honneur à son père, celui qui rappelle son père. Votre père se fait vieux… vous pouvez sortir de son ombre bien plus facilement.

-Je ne suis plus tout jeune tu sais. Il est déjà trop tard pour moi. Et forcément tu vas me répondre qu'il est jamais trop tard, ou une connerie dans ce genre là…

-Non. Il arrive qu'il soit trop tard. Mais pas pour vous. Il vous faut juste y croire, changer votre façon de vivre. Cette vie ne vous convient pas Gil. Vous n'êtes pas un criminel dans l'âme. Cette vie vous rend triste. Vous pouvez rentrer dans le droit chemin, et montrer au monde votre vrai nature. Devenez le défenseur des gens, pas leur agresseur. Je suis sûr que cela vous sied bien mieux. Votre père vous a transmis ses principes.

-Admettons que je veuille changer… qui me donnerait une seconde chance aujourd'hui ? Je dirige le crime organisé dans la capitale depuis plus de 20 ans… ce sont mes seules compétences. Je ne sert plus à rien. Je me ferais arrêter à l'instant ou je sortirais d'ici.

Le désespoir semblait s'installer dans le cœur de Gil ; Will avait frappé au bon endroit, son moral était au plus bas. Il saisirait n'importe quel occasion qui lui assurerait un avenir moins sombre dans son état actuel.

-Et c'est là que vous vous trompez Gil. Il y existe une personne qui serait prête à vous offrir la rédemption, à vous ainsi qu'à vos hommes. C'est personne c'est…

-MOI, interrompit brusquement Line, je suis la seule personne au monde qui pourrait t'offrir une meilleure voie. T'as le choix : soit tu continue ta petite vie de merde, à vivre dans les bas-quartier de tes petits larcins, et dans ce cas je finirai par te retrouver et cette fois je vous défoncerai tous sans retenue, soit tu rejoins ma guilde, et tu deviens mon second, et je m'occuperai de plaider vos cas auprès du Haut Conseil. Ton gang n'a jamais tué qui que ce soit, alors ils accepteront sans doute tant que je vous surveille.

Son intonation, son sourire, ses grands mouvements de bras ressemblaient à ceux d'un vendeur qui tentait de convaincre un client hésitant par rapport à un produit.

-Vous ne me laissez pas grand choix… Cette offre est providentiel, cela ressemble presque à une plaisanterie…. Mais j'accepte volontiers.

-PARFAIT !

Line se retourner pour faire face aux hommes gémissant de douleurs dans toutes la salle :

- Écoutez moi tous ! À partir de cet instant, moi, Line Proteus, devient votre Grand Poney Suprême, et vous êtes tous mes laquais, les Poneys Destructeurs de Mondes ! Dès demain, vous et mes anciens hommes commencerez à retaper ce trou à rats. On va le fortifier, l'améliorer, en faire une véritable base d'opérations. Et on peindra les murs en rose. Quelqu'un s'oppose à cette décision ? Non ? Très bien. Je m'occuperai de vous maintenant, et vous dépendez de moi. Je vous protégerai tous, tant que vous suivez mes ordres. Rentrez chez vous et reposez vous.

Elle se retourna de nouveau.

-Toi aussi Gil. J'ai besoin que tu sois en forme. Will, ton entraînement chez nous est terminé. C'était un peu moyen quand même… j'ai du faire tout le travail pour le convaincre aussi. Mais je suis de bon humeur, on va dire que c'était passable. Tiens le soleil se couche… Rentre au Palais, prend une douche, change toi et va voir ton père. Bon courage, tu vas défoncer ce petit prétentieux de Vanta. Je crois en toi.

-Merci Line… t'es la tante la plus cool du monde.

-Je le sais bien, personne n'arrive à la cheville d'une tante qui démantèle des gangs toute seule. File, t'es déjà en retard.

Will serra sa tante dans ses bras, pris la forme d'un faucon, et fila par le trou fait par sa tante dans le toi. Il fila par dessus la ville, et profita une dernière fois de cette vue aérienne de la ville illuminée par les lampadaires sous le ciel nocturne. Cette ville allait lui manquer, mais il allait revenir vite. Il passa par la fenêtre qu'il avait laissé ouvert le matin, prévoyant son éventuel retard.


Lana l'attendait dans la chambre.

-Tiens, enlève ta tenue d'entraînement. Je t'ai posé des vêtements propre en fibre de manatium sur le lit, change toi vite.

Elle saisit un sac noire équipé d'une bandoulière.

-Ce sac a été préparé spécialement pour toi. Il est enchanté avec une magie réductrice : chaque objet que tu rentrera dedans deviendra cent fois moins grand ; les objets reprendront leur taille initiale quand tu les ressortiras. Ne perd surtout pas ce sac, c'est extrêmement rare. Il est fait en fibre de manatium, donc il s'intégrera aussi à ton corps quand tu te métamorphoseras. J'y ai mis une dizaine de paires de vêtements de rechange. Prêt ? Alors fonce, tout le monde t'attend.

Elle attrapa Will par le bras, lui mit le sac par dessus l'épaule et ensemble il traversèrent les murs pour foncer tout droit vers la salle du Haut Conseil. En passant à travers les diverses salles, Will put vaguement entrevoir les divers visages familiers de son quotidien. Il éprouvait déjà une sorte de nostalgie. Ils arrivèrent dans le grand couloir de l'aile nord. Will était essoufflé.

-Tu vois la grande porte au fond du couloir ? C'est là. N'oublie surtout pas de frapper, et ne fais pas honte à tes parents. T'as encore un peu de temps, reprend ton souffle en marchant.

-Merci Lana.

Il commença à s'avancer de manière hésitante vers la grande porte. Ses jambes tremblaient.

-Gamin… je crois en toi.

Will se retourna, et la vit faire un vrai sourire pour la première fois depuis qu'il la connaissait. l lui rendit son sourire, et repartit d'une marche plus déterminé. Au fil des pas, il se demanda qui serait choisi par le Haut Conseil pour l'accompagner dans son aventure. Serait-ce Lana ? Ou bien maître Feng ? Ou encore Line ? Son cœur battait la chamade. Il arriva devant la grande porte. Elle faisait environ quatre mètre de haut, des motifs runiques la parcouraient en tout sens. Will trouvait ce style assez élégant. Il frappa trois grands coups, puis attendit une réponse.

Silence total.

Après quelques instant, il prit l'initiative de pousser la porte, qui était d'une légèreté surprenante par rapport à sa taille. Will en déduisit qu'elle avait dû subir de nombreux sorts.

La salle formait un dôme. Au plafond se trouvait une peinture de la chimère, symbole de la famille Proteus. Il n'y avait aucune fenêtre. On ne pouvait apercevoir les mur dans la pénombre, la pièce semblait infiniment grande, avec pour centre, une immense table en forme de demi cercle lévitant à quelques mètres de hauteur. Quinze personnes étaient assis à cet table, sur des sièges flottants dans les airs.

La seule source de lumière émanaient d'un disque lumineux d'environ cinq mètres de diamètre situé juste sous la table. Il ne pouvait pas distinguer les visages de ces mages, mais pouvait deviner qui ils étaient : au milieu, se trouvait son père ; grand homme brun à la forte carrure, équipé de son sceptre de combat doré ; directement à ses côtés se trouvaient la mère de Will, une femme douce mais autoritaire ; sa chevelure rousse chatoyante et bouclée tombait sur ses épaules, et maître Feng, dans son kimono noir, comme à l'habitude. Ensuite se trouvait de chaque côté six mages, qui formaient les douze Mages de Guerre, qui sont douze des hommes et des femmes de tout age les plus érudits, les plus puissants, ou les plus intelligents. Will les avait toujours imaginé très vieux, mais en réalité quelques uns d'entre eux étaient des adultes plutôt jeunes.

Tous le dévisageaient d'un regard lourd. Sur le disque de lumière se trouvait un homme, qui semblait avoir une trentaine d'années, portait une barbe de trois jours ; ses longs cheveux d'un noirs de jais étaient attachés en queue de cheval, mais quelques mèches lui tombaient sur le visage. Il fumait un cigarette en dévisageant Will, qui avait la sensation que son regard doré le pénétrait au plus profond. Il portait un pantalon marron comportant de nombreuses poches le long des jambes, et une chemise d'un bleu très foncée dont les manches étaient retroussées au niveau des avants bras. Son col était ouvert. Il gardait ses mains dans ses poches dans une posture très décontractée. Il n'avait aucune idée de qui il était, mais il savait qu'il était tellement puissant que son aura surpassait totalement ceux des Mages de Guerre, et rivalisait presque avec celui de son père. Les deux auras combinées formaient une atmosphère pesante qui donna de légers vertiges à Will.

-Approche donc, ordonna son père.

Le seul bruit audible était celui des pas de Will qui résonnaient dans la salle. Will s'avança dans le cercle de lumière, aux côtés de l'homme au regard doré.

-Salut, lui dit l'homme.

Will ne répondit pas.

Le roi, son père prit la parole :

-Wilhelmus Orazio Proteus, héritier de la famille Proteus. Tu connais la raison de ta convocation. Nous avons conclu un pacte d'unification avec le royaume de Gamon. À l'époque, leurs Mages de Guerre nous laissait deux choix : soit leur famille royale, la famille Vanta régnait, à l'aide de son Haut Conseil des Mages de Guerre, soit ils ouvraient un conflit armé contre nous. Les deux choix me semblaient inacceptables. Les Vanta sont monstrueux, arrogants. Chaque membre de cette famille est né de relation incestueuse, pour conserver la « pureté » de leur magie. Il était hors de question de les laisser régner sans avoir mon mot à dire. Mais le conflit armé n'était pas une option ; je ne peux me résoudre à laisser mourir mon peuple pour mes convictions personnelles. Tu connais les traditions de la famille Proteus. Nous avons toujours pensé que si deux chefs d'états avaient un différent, il devraient le régler eux même, à l'aide d'une équipe, au lieu de se cacher en sécurité dans un château fortifié en envoyant des hommes et des femmes mourir pour eux. C'est pourquoi j'ai demandé audience au roi de Gamon. Je l'ai défié ; mais il a expliqué que de par son age avancé, ce moyen était loin d'être équitable. Nous en sommes venus à un arrangement : nos héritiers devront se battre.

Mais bien sûr tout cela tu le savais déjà. Écoute fils… ce n'est pas simplement une guerre de pouvoir et de domination ; c'est une guerre de convictions. Notre famille, contrairement à la leur, prône la diversité. Ta magie, issue de nombreuses fusions de magies en est le symbole même. Tu sais, ton héritier le plus ancien connu ne pouvait que se métamorphoser en félins… et voit où nous en sommes aujourd'hui. Tu possède les caractères génétiques de chaque espèce animale au monde. Tu dois changer les mœurs et les façons de penser. La diversité, c'est l'avenir. Tu dois montrer au monde ta conviction. Au fond, nous sommes tu humains… nous ne sommes pas inégaux. Certes certaines magies sont plus puissantes que d'autre, mais nous naissons avec notre propre magie. Elle doit être un outil d'identification personnelle, et non pas un outil de discrimination. Tu dois réussir Will. Tu portes en toi la volonté de tout tes proches et de tout tes ancêtres. Je ne cherche pas à te mettre de la pression… je te montre que nous sommes tous avec toi.

Ah et au fait, tu dois te demander qui est le maître que l'on t'a assigné ; et bien c'est l'homme qui se tient à tes côtés. Il se nomme Kayne ; il soutient les héritiers de la famille Proteus depuis plusieurs générations. Il continuera ton enseignement au fil de ton combat. Dernière chose, tu n'as droit a aucun soutien financier, tu devras te débrouiller par toi même. Si tu n'as plus de questions, vous pouvez y allez. Zemu t'attend déjà devant la salle. Will… tu vas y arriver. Je le sais.

Will aurait aimé serrer sa mère dans ses bras une dernière fois, mais il n'avait pas beaucoup de temps. Il salua respectueusement les conseillers en s'inclinant, et regagna la sortie, suivie de son nouveau maître Kayne.

Devant la salle attendait effectivement Zemu, mais il n'était pas seul. Il discutait avec la personne la plus détestable que Will ait jamais connu : le grand pontife. Will n'avait rien contre le fait d'être croyant, mais il méprisait profondément le fanatisme et l'endoctrinement religieux. Le grand pontife était un fin manipulateur, et aux yeux de Will il était plus qu'un escroc qu'un guide spirituel. Un menteur qui profite de la faiblesse des gens dans le besoin pour leur extorquer de l'argent. Et puis ce n'était pas comme s'il était en manque d'argent, l'Église est la deuxième entité la plus riche après l'État. On pouvait voir sa richesse au premier regard : c'était un homme gras, toujours en tenus très riches en ornements. À chacun de ses doigts boudinés se trouvait un anneau serti d'une énorme pierre précieuse d'une couleur différente pour chaque doigts. Il se pavanait toujours avec canne en platine plaquée or avec pour poignée un énorme diamant. Pour Will, il ressemblait à un énorme porc décoré pour un concours de beauté animal. Enfin bon, Will avait tenu des années sans le frapper, il pouvait tenir encore quelques minutes sans provoquer un incident diplomatique

-Oh Will… cela faisait un moment que je ne t'ai pas vu venir à la messe. Cela te ferait beaucoup de bien, tu sais. Les gens ressortent souvent… heureux et soulagés de ma cathédrale.

Ses paroles pouvaient sembler chaleureuses, mais l'aversion que Will éprouvait pour lui était réciproque : il semblait détester les personnes capables de lui résister.

-Ok. Bonne soirée, répondit sèchement Will.

-Ne sois pas si froid… et tu es censée m'appeler « mon père », Will.

-Je n'ai aucune obligation de t'appeler mon père, tu n'es pas mon père, cette appellation est stupide, et je ne crois même pas à ta religion.

-Tes paroles sont blasphématoire. Je devrais en toucher un mot à ton père, pour ton propre bien.

-à ta guise, gros lard.

Merde. L'insulte était sortie d'elle même, sans qu'il ait pu la contenir. Il avait l'air outré. À côté, Zemu se retenait d'éclater de rire. Kayne gloussa. Le pontife se mit à rougir, son cou gonflait, il balbutiait, tandis qu'un filait de bave coulait d'entre ses grasses lèvres.

-Comment… tu oses… moi...

Kayne se plaça entre deux et sauva Will :

-Écoutez mon vieux… vous semblez avoir du mal à aligner vos mots, vous devez être très fatigué… ou peut être que vous avez trop mangé… peu importe. Vous devriez rentrer chez vous, ces enfants partent ce soir avec moi, alors vous serez tranquille.

Le pontife leva les yeux vers lui, et pointa son index épais vers son visage.

-Qui es-tu toi ? Tu oses le défendre contre moi ? Tu insinues que je suis gros ? As-tu la moindre idée de qui…

Kayne saisit le doigt, le brisa en le tordant vers le haut, et étouffa le cri du prêtre en enfonçant un mouchoir sorti de sa poche dans sa gorge.

-Écoute moi bien gros lard. Tu n'es rien du tout. Tu ne vaut rien. Alors essaye encore une fois de me manquer de respect à moi, où à ces enfants, et je te retrouverai, je m'occuperai de toi, et crois moi, personne retrouvera jamais ton énorme cadavre. Je pense avoir été clair. Tu peux garder le mouchoir.

Il fit ensuite signe aux deux adolescents ébahis de le suivre.

-J'ai commandé deux ou trois petites choses pour le voyages à la boutique magique, on y fait un saut et on part tout de suite après.

Will acquiesça. Kayne semblait être le maître le plus cool qu'il aurait pu rêver d'avoir, au moins aussi cool que sa tante, mais lui avait la classe et semblait plus mature.

Tandis qu'ils sortaient du palais, Kayne leur parla :

-Bon alors en résumé : je suis là pour assurer votre survie, et continuer d'assurer votre enseignement. Par contre, ton père m'a demandé d'intervenir uniquement en dernier recours. Je suis votre joker surpuissant. Mais ne vous reposez pas sur moi. Ah et Zemu, soit pas soulagé, je t'entraînerai aussi, ainsi que tous les nouveaux compagnons que vous aurez. Vous devez tous être à la hauteur. Ah, et je m'impose un droit de veto par rapport au recrutement. À propos de recrutement, je me donne un droit de veto. Quoi d'autres… ah oui, j'ai tracé un itinéraire de notre voyage, une fois qu'on l'aura complété, si je constate qu'on est prêt, alors on passera à l'attaque. En attendant, on évite les confrontations avec l'ennemi, et on survit. Clair ?

-Limpide, répondit Zemu.

Ils continuèrent le chemin dans un silence gênant, que Will finit par rompre.

-Euh… excusez moi, mais comment est ce qu'on est supposé vous faire confiance si on vous connaît même pas ? On ne nous a dit que votre nom… et puis je sais que vous êtes extrêmement puissant, et que vous vivez bien plus longtemps que la normale ; mon père a dit que vous étiez là depuis des générations… votre magie, c'est l'immortalité ?

-Disons que c'est un aspect de ma magie, répondit-il simplement en souriant, vous apprendrez à me connaître bien assez tôt, ne t'en fais pas.

-Comment vous faites pour être si calme ?

-De quoi tu parles ?

-Vous venez d'agresser le plus haut membre de l'Église, vous n'avez pas peur des répercussions que cette action aura ?

-Petit, tu vas vite te rendre compte que je suis bien plus puissant que l'Église.

Ces réponses ne satisfaisaient pas entièrement Will, mais il se dit qu'il était sans doute plus sage de ne pas insister.

Ils arrivèrent à une des plate-formes élévatrices qui mènent au cercle flottant de la ville. Ces plate-formes fonctionnaient avec un système très simple : les mages n'ont qu'à concentrer leur énergie magique vers leurs pieds, et la transmettre vers la plate-forme qui suit alors une trajectoire prédéfinie.

Tandis qu'ils s'élevaient vers le cercle flottant, Will admira une seconde fois la ville vue du dessus. Le cercles flottant était composé de très nombreuses îles de diverses tailles, allant du minuscule îlot ayant juste assez de place pour un banc, jusqu'aux gigantesques îles soutenant d'immenses centre commerciaux. Ce cercle flottant est une véritable attraction pour les touristes ; on y trouvait de tout. Le soir, des mages du royaume tout entier affluaient sur les passerelles en allant de boutique en boutique. Tout était illuminé, de la musique était jouée partout, des mages lançaient des sorts de toutes les couleurs pour assurer des spectacles... Les passerelles qui reliaient les îles entre elles formaient un véritable dédale, les non-habitués s'y perdaient facilement. Will soupçonnait qu'elles avaient été disposées ainsi pour que les touristes fassent le plus grand tour possible avant de repartir, afin de bien vider leurs portefeuille. L'astuce était de sélectionner un îlot plus en hauteur que les autres, et de repérer le chemin à suivre. Ces passerelles avaient remplacés les anciens portails de téléportation à courte distance car ils donnaient des vertiges et des nausées, ce qui provoquait les plaintes incessantes des nobles qui vivaient directement sous le cercle flottant, et qui en avaient marre des litres de vomis qui pleuvaient sur leurs terrains et jardins.

Le petit groupe pouvait déjà apercevoir la boutique magique : c'était sans aucun doute la boutique la plus importante pour tout aventurier : elle comportait tout ce dont on pourrait avoir besoin pour survivre, à savoir des équipements, de la nourriture non périssable, des armes, et des tas de petits outils et gadgets tous plus utiles les uns que les autres. On pouvait la repérer facilement : c'était une grande bâtisse de glace tiède, entièrement transparente, et les mots « BOUTIQUE MAGIQUE » flottait en lettres de feu au dessus.

Ils arrivèrent devant la porte d'entrée, qui se mit à fondre. Dès qu'ils l'eurent franchi, elle se reconstitua.

-Faudra que j'installe ça dans ma chambre… murmura Zemu dans l'oreille de Will.

Un homme chauve vêtu d'une robe de mage violette avec des motifs d'étoiles s'approcha d'eux en étant assis en tailleur sur une sorte de nuage jaunâtre volant.

-Vous recherchez quelque chose de particuliers messieurs ? demanda t-il en roulant de manière exagérée ses R.

-J'ai une commande au nom de Kayne.

-Oh oui je me rappelle de vous… votre commande est assez particulière si je me rappelle bien.

Il s'éloigna dans l'arrière boutique tandis que Will et Zemu flânaient entre les rayons. Les étagères étaient remplies d'objets plus étranges les uns que les autres, et chacun s'accompagnaient d'un bout de papier sur lequel était inscrit le nom et la fonction de l'objet. Le magasin était divisé en trois rayons, chacun ayant une spécialité inscrite sur un grand panneau flottant : sur une extrémité se situait le rayon objets ordinaires, qui comportait une diversité étonnante d'objets, de la plus petite cuillère d'argent à l'immense hallebarde… ce rayon comportait également les armes et équipements en manatium ; puis venait au milieu le rayon objets magiques (technologies alrosiennes) comportant principalement des équipements et armes dites enchantées, telles que des armures équipées d'un mode de combat automatique, des flèches à tête chercheuse, ou encore des mitaines formeuses de boules de neige. Mais le dernier rayon, situé au fond du magasin dans la pénombre, fut celui qui attira l'attention des deux jeunes garçons. Le panneau indiquait objets magiques (RELIQUES ), mais ils n'avaient aucune idée de la distinction qu'il pouvait bien y avoir avec les simples objets magiques. Cette section du magasin était biens moins chargé que les deux premiers, mais une aura étrange y régnait. Chaque objet existait en exemplaire unique, et avait son propre socle, ainsi que son propre spot lumineux. Il n'y avait qu'une douzaine de reliques, mais tous ne semblaient pas destinés au combat ou à la survie, il y avait notamment une sorte de grand pendentif, des boucles d'oreilles, ou encore une paire de lunettes de soleil. Sur chaque socle était gravé une inscription qui semblait indiquait la nature de l'objet. Les deux curieux s'approchèrent de la rune la plus proche ; il s'agissait d'une épée au manche bleu. Sur la lame figurait une sorte de symbole triangulaire. L'inscription du socle indiquait :

Lorsque le porteur tous ses cœurs de vie possède,

La Lame fera que même l'ennemi le plus lointain décède.

-Hein ? Dit Will d'un air perplexe, Ça…

-N'a aucun sens. Coupa Zemu en saisissant l'épée. Hmm… elle a rien de spéciale…

Il se mit en garde, et fendit l'air d'un coup d'estoc, quand soudain un éblouissant rayon lumineux accompagné d'un bruit sourd jaillit de l'extrémité de la lame, et traversa le mur transparent de la boutique, laissant un trou béant.

-Jeune homme veuillez reposer cette épée. On dit qu'elle aurait appartenu à un grand guerrier muet toujours vêtu de vert. Selon les légendes, il aurait abattu de nombreux monstres à l'aide de cette épée, et aurait aussi tranché de nombreux hautes herbes… Enfin bref je m'égare.

Le gérant était revenu et avait ramené une grande caisse de bois avec lui.

-Au fait pour le trou…

-C'était déjà comme ça quand on est arrivé, je vous le jure… coupa Zemu, et puis l'indication était pas claire du tout, je savais pas que l'épée tirait des lasers…

-Je disais, pour le trou, ne vous en faites pas, cela arrive vraiment fréquemment, surtout dans cette section. Et puis l'indication était on ne peut plus claire, quand le porteur est en bonne santé, alors l'épée peut attaquer à distance. Je l'ai simplement formulé plus joliment.

Il s'approcha du mur endommagé, et le frappa d'un grand coup de poing en criant ORA ! et le trou se reboucha tout seul.

-Enfin bref, voici votre commande. De réels bijoux de technologie alrosienne, j'ai passé de nombreux mois à les fabriquer. S'ils venaient à s'abîmer, renvoyez les moi et je les réparerai en un coup de poing. Bon courage pour votre aventure les garçons. Revenez me voir avec les trésors que vous aurez récolté, je vous les rachèterai pour un bon prix !

Kayne lui serra la main.

-Merci de vous être donné tant de mal vieille branche, je vous le revaudrais. À la revoyure.

Il ramassa la caisse et quitta la boutique suivi de ses deux disciples. Il se postèrent ensuite sur un îlot vide sur le bord de l'anneau flottant. Kayne ouvrit la boite.

-Alors… une dizaine de couteaux tentaculaires, trois bâches extensibles, une dizaine de cape modificatrice de poids, des cordes, quatre cents paquets de cigarettes, et une douzaine de gourdes conservatrices, des bloc-notes et des crayons. Parfait tout y est.

Il saisit deux outils constitués d'un petit manche et d'un tentacule qui pendouillait à l'extrémité.

-Voila vos outils principaux ; ne les perdez surtout pas, ces machins là sont les objets les plus pratiques au monde. Vous voyez les crans au dos du manche ? Pour chaque cran, le tentacule prendra une forme différente. Essayez d'enclencher le premier cran.

Will et Zemu se saisirent du petit outil, et glissèrent le petit embout d'un cran. Le tentacule se raidît en un instant, et prit une forme aplatie et pointue.

-Surtout avant de les remettre dans vos poches, n'oubliez pas de remettre le tentacule dans son mode mou. Ce truc là est super tranchant. Maintenant vous voyez ces grandes gourdes de cuir ? Elles peuvent contenir des liquides forcément, mais si vous l'ouvrer par le côté et pas par l'ouverture du dessus, même si la gourde est pleine de liquide, elle apparaîtra comme vide, et vous pourrez y conserver de la nourriture en plus de la boisson. Vous saisissez ? Petite ouverture du dessus pour les liquides, et grande ouverture du côté pour la nourriture.

-D'accord… murmura Zemu, côté pour liquide et dessus pour nourriture.

Kayne l'ignora.

-Maintenant les bâches : concrètement ce sont des bâches normales, elles sont juste extensibles. Prenez chacun une cape ; vous voyez le bouton de l'attache au niveau du cou ? Si vous le tournez dans le sens horaire, vous augmenterez votre poids. Pour chaque tour, votre poids sera doublé. On augmentera vos poids pour la plupart des entraînements. Par contre si vous le tournez dans le sens antihoraire, vous diminuez votre poids ; un tour diminuera votre poids de moitié. Ce sera plus pratique pour les déplacements longs. Le bouton de la deuxième attache permet de régler la température ; ces capes peuvent vous réchauffer en pleine hiver ou vous raffraichir en plein désert. Bien sûr pour fonctionner elles pompent votre mana, mais elle consomment très peu donc vous n'avez pas à vous en faire. De plus vous n'avez pas à vous inquiéter pour vos pouvoirs, tous ces équipements sont en fibre de manatium. Enfin, toute dernière chose : vous prendrez chacun un bloc-note et un crayon.

-Qu'est ce qu'ils ont de spéciaux ? Demanda Zemu.

-Bah c'est très simple : en gros, les crayons permettent d'écrire des trucs sur les bloc-notes. Chaque fois que je vous ferai une remarque, un conseil, ou encore un reproche, vous le noterez dans ces blocs notes. Vous noterez dedans chacune de mes leçons, mais vous noterez aussi mes règles. Vous avez tout compris ? Bien.

Will et Zemu enfilèrent leurs capes. Elles étaient incroyablement fines et douces au contact de la peau. La lumière du clair de lune reluisait sur le tissu. Leur apparence respirait à plein nez l'aventure et la richesse. Pendant que les deux jeunes hommes admiraient la classe absolue que leur conférait ce nouvel habit, Kayne vidait le contenu de la caisse dans le sac réducteur de Will.

-Au fait vous savez tous les deux qu'à l'instant où nous partirons, nous ne pourrons plus utiliser les fonds royaux pour nous financer, et qu'on devra subvenir nous même à tous nos besoins. Dit-il.

-Oui bien sûr, mais où voulez-vous en venir ? Répondit Will.

-Et bien, sachez que la première étape de l'itinéraire que j'ai préparé nous permettra de bien nous remplir les poches, et rapidement en plus. On va dans une la première ville au sud d'Agrilith, Syork. C'est charmant… enfin le jour en tout cas.

Il se mit à éclater de rire tout seul. Les deux garçons se regardèrent, cherchant à comprendre la blague.

-Enfin bref, vous comprendrez quand vous y serez. D'ailleurs, j'ai encore deux ou trois petites choses à régler, donc je pars en avance. Vous m'y rejoindrez, je serais à l'auberge. C'est à une douzaine de kilomètres… donc si dans trois heures vous n'y êtes pas encore, je reviendrais vous chercher, mais normalement il ne devrait pas y avoir de problème, vous n'avez qu'à survoler la forêt tout droit. Sur ce, bon courage !

Et il disparût en un instant dans une énorme bourrasque de vent qui déstabilisa Will et Zemu.

Les deux garçons ont été tendus toute la soirée, mais Will sentait bien qu'il était bien plus nerveux que son ami. Il n'avait jamais réellement quitté la ville, à part pour suivre son père dans des voyages d'affaires, et on le forçait toujours à rester dans sa chambre, alors que Zemu était déjà parti de nombreuses fois en mission. Jusqu'alors il savait qu'il allait devoir représenter son royaume, mais il n'avait jamais vraiment réalisé ce que cela représentait. D'un coup il sentit tout le poids de la responsabilité de sa mission s'abattre sur ses épaules. Ses genoux tremblaient. Il se disait que les hauts conseillers de son royaume étaient quand même un peu débile pour confier l'avenir de tous les habitant du royaume à un ado en pleine puberté. Son principal allié était un autre ado de seize ans également. Qu'est ce qu'ils pourraient bien changer ? Ils allaient se faire massacrer par l'héritier Vanta et probablement mourir. On les envoyait mourir. Will était persuadé qu'ils n'avaient pas la moindre chance, et au moment où il était sur le point de s'effondrer, il sentit la main de Zemu sur son épaule. Il se retourna, et le vit lui sourire. Ce sourire lui fit réaliser deux choses :

première chose, on ne les avait pas envoyé pour mourir, on les avait envoyé parce qu'on leur faisait confiance, parce qu'ils en étaient capable.

Et deuxième chose, Will commença à se demander si lui et Zemu n'avait pas un penchant légèrement gay sur les bords. Ce deuxième élément perturba bien plus l'esprit de Will, mais maintenant qu'il avait repris confiance, il était prêt à partir.

-Prêt ? demanda Zemu,

-Prêt.

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