Quand la pluie...

Christian Lemoine

… froide la rue vide, l'auvent déserté, la vitrine blanche aux soleils morts, et des images caraïbes où l'azur de loin ne cligne qu'en bleu de glace ;

… chemine l'eau le long des toits, sur les façades ; … grise le parcours cisaillé, les gouttes claquant sur la vitre, l'œil lugubre collé au carreau, comme une goutte qui larme sa déroute vers le rebord granite où elle se noiera ;

… froide aussi les pelages, les plumages hirsutes, le transi d'une chair animale sans autre abri que de courber le dos, palette ternie, comme des taches parsemées entre l'indifférence et le pelotonné contre une verticale en faible asile ;

… étrangle les sanglots de la vie ordinaire, celle dont les paysages ne peuvent être jamais que morne banlieue, toute cité dortoir où dort la vie même, et sommeil intranquille ensemencé de cauchemars ; … flaque et rutile en faux éclats mobiles, et moque en ses crues d'arides terres exsangues ;

… sourde contre les tympans de la ville vieillie, dédicaces fracassées dans le vide absolu, des cris qu'on refuse d'entendre ;

… froide aussi et encore, et manège sans cesse revenu litanie sans palabre, rengaine pernicieuse qui ânonne en lancinant goutte à goutte sur la carcasse, sur l'ombre répandue, sur le tas écrasé dans l'encoignure comme en pelote digérant sa propre chaleur, un sans abri plus animal que son chien efflanqué.

Signaler ce texte