Quelle conclusion j'ai tiré du débat Marine LePen vs Emmanuel Macron

Dominique Capo

Analyse politique

1 : J'avoue qu'hier soir, je pensais ne regarder le débat Macron vs LePen que quelques minutes. Je pensais que je ne m'y attarderais pas, et que je visionnerais un film téléchargé sur le disque dur de mon lecteur-enregistreur de DVD, ou que je visionnerai un DVD. J'ai tellement de films en retard… !!!

Cependant, je me suis laissé emporté par le débat. J'étais curieux de voir si les invectives répétées de Marine LePen allaient déstabiliser Emmanuel Macron. Et si oui, de quelle manière. Je désirais aussi savoir quelles propositions l'un ou l'autre, allait mettre en avant pour redresser la France s'il était élu Président de la République. Je connais quelqu'un dans les milieux médiatiques, qui m'a expliqué que Christophe Jakubyszyn et Nathalie Saint-Cricq auraient entre 80 et 100 questions à poser aux deux candidats. J'étais donc également curieux de savoir si ces deux intervenants allaient avoir assez de marge de manœuvre pour les évoquer.

Que dire ? Ce débat – à l'image de cette campagne pour les élections présidentielles ; elle même le résultat du quinquennat désastreux de François Hollande – a été d'un niveau déplorable. Attaques et contre-attaques se sont succédés. Marine LePen a, en permanence, tenté d'ébranler Emmanuel Macron. Il a essayé de rester le plus serein et le plus calme possible, face à la déferlante de son adversaire. Il a été, plusieurs fois, à deux doigts de se laisser emporter par des répliques cinglantes. C'était d'ailleurs le but essentiel de Marine LePen au cours de cette confrontation. Elle l'a bien spécifiée avant que celle-ci ne débute. Son dessein était de décrédibiliser Emmanuel Macron en lui renvoyant sans cesse son passage comme ministre de l'économie de François Hollande, à la figure. Ou en pointant du doigt le fait qu'il soit passé par la banque Rothschild avant de se lancer dans la politique. Une manœuvre de diversion dont je n'ai pas été dupe, afin de pallier aux insuffisances de son programme.

Car, si ce n'est s'en prendre à la mondialisation, à l'Europe, à l'euro, aux islamistes – pour elle, tous les musulmans de France sont des islamistes en puissance -, il a été clair que ses logorrhées verbales étaient à la limite du supportable. Elles en devenaient comiques, risibles, comme je l'ai indiqué dans des SMS que j'ai envoyé à mon ami des médias durant le débat. Lequel m'a répondu que, lui aussi, ainsi que les personnes qui l'entouraient, considéraient ces joutes verbales ineptes et absurdes.

Il est certain qu'Emmanuel Macron manque d'expérience. Certaines de ses propositions montrent des faiblesses. Notamment en matière de politique étrangère, de combat contre le terrorisme extérieur et intérieur, et en ce qui concerne le fait de prendre en compte les besoins des plus pauvres et des plus démunis de nos concitoyens. Par contre, là où j'ai été agréablement surpris, c'est quand il a parlé des handicapés, et de la revalorisation de l'Allocation Adulte Handicapée. C'était à la fin de l'échange, vers 23h20. Il a promis une hausse de l'AAH. Nous verrons s'il tient son engagement. Je saurai lui rappeler en lui écrivant, au cas échéant, d'ici quelques mois s'il est élu. Je n'en n'attends rien, cependant.

Marine LePen, elle, a de la présence. Elle en impose. Et là est sa force. Elle le sait. Elle en joue. C'est ce qui lui permet, aussi, d'attirer tant de gens au FN. Elle dit les choses que les gens ont envie d'entendre. Elle fait des promesses qui, dans les faits, sont souvent irréalistes et irréalisables. La sortie de l'euro serait une vrai catastrophe, et amènerait davantage de problèmes à la France et aux français, qu'elle n'en résoudrait. Quand Emmanuel Macron a voulu l'interroger à ce propos, elle l'a attaqué sur ces liens – réels ou supposés ? - avec le milieu de la finance européenne ou internationale. Elle l'a accusé de tous les méfaits de la Terre durant les deux ans qu'il a passé à Bercy. Alors que les « affaires » dont elle l'affublait, en grande majorité, se sont déroulé avant son mandat en tant que ministre de l'économie. Une façon peu subtile de détourner l'attention sur les réponses à apporter. Et au manque de connaissance des thèmes soulevés. J'avoue que l'épisode SFR/ALSTOM a été du plus haut comique. Lorsqu'elle s'est mélangé entre l'un et l'autre pour accabler Emmanuel Macron de tous les maux. Ou sa visite « éclair » à Whirlpool savamment orchestrée pour miner les entretiens en cours de celui-ci avec les syndicats.

Car il est désormais avéré que cette venue n'avait rien d'accidentelle. Les huées adressées à Macron étaient du fait de partisans de Marine LePen transportés sur place pour l'occasion. Une poignée de sympathisants FN ayant pour ordre de chahuter le candidat de « En Marche ». Et surtout, pour que ça soit diffusé par tous les médias comme symbole de l'échec de la venue de Macron sur le site.


2 : Je ne dis pas qu'Emmanuel Macron empêchera Whirlpool de fermer. De mon point de vue, ça me surprendrait énormément. Il a le mérite, malgré tout, d'avoir consacré du temps avec les syndicats davantage que les un quart d'heure de Marine LePen venue le chahuter.

Bref, ce débat n'a été qu'une immense comédie. Les sarcasmes de Marine LePen, ses sourires, ses moqueries, ses estocades continuelles, n'ont pas fait illusion. En tout cas, en ce qui me concerne. Elle a promis nombre de bouleversements : la fermeture des frontières, le renvoi de tous les immigrés fichés S dans leur pays d'origine, la destitution de la nationalité française des fichés S binationaux. Une monnaie de substitution – un nouveau franc – a a place de l'euro. Elle s'est vu imposer ses vues nationalistes pour refonder l'Europe, à nos partenaires européens, Allemagne en tète. Elle ne s'est même pas interrogé sur le fait que les français pouvaient éventuellement rejeter la sortie de l'euro lors du référendum qu'elle souhaite mener à ce propos. Il faut d'ailleurs savoir que seul un quart – un peu plus, peut-être – désire une sortie de l'Union Européenne. Aucune alternative. Elle n'a parlé que de reli sur soi, que de division, que de haine de l'autre ; les musulmans ont été en première ligne. Elle a parlé de construire des prisons, de répression, de conservatisme. J'ai souvent eu l'impression d'être projeté cinquante ans dans le passé par certaines de ses vues.

Emmanuel Macron, lui, manque d'expérience, je le répète. Il va faire face à des défis que je ne suis pas sur qu'il sera capable de relever. Des épreuves extrêmement délicates à gérer et à résoudre. Légiférer sur les domaines qu'il a détailler est peut-être bien, mais c'est loin d'être suffisant. Accompagner les bouleversements auxquels notre pays est confronté est vital ; plutôt que de les refuser et accuser les autres de tous les maux de la Terre, est bien. Mais baisser les charges, les impôts des uns, si ça va dans le bon sens, n'empêchera pas le chômage. Car l'économie fragile de notre pays est à peine assez solide pour se maintenir en l'état. La formation, parier sur les métiers de demain, je dis bravo. Mais pour que ce genre de projet puisse arriver à terme, ce n'est pas un quinquennat qui est nécessaire. C'est sur une génération que cette évolution se produit.

Or, le peuple désire que les choses changent au plus vite. Le plus rapidement possible. Il est fatigué de cette crise qui n'en finit pas depuis une quarantaine d'années. Il est colérique envers les politiques de Droite et de Gauche qui se sont succédé aux gouvernements de notre pays depuis quatre décennies. Cette classe politique qui a été incapable de nous sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. La France est dans une impasse. Et c'est parce qu'elle est dans une impasse que tant de français ont voté pour les extrêmes – Gauche ou Droite.


3 :D'ailleurs, à ce propos, ce matin, en surfant sur Facebook et les commentaires de certain(e)s de mes correspondant(e)s, ceux-ci et celles-ci se réjouissaient du niveau peu élevé du débat d'hier soir. Ils se disent que si Macron est élu, les prochaines législatives vont remettre en selle les partis politiques traditionnels en berne actuellement. Rien n'est moins sûr. Si les gens ne leur ont pas donné la majorité pour les présidentielles, ce n'est pour leur donner la majorité pour les législatives. Je ne doute pas que ces partis auront des élus à l'Assemblée Nationale, et qu'ils formeront une opposition. C'est une évidence. Néanmoins, s'ils ne réalisent pas que nos concitoyens en ont assez de voir toujours les mêmes tètes au Parlement ou ailleurs, c'est qu'ils n'ont pas tiré les leçons de leur échec récent.

Certes, beaucoup d'hommes politiques de Gauche ou de Droite ont rallié Emmanuel Macron. Ils n'avaient pas le choix. C'est soit lui, soit Marine LePen. Et si c'est elle, c'en est fini de la Démocratie et de la République. Ceux et celles qui s'insurgent contre l'un ou contre l'autre en n'allant pas voter Dimanche, ou en désirant glisser un bulletin blanc dans l'urne, feront le jeu du FN. Ils accentueront son score, même s'ils n'ont pas voté pour lui. Et ça, c'est dangereux, voire suicidaire. Ne pas choisir, c'est aider ceux et celles qu'ils ont pour pire adversaire à gagner des suffrages.

Depuis quelques jours, j'entends ça et là « Ni LePen ni Macron ». Notamment parmi les déçus de la Droite traditionnelle. Mais à ne pas choisir, c'est le pire qui advient toujours. Les gens ont la mémoire courte. C'est ce qui est advenu lors des heures les plus sombres de notre histoire récente. A ne pas vouloir faire la guerre à Hitler en 1938 en démembrant la Tchécoslovaquie en 1938 lors des accords de Munich, pire encore a été la situation ensuite. Ça a renforcé l'ennemi, et ça n'a pas empêché la guerre un an plus tard. Le mème principe s'applique présentement.

Actuellement, il ne s'agit pas de guerre – quoique l'on peut apparenter notre situation a une guerre doctrinale et idéologique. Les propos vindicatifs de Marine LePen laissent présager du pire pour notre avenir, si un jour elle est élue à la tète de l'État. Néanmoins, il est évident que ne pas la combattre par tous les moyens à sa disposition – y compris en élisant un président qui ne correspond pas à ses opinions politiques d'origine – renforce sa position. Il est évident que ne pas apporter son soutien à celui qui cherche à sauvegarder nos institutions, notre République, et notre Démocratie, est le meilleur moyen de renforcer celle qui a l'ambition d'abattre ces valeurs une fois à l'Élysée. C'est un fait.

C'est criminel, alors qu'eux-mêmes sont hostiles à ce que Marine LePen incarne. Ou alors, c'est que les valeurs qu'incarnent la France, sa Démocratie, sa République, etc. ne sont pas assez importantes pour qu'ils mettent leurs différends avec Emmanuel Macron de coté. Si c'est le cas, alors, c'est qu'eux-mêmes ne croient pas en la République et en la Démocratie. Jouant le jeu de Marine LePen, ils contribuent à la porter au pouvoir.

Dès lors, qu'ils ne se plaignent pas si les français ne votent pas pour eux. Qu'ils ne se plaignent pas si leurs champions se retrouvent en minorité. Car les combines électoralistes sous-jacentes à ce genre de comportement montre une mesquinerie qui ne fait que les défavoriser. C'est parce que ces combines électoralistes, carriéristes, existent, que la population est agacée par eux.


4 :Autre chose : je l'ai déjà dit à de nombreuses reprise, les idéologies de la Gauche et de la Droite n'en finissent pas d'agoniser. Elles ne sont plus en phase avec le monde d'aujourd'hui. Que ce soit le Gaullisme, le Communisme, le Socialisme, l'Extrême-Droite, etc., il y a longtemps qu'elles sont dépassé. Les solutions compatibles avec ces époques révolues s'avèrent inefficaces et stériles. Pire, elles aggravent davantage l'état de la France. Tant que ces partis se raccrocheront à ces miettes pour survivre, des LePen ou Macron s'engouffreront dans la brèche. Ils les évinceront et prendront leur place, avec la bénédiction des gens fatigués par leurs incapacités à remédier à leurs problèmes. Je plains ceux et celles qui croient que l'on peut encore revenir aux bonnes vieilles méthodes d'antan.

J'ai pensé à un comparatif ce matin : c'est comme si après la Seconde Guerre Mondiale, ou en 1958 mème, le Général de Gaulle avait usé des méthodes de gouvernement datant… de la fin du 19e siècle ou du début du 20e siècle. On se dirait, c'est impensable, inimaginable, impossible à faire. Et pourtant, c'est ce à quoi nous assistons par les idéaux et les et les modes d'action et de gouvernements de ces partis de Droite ou de Gauche. Leurs notions, leurs façon d'envisager les solutions à mettre en place pour redresser la France, sont issues des années 1960, 1970, ou 1980. Soit, au minimum 30 ans, au maximum 50 ou 60 ans. Vous faites le calcul. Si le Général de Gaulle, en 1958, en avait fait de même pour redresser la France, ils se serait inspiré des années 20, 10, voire 1890. Ce serait comique si ce n'était pas lamentable.

Quoiqu'il en soit, si, par miracle, la Droite et la Gauche remportaient un nombre de sièges suffisants pour bloquer l'action du nouveau Gouvernement – qu'il soit de Macron ou de LePen -, les institutions se retrouveraient bloquées. Car en élisant un Président hors de ce sérail, et si la Droite et la Gauche traditionnelles l'emportaient en Juin, l'élection de Dimanche prochain n'aurait aucun sens. A quoi bon élire un Président du FN ou d'En Marche, si c'est pour que la Droite ou la Gauche reviennent aux manettes ensuite. Je ne pense pas que les français soient assez idiots pour envisager cette solution. A moins, évidemment, une fois encore, que justement, les partis traditionnels partent du principe que les français sont idiots. Qu'ils peuvent les manipuler comme bon leur semble ; y compris lorsque les gens leur montrent qu'ils ne veulent plus d'eux. Dans ce cas, ces partis sont irrécupérables, et vivement que leur agonie se termine par leur désintégration.

Il ne fait d'ailleurs aucun doute que ce processus va s'accélérer avant, pendant, et après les législatives. Le fossé est désormais trop profond pour que les choses reviennent comme avant. Un pas décisif a été accompli. Le Premier Tour l'a montré. Le débat d'hier soir est la preuve flagrante de l'état de décomposition généralisé de notre système. Les échanges entre Macron et LePen sont à l'image de ces démembrements politiques en cours. Il s'agit là de l'ultime chance donnée à la République et à la Démocratie pour un sursaut en avant. Sinon, la prochaine fois, cette fois, l'Extrème-Droite remportera les suffrages. Et tout ce pour quoi nos prédécesseurs ont lutté pour nous offrir la 5e République périra.

Alors, même s'il ne réussit pas tout ce qu'il annonce, même si ces idées sont en désaccord avec ce que nous voulons pour la France, Emmanuel Macron est l'ultime rempart avant la décomposition généralisée. Réfléchissez un instant : il n'y a pas de ni-ni possible dans ce genre de circonstances. Et vous, préférez vous Macron, ou le démantèlement de tous les partis politiques, puis leur interdiction ? Préférez-vous la dictature, le repli sur soi, la violence, la répression, et la propagande comme armes politiques ? Préférez-vous que votre liberté soit restreinte ou anéantie ? Préférez-vous la guerre-civile comme alternative ? Préférez-vous l'inflation, la diminution du pouvoir d'achat parce que nous serons en dehors de l'Europe ? Préférez-vous que la France devienne une nation de seconde catégorie ? Préférez6vous voir des millions de gens expédiés ailleurs parce qu'ils ne correspondent pas aux critères du FN pour être un « vrai » français ? Vous aussi peut-être, qui sait ?

Préférez-vous tout cela et le reste, ou Macron ? Moi, à choisir entre le pire et un homme qui, bien que ne correspondant pas totalement à mon idée de la France, est malgré tout démocrate et républicain, je préfère la seconde option. Voilà, entre autres, tout ce à quoi j'ai réfléchi durant le débat entre Emmanuel Macron et Marine LePen. En regardant plus loin que le coté risible et lamentable incontestables du niveau des échanges entre ses deux participants...

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